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Les employés du complexe dénoncent les conditions de travail
Publié dans El Watan le 15 - 12 - 2004

Les travailleurs rapportent que les mentions retenues sur leurs dossiers médicaux rapprochent presque tous leur pathologie au mercure. Une réalité qui ne fait que conforter les grands risques professionnels dus au mercure et à sa production. Au complexe de Bayard, ils sont une quarantaine d'employés liés à la production et, donc, plus exposés. Les risques proviennent surtout des émanations de vapeurs mercurielles lors de l'opération de condensation et aussi au niveau de «l'équipe des potiches», comme la désignent les travailleurs. Trois travailleurs des fours ont accepté de parler des conditions de travail et de leur maladie.
Ammar, Saâd et Abderrahmane. Trois vies différentes, mais un même destin. Les mêmes symptômes et la même souffrance. Ammar, le plus âgé, habite à Azzaba. Saâd habite à Bayard, il a presque perdu sa mémoire et ne se rappelle même plus de son âge. Abderrahmane, le plus jeune, mais aussi le plus fragilisé, habite à Zaouia.
Fatigue, troubles de mémoire et anxiété
Ammar est un des pionniers de l'unité, aujourd'hui à la retraite. «En 1971, j'ai fait partie des 27 stagiaires devant travailler dans l'unité de production, celle qui traite le mercure. Les conditions de travail étaient très dures et les coopérants russes s'appliquaient à nous imposer un rythme de travail insoutenable. Nous ne disposions pas des masques spéciaux, on ne nous donnait que du lait comme si on travaillait dans une usine de farine ! On n'a vu ces masques qu'au début des années 1980. En 1979, l'alarme avait été déjà donnée. Une commission, venue enquêter sur nos conditions, avait conclu que tous les travailleurs de la production avaient des traces de mercure dans le sang qui dépassaient largement les normes. Une panique s'était alors emparée des responsables et un jour seulement avant la mort du défunt Boumediène, l'usine avait été fermée.» Ammar raconte que les éléments atteints avaient été évacués dans l'urgence vers la clinique Debussy à Alger (Beau Fraisier) et après en France. Il poursuit : «Six mois après sa fermeture, l'unité a de nouveau été remise en production après avoir réparé les fuites du condensateur de mercure par de l'amiante !» Il évoque aussi les dégâts occasionnés dans le troisième four italien ramené en 1974 : «Les batteries de ce four se bouchaient fréquemment surtout au courant des années 1976-77, et je n'ai pas besoin de vous expliquer où allaient les vapeurs du mercure.» Et quand on lui demande aujourd'hui pourquoi acceptait-il de travailler dans ces conditions, Ammar rétorque : «Nous étions conscients du danger, mais c'était l'époque du nationalisme. Il fallait être brave et travailler pour l'Algérie.» Cette même Algérie qui lui alloue aujourd'hui moins de 8000 DA de pension pour payer ses médicaments et faire nourrir sa famille. Car Saâd est malade. «Je suis presque tout le temps fatigué. Des fois, j'ai des troubles de la mémoire. Et il n'y a pas de honte à le dire, même sexuellement, je manque de vigueur.»
Saâd, lui, habite dans un gourbi au fin fond de Bayard, à quelques centaines de mètres seulement de l'usine. Entourée de tôles, sa demeure respire la misère. Il sort en marmonnant des mots inintelligibles et en traînant lourdement ses pieds. Il se fait guider par sa fille. «Il ne voit pas bien», raconte-t-elle. Saâd tente de se remémorer, mais il arrive difficilement à parler de l'usine, du mercure et des fours. Une nette dyslexie et des trous de mémoire criants l'en empêchent. Sa femme, le plus normalement du monde, l'assiste. «Il a travaillé durant 15 ans aux fours. Il s'occupait du nettoyage. En 1997, on nous l'a ramené presque paralysé. Il s'est effondré subitement dans l'unité alors qu'il était robuste comme un roc.» Et depuis, continue-t-elle, il n'a jamais retrouvé ses facultés physiques et mentales «il oublie les dates et passe ses journées alité.» Saâd, ne fait que confirmer d'un hochement de tête les dires de sa femme.
Non loin de Bayard, il y a Zaouia, l'autre village du mercure. Ici habite Abderrahmane. Lui aussi, dans des conditions invivables. Quand il apparut à la porte de sa demeure, sa frêle silhouette et son teint maladif suffisent à deviner son état. Il ne garde que la peau sur les os et arrive difficilement à tempérer les tremblements de ses membres. Il raconte sa vie. «Le 10 septembre 2000, alors que j'étais en poste au niveau des fours, j'ai subitement senti un fléchissement, et je suis tombé raide. Depuis, je suis en congé de maladie». Un congé de plus de quatre années.
Et si d'habitude les travailleurs plus ou moins contaminés bénéficient d'un repos de six mois pour assurer l'évacuation naturelle du mercure de leur corps, Abderrahmane, lui, traîne toujours son mal.
La cantine de l'unité est restée fermée durant de longs mois
Il continue : «En 1986, j'ai rejoint l'unité de production. C'est vrai qu'on disposait de masques, mais on ne changeait les cartouches spéciales du mercure qu'une fois tous les six mois alors que tout le monde savait que leur durée de vie ne pouvait dépasser deux semaines vu la forte concentration des vapeurs mercurielles qui caractérisent les lieux.» Aujourd'hui, il traîne une bronchite chronique et souffre de plusieurs maux. «J'ai des problèmes de libido et des tremblements des membres surtout au niveau des mains. Cela s'est répercuté sur mon poids. De 77 kg je suis tombé à 55 kg. Je suis devenu très anxieux, je dors mal…»
Abderrahmane évoque longuement, et dans le détail, les conditions de travail durant ses années de service. Le condensateur du mercure accusait souvent des fuites, et la concentration des vapeurs était telle que le ventilateur conçu pour un rendement de 100 t/mn finissait par s'alourdir sous l'effet des évaporations et ne parvenait parfois qu'à assurer 60 t/mn. Les vapeurs mercurielles restaient ainsi dans l'enceinte de l'unité pour finir dans nos poumons. Il rapporte aussi un fait assez grave, puisque, dit-il, «plusieurs de mes collègues caristes avaient l'habitude d'emporter avec eux des sandwichs, car on travaillait huit heures d'affilée. Lors de la pause, certains sortaient leurs sandwichs et mangeait dans l'atmosphère souillée. Le phénomène s'est par la suite aggravé après la fermeture de la cantine de l'unité». Et quand on lui parle du suivi médical des employés, Abderrahmane sourit comme par moquerie.
Le suivi médical. «C'est vrai que nous faisions des analyses régulières des urines et du sang, mais je doute des résultats. D'ailleurs, il y a plus d'une année, je me suis déplacé à l'unité pour demander mon dossier médical, et devinez où je l'ai trouvé ? Il était empilé avec les dossiers des travailleurs décédés ! On me considère comme mort, et vous me parlez de suivi !» Abderrahmane insiste cependant sur un point. «Dès qu'un employé tombe malade, on le jette aux humeurs de l'assureur social. On ne s'inquiète plus de son sort, et on ne lui assure aucune aide. Moi, je sais qu'il me faut 18 millions de centimes pour me faire opérer chez un privé. Mais comment vais-je faire pour ramasser cette "fortune" ? Il ne me reste qu'à attendre mon heure…»


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