Le village de Houra dans la commune de Bouzeguène a organisé le week-end dernier une « timechret » appelée autrement « lewziâa », un rite égalitariste aujourd'hui de plus en plus fréquent dans les villages de Kabylie. Ce rite ancestral s'est effectué, l'espace d'un jour, avec le sentiment de solidarité qui animait jadis, tous les villages de Kabylie. Dans la matinée de jeudi, un immense défilé de voitures dont deux camions transportant les taureaux, a pris le départ du village de Houra pour rejoindre, dans un assourdissant concert de klaxons, l'abattoir communal où douze bêtes y seront immolées et les deux autres le seront au niveau du village pour perpétuer la tradition et pour rassembler les familles dans un même lieu autour d'un même idéal. Faire couler le sang des bêtes sur la terre du village est impératif pour que cette tradition ait réellement un sens. Comme de coutume, aucun villageois n'a été oublié ; toutes les filles mariées, où qu'elles se trouvent, ont été conviées à prendre part à cette cérémonie. Cette tradition constitue l'une des pierres angulaires les plus bienfaitrices de la société. Aujourd'hui, plus que jamais, la dégradation du pouvoir d'achat, la cherté de la vie poussent les gens à recourir le plus souvent à la solidarité et à l'union pour se soustraire aux relents de la dégradation des conditions de vie. Une fois les bêtes immolées et entièrement nettoyées, elles ont été découpées pour être transportées au village. Là, on a procédé au dépeçage de toutes les parties de la bête. Sur une bâche étalée au sol, on dépose des morceaux de viande provenant de toutes les parties de la bête pour constituer des parts égales sans pesée. Chaque foyer du village, a eu droit à sa part ; l'esprit de la solidarité a ainsi prévalu. Le rite de timechret est une tradition parmi tant d'autres qui assure à la fois le rapprochement des hommes les uns des autres, assure la symbiose de la collectivité villageoise et, dans l'esprit de tout un chacun, met fin à l'acharnement du mauvais sort et éloigne la malédiction.
