En ce mois de juin 2018, l'Algérie aura eu à découvrir tout le panel de dérives qui menacent son destin, son existence et son avenir en tant qu'Etat-nation. Les Algériens qui ont vaincu le terrorisme, même si la menace terroriste est toujours présente — c'est d'ailleurs le défi qui s'impose à beaucoup de pays —, devraient prendre conscience que les menaces qui les guettent sont d'une autre nature et autrement plus dangereuses et pernicieuses. Le danger vient de la déliquescence qui gangrène tous les secteurs de la vie nationale, celle qui a produit le narcotrafic aux ramifications bien établies aujourd'hui dans les institutions. Les vidéos de «Kamel El Bouchi» livrées par une télévision privée font peur. Celui qui fréquentait les cercles décisionnels, associé aux inaugurations officielles de projets publics aux côtés des membres du gouvernement, et avait vraiment pignon sur rue et des projets immobiliers à foison dans la capitale, dans les quartiers les plus chics, s'est révélé être en réalité un véritable Pablo Escobar algérien. Contrairement à ce qu'on veut bien montrer, l'affaire des 701 kilogrammes de cocaïne est une vraie bombe à retardement tant les connexions d'«El Bouchi» avec les milieux politiques ne manqueront pas de surprendre l'opinion publique. L'implication de magistrats, de cadres de l'Etat, d'élus dans ce qui apparaît déjà comme un large et complexe réseau de trafic de drogue, et surtout de blanchiment d'argent à grande échelle, est symptomatique du profond mal qui ne cesse de ronger l'Algérie et ses institutions. L'impasse politique dans laquelle est conduit le pays a un prix. Un prix lourd car l'affaire de Kamel El Bouchi n'est pas de celles qui relèvent de la délinquance ordinaire et du droit commun, mais assurément du niveau des grands scandales de corruption et de dilapidation des biens de l'Etat qui ont ébranlé l'Algérie ces dernières années. Elle est surtout révélatrice des graves dérives qui menacent les Algériens et leur devenir. L'impasse politique du régime qui a enfanté les magnats de la drogue et une oligarchie aux relents mafieux ne pouvait pas apporter de la prospérité, le bien-être et la stabilité pour les Algériens. Elle a produit de la violence et de la criminalité dans une société dont on a détruit tous les repères : les valeurs de respect, de mérite et de travail. Le potentiel de violence — que l'on peut légitimement soupçonner d'être érigée en régulateur social — que couve la société algérienne est inouï. Il se manifeste au quotidien dans la vie des Algériens qui ne sont à l'abri nulle part, dans la rue, sur les plages, sur les aires de stationnement, squattées par des délinquants qui ont tué au couteau deux paisibles pères de famille la semaine dernière. On n'exagérerait jamais si on disait que l'Algérie est un pays dans la déprime qui a besoin d'une thérapie d'urgence pour le débarrasser de tous les démons qui le guettent, y compris le sombre destin que préconise le séparatisme de Ferhat Mehenni pour la Kabylie. Notre pays est menacé de toutes parts. Mais essentiellement par ceux qui ont conduit à cette dangereuse déliquescence.