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Le vieil homme qui écrivait des sketches
Mohamed Ferrah, militant PPA/FLN, artiste, père du théâtre algérien engagé
Publié dans El Watan le 30 - 10 - 2008

« Face au monde qui change, il vaut mieux penser le changement que changer le pansement. » Francis Blanche
Sortant de certaines bouches, la vérité elle-même a mauvaise odeur. Où l'Etat commence, s'arrête la liberté individuelle et vice versa. Une démocratie peut se rétablir rapidement d'un désastre matériel ou économique, mais quand ses convictions morales faiblissent, il devient facile pour les démagogues et les charlatans de prêcher. Alors tyrannie et oppression passent à l'ordre du jour
Même s'il l'avait voulu, la mise en scène de sa vie, lui qui sait si bien en écrire, n'aurait pas été aboutie, tant l'imprévisible qui peuple son itinéraire qui ressemble à un gros roman plein de surprises. Il y a comme une passion qui se prolonge chez ce jeune homme de 90 ans, pudique, réservé qui a traversé le siècle, connu tant de déboires et de croche-pieds qui n'ont entamé ni sa passion ni son ambition. Mélange d'orgueil et de modestie, ce medersien bon teint n'aime pas égratigner les autres, dans un monde où les vilenies se cachent derrière des sourires hypocrites. Il préfère parler de sa personne, sans fioritures, lui qui cultive une franchise avérée.
Napoléon avait dit un jour : « Il ne faut pas seulement être un bon général, encore faut-il gagner les batailles. » En l'espèce, Mohamed en a remporté plusieurs. De sa voix basse, il vous conte sa militance sincère et son apport à la culture à une époque improbable et ingrate, où il s'est évertué à faire du théâtre non pas un exutoire, un lieu voué aux exhibitions bavardes futiles et folkloriques, mais le centre rayonnant d'une prise de conscience collective, grâce à des textes engagés, par lui signés. « Le parti PPA/ MTLD, en lui confiant la mise sur pied d'une troupe théâtrale algérienne, à la fin des années 1940, avait misé juste », admet Brahim Chergui, ancien dirigeant nationaliste.
Aujourd'hui, lorsque nous suggérons à Mohamed qu'il mériterait bien le titre de père du théâtre algérien engagé, il réfute d'un revers de la main cet honneur, se limitant à se considérer comme un simple artiste militant qui n'a jamais renié ses convictions. Mohamed est né le 21 avril 1919 à Ksar El Boukhari. Il a fait l'école européenne et la zaouïa de cheikh El Missoum de sa ville natale, sans oublier les appuis renouvelés de son père Brahim, bachadel, au tribunal avant de prendre ses libertés en ouvrant un cabinet très fréquenté.
Prise en conscience précoce
A 12 ans, on entre dans la vie sans même s'en apercevoir. On n'en fait pas tout un plat, on s'en fiche, on s'en fait une raison, c'est tout. « A cet âge, j'étais insouciant. Un jour, le PPA avait ramené des tracts à distribuer simultanément à travers tout le territoire national. Avec mon cousin, j'ai accompli cette tâche à Ksar El Boukhari. Lorsque mon père prit connaissance de cet épisode, il me donna une raclée que je n'oublierai jamais. Vexé, j'ai fugué. Un ami boulanger m'a recueilli. Je dormais sur le pétrin. Après quelques jours, j'étais apprenti coiffeur et je me contentais de quelques pourboires. J'y suis resté quelque temps jusqu'au jour où mon père me repéra et m'orienta vers Ethaâlibya, où Mostefa Lacheraf était mon condisciple.
Là, j'ai découvert pour la première fois la mer à Alger. Aux cafés Tlemçani et Guellati, les chansons de Abdelwahab et de Oum Kaltoum nous envoûtaient. On était bercés par ces mélodies qui magnifiaient les poètes arabes. Là, j'ai redécouvert le PPA qui était pour moi un idéal lointain. Cela a commencé par une histoire qui m'a profondément marqué. Il y avait un militant du parti à La Casbah trésorier de sa cellule qui habitait à la rue Randon. Un jour, sa mère lui a demandé de lui acheter un matelas, ce qu'il a fait avec l'argent de la caisse, en promettant de rembourser dès la prochaine paye. Lorsque Mohamed Taleb, qui était au comité directeur du parti l'apprit, il fit des remontrances à ce militant en lui disant que l'argent du peuple revient au peuple et que nul n'a le droit d'y toucher.
