Qu'est-ce qu'être un fils de Bab El Oued ? Merzak Allouache qui s'est taillé la réputation de privilégier la comédie répond à cette question encore une fois dans Bab El Web sorti récemment (100 copies en France). Le cinéaste accompagne avec ténacité et sympathie ses personnages, ce qui advient à un jeune rêveur internaute lorsque l'objet de ses rêves débarque dans sa vie, surtout quand c'est un canon qui surgit à l'aéroport. Ce film franchit une étape, car il se dédouble en documentaire avec les images d'Alger qui dépassent toutes les émotions. Plaisir aussi de revoir à l'écran l'élégante Farida Saboundji (à la diction si distinguée), Boualem Bennani (au jeu toujours très réussi) et aussi Tahar Harhoura, le producteur exécutif sur qui reposent la plupart des films algériens des dernières années et qui lui aussi franchit l'étape depuis longtemps en se mettant sous l'œil de la caméra. Ce film et d'autres qui l'ont précédé montrent qu'Alger est redevenue la plaque tournante d'un cinéma qui bouge et qui va vite. On est passé du hors-champ (des années noires) au champ, avec la mise en place d'une activité cinématograhique vibrante, de tournages en pleine rue qui font flamber l'imaginaire des habitants d'Alger. En Algérie, beaucoup de choses ont été faites au cinéma. Pendant l'âge d'or (1970-80), on a amassé beaucoup d'images qui ont fait le tour du monde. L'Etat a soutenu la culture et le cinéma. On se souvient de tables de montage qui n'arrêtaient jamais de tourner les bobines. Par désespoir de la situation du pays, le cinéma un jour a stoppé net. Des cinéastes sont alors devenus des errants, hébétés par le sort de leur pays. Et pendant de nombreuses années rien ou presque n'a été filmé. A présent, le deuil est terminé. Le cinéma algérien revient. Ce dont témoigne une nouvelle génération qui s'affirme par son talent, son originalité et son potentiel de création. Est-ce qu'il s'agit d'une nouvelle ère du cinéma algérien à l'heure où Alger est ouverte aux vents de la mondialisation ? C'est probable. Quoique subventionnés par la télévision algérienne (ENTV) et par la manne financière du temps de l'Année de l'Algérie en France (les noms de Hamraoui Habib Chawki et de Mohamed Rouaraoua sont dans tous les génériques), les cinéastes algériens doivent cependant faire appel au cofinancement étranger. On admettra aussi qu'en dépit de la disparition cruelle des salles, les films algériens ne brillent plus par leur absence… en Algérie. Comme pour Allouache, la sortie est simultanée à Paris et Alger. Prophètes ailleurs, prophètes dans leur pays aussi. Tout récemment à Bangkok, en Thailande, on a vu comment les cinéastes locaux ont réussi à convaincre leur gouvernement que leur cinéma apporte beaucoup à l'image du pays. Le rapport est toujours très étroit entre un pays et sa culture, qui plus est son cinéma. Alors quand le gouvernement algérien se décidera-t-il à mettre en marche un programme d'aide au cinéma ?