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Que peut-on encore sauver ? (2e partie et fin)
Publié dans El Watan le 22 - 08 - 2005

Bitshin était un européen converti à l'Islam. Cela apparemment n'avait déjà rien d'exceptionnel, puisque beaucoup de janissaires, de marins et même d'hommes du pouvoir étaient dans ce cas ; parmi eux, on peut citer Euldj Ali, Hassan Corso, Hassan Vénéziano, Safar et même Mami Arnaute. Ce sont eux que le moine bénédictin Haëdo traitait de «renégats» et de «Turcs de profession» ; on disait d'eux qu' «ils sont devenus musulmans pour pouvoir piller à leur guise». Ces expressions d'un subjectivisme évident ont cependant prospéré et de nombreux historiens les ont reprises à leur compte.
Après 1830, la mosquée Bitshin fut utilisée comme dépôt par la troupe puis transformée en église appelée Note Dame des Victoires. Avec sa coupole centrale, ces coupolettes latérales, ses piliers de soutien, ses galeries, cette mosquée est d'inspiration byzantine. Par contre, son minaret à forme quadrangulaire est de type maghrébin, il faut cependant préciser que ce minaret a été raccourci en 1860. Peu de temps après l'indépendance, cette mosquée revenait à sa destination première et récupérait son nom d'origine, mais très vite elle est tombée dans une incroyable déchéance. Décrépite, décatie, grossièrement badigeonnée de temps à autre, couverte de fils électriques bricolés, entourée de guirlandes de fêtes foraines, flanquée d'échoppes insalubres, ce monument s'était insensiblement transformé en un gros taudis. On y a récemment entrepris des travaux de rénovation. Mieux vaut tard que jamais ! Il serait souhaitable cependant qu'on s'intéresse à l'environnement de cette mosquée qui doit impérativement être assaini, que l'on réexamine le statut des échoppes auxquelles on a fait allusion, que l'on s'inquiète de la construction qui est apparue à côté de la mosquée où on a ouvert des toilettes publiques. Il serait bon, aussi, de réglementer pour le discipliner ce «souk» qui quotidiennement envahi et bloque les trottoirs et la chaussée au niveau de la mosquée.
Ces quelques mesures paraissent s'imposer d'elles-mêmes si on tient à préserver la dignité de ce lieu de culte qui est aussi un lieu de mémoire et une œuvre architecturale.
La mosquée Djamaâ Djadid ou mosquée de la pêcherie a été construite en 1660-1661 à l'initiative collective des janissaires. Il y avait donc parmi ces terribles soldats quelques pieux croyants. On dit par ailleurs que le financement des travaux a été pris en charge par une fondation religieuse du culte hanafite. Le maître d'œuvre de cette très belle mosquée est, selon une inscription sur plâtre que l'on voit près du mihrab, un certain Hadj Habib.
Du point de vue architectural, la mosquée n'est ni purement byzantine ni purement maghrébine. Elle est le résultat harmonieux du mariage entre ces deux styles spécifiques. La salle de prière a, en son centre, une grande coupole de forme ovoïde très originale, cette coupole est ouverte de quatre fenêtres en arc que protègent de sympathiques auvents ; elle porte une hampe traversée de trois boules de cuivre traditionnelles et s'achève avec un croissant. Il y a 24 m entre le niveau du sol et la pointe de la coupole. Le minaret a une hauteur de 30 m, il est décoré de céramique sur ses quatre faces, au premier niveau, le décor en céramique a la forme d'une ellipse ; au deuxième niveau, il forme un rectangle en cadrant l'horloge, au troisième niveau, il prend la forme d'une frise à la base du merlon ou du créneau. Le minaret s'achève par un élégant lanternon orné de céramique et coiffé d'une coupolette portant une hampe identique à celle de la coupole. A l'intérieur, les piliers, les colonnes, les arcs outrepassés, les balustrades, le mihrab richement décoré de céramique et de bandes épigraphiques sculptées, donnent à la mosquée un cachet particulier. Le minbar en marbre, véritable chef-d'œuvre provient de la mosquée Es-Sayida détruite en 1830. L'horloge du minaret est le seul «vestige» qui nous reste du palais de la Jenina détruit lui aussi. Cette mosquée qui n'est assurément ni ordinaire ni banale, devrait faire l'objet d'une maintenance méthodique. Il faudrait en effet en finir avec les ravalements conjoncturels faits à la hâte, les menus travaux menés en toute urgence, les opérations de rapiéçage voire de camouflage. Il est navrant que l'horloge reste en panne des jours entiers. La capitale de l'Algérie ne dispose pas d'un service technique chargé de l'entretien et du réglage quotidien des horloges publiques. Il faut en finir aussi avec ces sempiternels lampions multicolores et guirlandes lumineuses de fêtes foraines ou kermesses de quartier, avec lesquels on prétend décorer la mosquée. Celle-ci mérite d'être équipée d'une installation moderne d'éclairage et d'illumination.