Vexé, le militant a entamé une grève de la faim complète. Ni sa mère ni Sid Ali Abdelhamid, dirigeant du parti, ne purent l'en dissuader. Ce militant ne cessait de répéter : ‘‘J'ai fait une faute, je dois payer'', il en est mort. » La scolarité de Mohamed au départ n'a pas été brillante parce qu'il rate sa première année à la medersa et retourne à Ksar, où il est auxiliaire interprète judiciaire. Un jour, on l'a chargé de donner des cours d'arabe aux religieuses bénédictines. « Cela m'a permis de discuter de l'Islam et du christianisme. Les sœurs s'interrogeaient sur la percée de l'Islam dans les fins fonds de l'Afrique et ailleurs. Je leur répondais que c'était en raison de sa simplicité et de son accessibilité. » Religion de tolérance, l'Islam respecte les autres religions révélées.
Une histoire rapportée par le prophète, est édifiante à ce sujet. Une prostituée juive avait soif. Elle est descendue dans un puits en s'accrochant aux aspérités. Elle a bu et elle est remontée. Elle séchait ses vêtements lorsqu'elle aperçut un chien assoiffé dont la langue pendait. Elle redescendit, remplit son soulier d'eau et donna à boire au chien. Sa destinée était le paradis, alors qu'une musulmane, d'une piété absolue, a emprisonné un chat en l'affamant sans le libérer. Son destin croisera l'enfer. Ces deux faits indiquent l'humanisme de l'Islam qui dit : « Facilitez et ne compliquez pas les choses. Annoncez la bonne nouvelle. Ne faites pas fuir les gens de répulsion. »
Lorsque la guerre éclate en 1939, Mohamed est bon pour le service, mais suivant les mots d'ordre du parti, il fuit. Il est arrêté et incarcéré à la caserne d'Orléans. Il est affecté à la 2e compagnie de Belcourt. A sa sortie, il s'associe à un négociant en dattes et s'installe à Touggourt. « Dans cette ville, le parc public était interdit aux chiens et aux Arabes. Un jour, le chaouch m'y a vu et m'a traité de tous les noms d'oiseau. J'ai riposté en lui disant que lui aussi était Arabe, mais n'avait pas de nif. Cette année-là, le parti avait décidé de sortir de la clandestinité. La centrale m'a envoyé un groupe de militants que je devais placer dans le département de Touggourt en perspective des élections, j'ai rempli ma mission, mais les militants ont été arrêtés par la suite et suppliciés. » Dévoré par sa passion du théâtre, Mohamed commençait à écrire des pièces bien pensées, patriotiques, pas comme « celles qui étaient en vogue à l'époque où il s'agissait beaucoup plus de trompe-l'œil et de danse du ventre ».
Alors qu'il était l'animateur de l'Union des femmes musulmanes d'Algérie avec Mme Chenouf, Mme Fatima Zekkal, Nefissa Hamoud et d'autres, toutes héroïnes de la guerre, le parti l'a imposé pour créer une troupe artistique. « J'écrivais des sketches de sensibilisation avec un arrière-fond patriotique. La troupe ‘'L'art algérien'' était animée par Hassan El Hassani, Abdelkader Safiri, Bestandji (Taha El Amiri), Touri, Rouiched, Abderahmane Aziz, Latifa, Leïla El Djazaïria. On était censés répéter à l'Opéra, mais l'administration nous refusa la salle. C'est grâce à Moufdi Zakaria qu'on a pu obtenir le droit de répéter dans le hall de la salle Dounyazad. »
Des œuvres marquantes
A l'actif de notre artiste, des œuvres marquantes adaptées comme Le médecin malgré lui, L'avare, Le bossu magnifique et surtout Montserrat où Mohamed tint le rôle principal et qui a obtenu un grand succès à l'époque. « Emmanuel Robles, l'auteur de la pièce, un normalien qui a assisté à la générale de l'Opéra, m'a dédicacé le texte en écrivant ‘'A Mohamed Errazi, (mon nom de théâtre) qui a su magnifiquement traduire, mettre en scène et interpréter cette pièce'', qui lui appartient aussi. » La troupe prend du volume et se permet de faire des représentations en dehors de l'Algérie. A Casablanca où Mohamed est reçu par le roi Mohamed V, la pièce Montserrat fait un tabac et… Mohamed est tabassé par les mekhaznis qui ont jugé la pièce subversive. Pourtant, dans la salle, il y avait Hassan II et Mameri, oncle de Mouloud Mameri et chambellan du roi.
