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Le nouveau visage du racisme
Publié dans El Watan le 26 - 04 - 2005

Partout dans le monde, les commentateurs étaient étonnés qu'un être aussi prodigieux que l'homme puisse s'édifier avec si peu de gènes. La très grande ressemblance entre les génomes de personnes issues d'ethnies différentes, originaires de régions éloignées les unes des autres de plusieurs milliers de kilomètres, a cependant semblé rassurante : c'est là la preuve, a-t-on affirmé, que les races n'existent pas et que le racisme n'a donc plus aucune justification possible, qu'il est appelé, espère-t-on, à disparaître bientôt…
Hélas, je crains qu'on ne soit allé bien vite en besogne, par ignorance ou sous l'influence de présupposés idéologiques. Tout d'abord, il faut revenir au rôle des gènes. Il n'existe évidemment pas un seul gène par caractère physique ou psychique, par don, par spécificité comportementale, qui rendrait inéluctable qu'un être à la cognition aussi développée que l'homme dût être doté d'un bien plus grand nombre de gènes qu'un vulgaire animal. En fait, le mode d'action des gènes, c'est-à-dire le mécanisme par lequel ils influencent les propriétés des êtres vivants, est combinatoire, à la manière dont c'est la combinaison des mots qui donne sens à la phrase ou au texte. Or, ce n'est pas le nombre de mots utilisés qui fait la qualité littéraire d'un texte, de même que ce n'est pas le nombre de gènes qui explique l'étendue des potentialités humaines. C'est à dessein que j'utilise ici le terme de potentialité, car la combinaison des gènes ne gouverne que la possibilité pour une personne humaine d'être éduquée au contact d'une communauté de semblables. Isolé et élevé par des animaux, un petit d'homme évoluera vers ces enfants sauvages dont de nombreux exemples ont été décrits dans l'histoire, incapables d'atteindre les capacités mentales caractéristiques de l'espèce humaine. L'effet combinatoire des gènes explique que de petites différences génétiques puissent avoir de considérables conséquences sur les êtres, comme en témoignent les aspects et capacités bien distincts des hommes et des chimpanzés, dont les gènes sont pourtant à 98,4 % identiques.
L'idéologie du «tout génétique» selon laquelle les gènes déterminent directement les qualités et les comportements des individus et des sociétés humaines reste très répandue. Elle est directement à l'origine de l'étrange surprise de beaucoup confrontés à la nouvelle que l'homme n'avait pas plus de gènes que l'âne ou le bœuf, et même beaucoup moins que le crapaud. C'est encore ce type de préjugé que l'on rencontre derrière les annonces sensationnelles, mais peu scientifiques, que l'on a identifié les gènes de l'intelligence, de l'agressivité ou de bien d'autres caractéristiques psychiques.
Le rapport entre la persistance de telles idéologies déterministes et le racisme est évident : on imagine par exemple les ravages dans des populations souvent prêtes à croire à la toute puissance du gène, de l'annonce simultanée que l'on a localisé une région d'un chromosome associée à l'intelligence, et que cette région se présente sous des formes différentes selon les ethnies. La grande homogénéité génétique des hommes du monde entier, confirmée par l'étude du génome, n'est malheureusement pas suffisante pour conjurer cette menace d'un dévoiement raciste de la biologie, pour deux ordres de raisons. D'une part, la nature combinatoire de l'effet des gènes fait que de très légères différences peuvent avoir néanmoins d'importantes conséquences sur les êtres. D'autre part, l'affirmation que le racisme est illégitime parce que, sur le plan biologique, et en particulier génétique, les races n'existent pas, revient à reconnaître que, si elles existaient, le racisme serait alors recevable. Or là n'est pas du tout ni l'origine du racisme ni la justification de l'antiracisme.
Certes, les races humaines n'existent pas au sens où l'on parle de races animales distinctes. Tous les hommes sont en fait d'une grande homogénéité génétique car leur ancêtre commun est jeune au regard de l'évolution de la vie ; il a vécu il y a au plus 200 000 ans en Afrique. Tous les continents semblent avoir été peuplés à partir d'une population dont des groupes auraient quitté l'Afrique il y a environ 70 000 ans. La couleur de la peau, qui joue un rôle si important dans les préjugés racistes, ne reflète pas tant une divergence génétique qu'un phénomène de brunissement progressif de l'épiderme à mesure que l'on va du Nord vers l'équateur.
