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Bou Saâda : El Fouara, une mémoire stupidement gommée
Publié dans El Watan le 09 - 11 - 2008

Les Bou Saâdis de plus de soixante ans se rappellent avec nostalgie d'une fontaine publique qu'on appelait El Fouara. Elle était le havre de paix vers laquelle se dirigeaient instinctivement tous les habitants de la ville, lorsqu'ils voulaient profiter de la fraîcheur du soir après une journée torride ou effectuer quelques emplettes.
Personne ne pouvait donner la raison exacte de l'origine de ce nom, à moins de l'expliquer par une quelconque similitude avec les autres fontaines publiques telle la célèbre Aïn Fouara, l'incontestable icône de Sétif.* Le mot en lui-même évoque en fait un jaillissement continu de vapeur vers le haut. Là, point de geyser auquel on pourrait s'attendre, c'est plutôt l'écoulement paisible d'un filet d'eau utilisé beaucoup plus pour les ablutions et le lavage d'autres choses que pour se désaltérer, à moins d'en supporter le goût légèrement saumâtre ou n'avoir aucune autre possibilité d'étancher sa soif. Elle n'a jamais nourri non plus la prétention de détenir des vertus thérapeutiques ou un quelconque pouvoir mystique. Ce qui est par contre remarquable, c'est l'aura perceptible de ce lieu qui ne laisse personne indiffèrent. Un demi-siècle plus tard, l'endroit, où n'existe malheureusement plus aucun vestige, dégage toujours une indicible charge émotionnelle. C'était un véritable monument qui trônait au beau milieu de la place centrale de la ville, baptisée aujourd'hui place des Martyrs, et qui représentait le point de rencontre de toutes les classes sociales et de toutes les communautés qui se côtoyaient pacifiquement dans la cité.
La construction, de forme carrée et d'une hauteur de cinq à six mètres paraissait imposante mais combien familière à notre regard d'enfant. Elle était agrémentée sur ses quatre côtés par des acrotères et des corniches dans sa partie supérieure. Sur chacune des quatre façades, l'eau coulait de la gueule d'une tête de lion en bronze appariée à l'ensemble de la maçonnerie et se déversait dans des réceptacles creusés à même la pierre en forme de bassins. Elle était construite avec de grands blocs de pierres taillées et on ne peut s'empêcher d'avoir une pensée respectueuse pour les bâtisseurs et à la somme d'efforts et de sacrifices pour réaliser cet obélisque à tête aplanie. On imagine ce qu'il a fallu comme endurance et patience pour ramener tous ces blocs de pierre avec les moyens de transport de l'époque, les tailler au burin et au marteau avant de les sceller harmonieusement par le système tenon-mortaise. Au sommet accrochés à des acrotères, on pouvait toujours apercevoir quelques nids de cigognes et des essaims de pigeons tournoyer. Elle donnait l'impression d'être indestructible, voire éternelle ! Ses flancs sud et sud-ouest étaient bordés, à quelques centaines de mètres, par le Cercle militaire et plus à l'ouest par l'hôpital et le fort Cavaignac appelé communément Bordj Essaâ aujourd'hui lui aussi en ruine.
La route qui conduisait vers Alger d'un côté et vers Djelfa et Biskra, de l'autre passait devant le monument. Dans les arcades, qui longeaient la fontaine sur les cotés ouest et nord, se trouvaient les échoppes des artisans ainsi que les commerces tenus, pour la plupart, par des Mozabites ou des Juifs. Le côté est donnait sur la façade principale de la mythique école Sidi Thameur du nom du patron de la ville assis en tailleur à même le sol, les cordonniers fabriquaient les « rihia »(1) de nos grands-mères sans oublier les « bolghas »(2) et autres « bouskals »(3) aux talons ferrés destinés aux seigneurs de la steppe. Juste à côté, de véritables artistes brodaient les plastrons des élégants burnous en poils de chameaux que portaient les notables et les gros propriétaires. Les autres maîtres du cuir peaufinaient les harnais des chevaux et tout ce qui se rapporte à la sellerie qui faisait la réputation de la région. Les maréchaux- ferrants s'affairaient à ferrer les chevaux attachés parfois aux anneaux fixés aux murs de la fontaine. Les coups de marteaux des forgerons complétaient l'ambiance laborieuse de la cité.