Un théâtre « subversif »
Au début des années 1950, Mohamed est à Paris où il monte, seul Arabe à le faire, la pièce Urbain Grandier qui met en scène un prêtre luttant contre le célibat sous le règne de Richelieu. Le déclenchement de la lutte de libération le surprend à Paris, où Avec Bensalem, il fait paraître Résistance Algérienne, en bénéficiant du soutien de la 4e Internationale. A son 5e numéro, la revue est censurée, Bensalem est incarcéré, mais il réussira à s'évader de la prison de la Santé. Mohamed est activement recherché. Il en informe ses frères Abdelkader, prof de scénographie au centre dramatique de l'est à Strasbourg et Missoum, jeune élève dans cet établissement. Comme il ne pouvait prendre l'avion, il embarque à Bordeaux avec les troupes françaises destinées à guerroyer en Algérie. A l'escale de Casa, Mohamed descend.
Il veut rejoindre le maquis, mais on l'intègre au MALG. Il est chef du secrétariat particulier du ministre de la Défense du Maroc, Aherdane. « C'est là où j'ai rendu d'éminents services à la lutte. » Homme discret parmi les hommes de l'ombre, il poursuivra son combat avec la même veine. A l'indépendance, il dira à Khider qu'il ne s'agit plus d'un parti, mais de la construction d'un Etat. Ses idées agacent et dérangent. Il est appelé par Bouteflika pour être son chef de cabinet au ministère de la Jeunesse et des Sports et du Tourisme. Mais il n'y fera pas de vieux os. « J'en avais marre de la politique de Ben Bella, hostile aux investissements étrangers et trop porté sur la démagogie. J'ai démissionné en vivant aux crochets de mon beau-frère. Un jour, le ministre du Commerce m'a sollicité pour lancer la grande Foire internationale d'Alger.
Avec Ben Bella, ça a été un cafouillage terrible. ‘'C'était un grand souk'' une foire de brochettes et de merguez. » En 1969, Layachi Yaker est instruit pour lancer la Foire aux Pins Maritimes, mais le chantier traîne en longueur. Il a fallu l'intervention expresse de Boumediène et la nomination de Ferrah en tant que coordinateur général pour relever le défi. « Le 11 septembre 1970, le pari était gagné et l'Algérie pouvait se targuer d'avoir une Foire acceptable. » Mohamed y restera jusqu'en 1976. « On m'a éjecté après la mort de Boumediène, on m'a muté au ministère du Commerce où je ne faisais rien, sinon lire et relire le Coran. »
Mohamed a écrit de nombreuses pièces dont Antar Ibnou Keddad. « Le contrat a été signé avec l'ENTV, j'ai même perçu une avance, mais je ne vois rien venir. Quel gâchis ! » L'islamisme ? Le terrorisme ? « La meilleure façon de lutter contre ces fléaux, c'est de faire émerger le véritable Islam. C'est notre devoir à tous de ne pas laisser notre religion devenir l'otage d'illuminés et de zombies. L'Islam est la religion du pardon et de la tolérance. » Cet homme, qui porte sur les autres un regard attentif, voit en l'Algérie un pays qui se construit, même si la complexité de la tâche laisse croire à un retard. En tous cas,s jamais l'Algérie n'a été aussi libre, conclut-il avec une lueur dans ses petits yeux malicieux…
Parcours
Mohamed Ferrah est né le 21 avril 1919 à Ksar El Boukhari. Après des études primaires dans sa ville natale, il rejoint la medersa d'Alger. Il milite au PPA. Il voyage à Paris où il reste quelque temps avant de rejoindre le Maroc où il intègre le MALG. Artiste militant, le FLN lui confie plusieurs tâches dans le royaume chérifien. A l'indépendance, il est cadre au ministère de la Jeunesse et des Sports, sous la direction de Abdelaziz Bouteflika. Mais sa carrière se fera à la Foire internationale d'Alger, où il est directeur général durant plusieurs années. Pendant cette période, il est membre du comité directeur de l'Union des Foires internationales et de la commission technique. Il est également président de la Chambre de commerce mixte algéro-marocaine, algéro-tunisienne et algéro-sénégalaise. Il est poussé vers la sortie à la fin des années 1970. Mohamed coule une retraite paisible au milieu des siens.


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