Il y a plus de diversités génétiques en moyenne, au sein des individus d'une ethnie particulière qu'entre deux ethnies différentes, fussent-elles apparemment si dissemblables que le sont des populations scandinaves ou mélanésiennes. Cette démonstration scientifique, certes indispensable, risque bien d'être insuffisante. Premièrement, parce qu'elle a peu d'effets sur le vécu des gens ordinaires qui n'ont pas de difficulté à reconnaître dans la rue, des Jaunes, des Blancs, des Noirs, des Méditerranéens bruns et des Scandinaves blonds. Deuxièmement, parce qu'elle ne prend pas en compte les très fréquentes racines socioéconomiques d'un racisme qui est souvent le reflet du mal-être et du mal-vivre, par exemple au sein des populations défavorisées de grandes villes.
Troisièmement, et surtout, parce qu'il y a paradoxalement peu de rapports entre la réalité des races et le racisme. Chacun peut, en effet, observer que les pires excès racistes s'accommodent fort bien de la non-existence des races humaines. Dans le discours des racistes modernes, ce ne sont souvent plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, ce sont les coutumes, les croyances et les civilisations. Ce dont on parle, c'est de choc des cultures. Ce qui est rejeté, ce n'est plus tellement l'homme noir, blanc ou jaune, ce sont les préparations culinaires, les odeurs, les cultes, les sonorités, les habitudes des autres. Souvent la montée en puissance de l'uniformisation culturelle et l'imposition des standards occidentaux accompagnant la mondialisation économique, entraînent, en réaction, une tendance au repli communautaire. Il s'agit là d'un réflexe de protection contre une civilisation opulente et dominatrice dont on ressent la double menace, celle de l'exclusion et de la dépossession de ses racines. Parfois même, c'est à un véritable apartheid culturel que l'on aboutit sous l'effet conjoint de la revendication identitaire des minorités et de l'intolérance ou – et c'est parfois pire – du mépris et de l'indifférence de la majorité. Or il y a dans cette forme de communautarisme exclusif une tendance qui m'apparaît inhumaine. Ce qui caractérise, en effet, les civilisations et leur évolution, ce sont les échanges culturels. Le dynamisme des sociétés humaines est toujours passé par les échanges et les emprunts culturels qui, à l'opposé de l'uniformisation imposée par une culture dominante, créent de la diversité et ouvrent de nouveaux espaces au développement de l'esprit humain. A l'inverse, les races animales n'échangent guère leurs habitudes, elles conservent leurs particularités éthologiques qui n'évoluent, pour l'essentiel, que sous l'effet de variations génétiques et écologiques.
La diversité humaine n'est donc un facteur d'enrichissement mutuel que si elle est associée à l'échange. L'uniformité a le même effet que le repli sur soi : dans les deux cas, le dialogue est stérilisé et la civilisation dépérit. Au total, la biologie et la génétique modernes ne confirment en rien les préjugés racistes, et il est certainement de la responsabilité des scientifiques de réfuter les thèses biologisantes encore trop souvent appelées à leur rescousse. Cela est relativement aisé, mais certainement insuffisant, tant il est évident que le racisme n'a pas besoin de la réalité biologique des races pour sévir.
A l'inverse, ce serait un contresens de vouloir fonder l'engagement antiraciste sur la science. Il n'existe, en effet, pas de définition scientifique de la dignité humaine, il s'agit là d'un concept philosophique. Aussi le combat antiraciste, en faveur de la reconnaissance de l'égale dignité de tous les hommes, au-delà de leur diversité, est-il avant tout de nature morale, reflet d'une conviction profonde qui n'est évidemment en rien l'apanage exclusif du scientifique.
– (*)Généticien, médecin et écrivain, directeur de l'institut Cochin de génétique moléculaire (France) et ancien président du Groupe européen sur les sciences de la vie. L'article ci-dessus est extrait d'Où vont les valeurs ?, seconde anthologie des Entretiens du XXIe siècle dirigée par Jérôme Bindé (Albin Michel/Editions Unesco)


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