Dans les parages, il y avait toujours une quelconque fête orchestrée par l'un des nombreux meddahs qui sillonnaient la région. Différentes marchandises étaient exposées à la vente, entre autres les petits tas de dattes, de glands ou de marrons que les enfants venaient chaparder. C'était l'endroit préféré pour échanger des nouvelles sur tout ce qui concerne la vie de la cité à l'ombre des mûriers centenaires ou simplement deviser en sirotant un thé ou un café servis par des garçons virtuoses dans l'art de faire valser les plateaux chargés de tasses et de verres, pour épater davantage les consommateurs ébahis par tant de prouesses. La veille du souk hebdomadaire qui se tenait le mardi, les marchands arrivaient de tous les environs et dressaient leurs tentes et leurs étals aux pieds de cette fontaine. Tout s'organisait autour d'elle en cercles concentriques : les habitués des lieux s'installaient à proximité de la fontaine, quant aux marchands occasionnels, ils occupaient les zones périphériques un peu éloignées. Le soir, plusieurs bivouacs s'allumaient jusqu'à l'aube et on se retrouvait selon les affinités dans des groupes qui se constituaient spontanément pour écouter les légendes de Antar ou Sid Ali, narrées avec l'art consumé du suspens et des rebondissements inattendus par des conteurs passés maîtres dans la façon de tenir leur auditoire en haleine. Chacun fantasmait sur le sort de sa Abla comme il l'imaginait. D'autres se laissaient envoûter par les complaintes d'une flûte dont la mélodie lancinante s'évadait avec l'âme à travers les immensités désertiques à la recherche des chevauchées épiques. Les autres journées, l'endroit faisait le bonheur des garnements de la cité qui venaient se rafraîchir ou remplir leurs seaux d'eau. Comme elle se trouvait en face de l'école communale, des grappes d'enfants l'assiégeaient toute la journée et s'ébattaient dans son bassin inférieur. Dans son voisinage, on retrouvait toujours quelques vendeurs de pois chiches ou de fèves que les écoliers achetaient avec leur dotation journalière en fameux douros (4.) . Cela tenait lieu de véritable repas et suffisait amplement à tromper la faim toute la journée. Dans l'euphorie des premiers jours de l'indépendance recouvrée, quelqu'un a eu l'idée insensée de démanteler cette fontaine parce qu'il jugeait qu'elle représentait tout simplement le dernier symbole d'un colonialisme vaincu mais gardant tous les espoirs de revenir un jour pour s'y abreuver ! Sans autre forme de procès, le monument emblématique de la ville, témoin muet de tous les secrets et les confidences des générations de visiteurs qui venaient l'admirer ou s'y reposer, a été livré aux démolisseurs qui non seulement l'ont détruit mais ont fait disparaître ses pierres pour éviter toute velléité de reconstitution !
A la place, on a planté un affreux tas de béton difforme qu'on surnomma par dérision « la cheminée », sur lequel se perchaient les petits responsables de l'époque pour débiter doctement leurs discours lénifiants à une population goguenarde. Etouffé par le prosaïsme ambiant, l'endroit glissa progressivement vers la réputation peu flatteuse d'être devenu le lieu de ralliement de toutes les formes de trabendo et des drogués disputant l'espace aux écoliers, sous les fenêtres de la plus prestigieuse des écoles de la région : l'école Sidi Thameur ; l'ancienne école de garçons : Lucien Chalon. Lorsqu'on voit l'état de vétusté de cet établissement, la saleté repoussante de son environnement, ses odeurs pestilentielles et la faune qui peuple ses alentours, rien ne laisse deviner qu'un bon nombre de ses élèves sont devenus des hommes illustres qui ont contribué à façonner l'histoire du pays, entre autres si Tayeb El Watani, notre défunt président Boudiaf. N'oublions pas de reconnaître le mérite du personnel pédagogique qui l'a animée avec brio même du temps de la période coloniale et qui a été pour l'essentiel dans la formation de plusieurs promotions de cadres et de responsables de haut rang. C'est pour les plus chanceux des enfants de cette ville, qui fut jadis la destination privilégiée des poètes et autres artistes, l'occasion de faire montre d'un peu de gratitude. Continuer à se contenter de déplorer la situation par un soupir d'impuissance a confirmé ses limites. On pourrait tout de même consacrer quelques efforts pour accorder à la détresse de ces lieux magiques un peu plus de considération. C'est le moins que l'on puisse espérer !
* : Je garde en mémoire avec beaucoup d'admiration le prodigieux élan de tous les Sétifiens pour reconstruire sur le champ la sirène de leur fontaine endommagée par un attentat terroriste. Rebravo !
Notes de renvoi
(1) Mule (pantoufle) pour femme
(2) Modèle de chaussures pour homme, spécialité de la région
(3) Modèle de chaussures ressemblant au classique derby actuel
(4) Pièce de monnaie valant 5 francs anciens à l'époque


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