A Istanbul, par exemple, la Mosquée Bleue devient chaque soir d'été, grâce à des jeux de lumière, une véritable féerie ; mais n'allons pas aussi loin et contentons-nous de regarder Notre-Dame d'Afrique qui surplombe le quartier Bologhine ; cette cathédrale n'est affublée d'aucune guirlande ni lampion ; elle est chaque soir illuminée avec des projecteurs placés en contrebas. Quel mal y aurait-il à s'en inspirer ? La mosquée Sidi Abderrahmane a été construite par le Dey Ahmed El Euldj en 1696-1697.
Fait rare en terre d'Islam, elle contient un tombeau, celui d'un saint homme, Abderrahmane Tahaâlibi. On trouve aussi dans un petit espace jouxtant cette «mosquée-mausolée», trois tombes où sont enterrés le Dey Mustapha Pacha, le Bey Ahmed de Constantine et une personne qui, dit la légende, aurait provoqué la furieuse tempête qui a accéléré la déroute de l'armada de l'empereur Charles-Quint venu pour prendre Alger (23 octobre-3 novembre 1541).
L'architecture de cette mosquée intègre les deux styles byzantin et maghrébin de façon harmonieuse et équilibrée. La salle de prière est surmontée d'une coupole centrale à base circulaire, percée de plusieurs fenêtres. Le minaret est quadrangulaire, élancé et décoré de niches en arc, d'arcatures sur colonnettes et de bandes de céramique ; il porte un lanternon à coupolette. C'est la seule mosquée où l'on peut voir des inscriptions en caractère persan. La mosquée Sidi Abderrahmane est très populaire ; son état général est cependant désolant ; seule une restauration générale peut lui rendre son lustre d'antan.
La mosquée Ketchawa a été tellement remaniée tant à l'extérieur qu'à l'intérieur qu'elle n'a presque plus rien de commun avec celle qu'a construite le Dey Hassan en 1795. On a en effet arasé son minaret, refaçonné sa façade, construit deux tours-clochers que certains prennent pour des minarets et réaménagé l'intérieur.
La plaque commémorative qui date de 1795 et la grande porte, œuvre d'un ébéniste algérois renommé, ont été enlevées et déposées au Musée des antiquités, comme des morts dans la morgue. Pour nous faire une idée de ce qu'était Ketchawa, il ne nous reste plus que deux lithographies de 1833 et 1837 qu'on ne trouve que dans quelques livres spécialisés. Ces reproductions d'époque nous restituent l'intérieur de Ketchawa qui était un merveilleux et majestueux ensemble de colonnes et d'arcs.
Aujourd'hui encore rien n'est épargné à Ketchawa ; sa façade principale est envahie d'herbes folles et de branchages, les murs se craquellent et le crépi s'effrite. La boiserie des fenêtres, en particulier celle des tours, se détériore. La grille de l'entrée se rouille ; les escaliers salis sont ébréchés.
L'environnement est un dépotoir que chaque jour une cohue invraisemblable laisse derrière elle. Tout cela se passe dans l'indifférence générale. Le panneau de signalisation routière planté au pied du parvis est un autre exemple de ce phénomène de banalisation de la médiocrité devant lequel on semble impuissant. Inapproprié au lieu, ce panneau n'est en plus d'aucune utilité, car il ne renseigne passants et visiteurs ni sur l'histoire de cette mosquée ni sur ses principales caractéristiques architecturales.
A vrai dire, aucun des monuments dont on parle dans cet article n'est pourvu de plaque ou panneau d'information. Normalement, chacun d'entre eux devrait être pourvu d'une plaque bilingue portant le nom d'origine de l'édifice, sa date de construction, le nom du constructeur, au moins. Ces plaques, quoique sommaires pédagogiquement parlant, auront toujours quelque effet instructif et pourraient servir de moyen de sensibilisation sur l'importance de ces monuments, et par conséquent sur leur nécessaire préservation. On ne saurait cependant se contenter d'apposer ici et là des plaques. Il conviendrait en attendant la mise en place d'une politique globale de promotion, de diffusion et de vulgarisation des monuments et sites historiques de tout le pays, de lancer l'impression de guides spécifiques. On les imagine plurilingues, faciles à consulter, clairs et concis, bien documentés, très illustrés, et bien sûr pas chers. Cela est possible à réaliser ; on dispose en effet d'une abondante matière première ; les deux ouvrages de référence pourraient être d'une part le livre-thèse de Rachid Dokali, intitulé Les Mosquées de la période turque à Alger (SNED, 1974) et le livre de Sid Ahmed Baghli, intitulé Alger (ministère de l'Information, 2e édition, 1982). Ces deux hommes de culture qui, on l'espère sont toujours parmi nous, devraient être sollicités, dans le strict respect de leurs droits d'auteurs, pour apporter leur contribution à la réalisation de ces guides. Dans ce même ordre d'idées, il serait judicieux de susciter la création de deux «sociétés savantes» (pour reprendre une ancienne terminologie) qui seraient une société d'histoire et une société d'archéologie, propres à Alger, à but non lucratif, régies par la loi sur les associations et ayant pour objet la réalisation de travaux d'études et de recherche, leur publication et l'organisation de conférences, de colloques et de séminaires sur les monuments, les sites et l'histoire d'Alger. La dernière étape de ce circuit nous amène à la mosquée Ali Khodja et à la mosquée appelée Djamaâ Barani ; elles ont été édifiées par le Dey Ali Khodja en 1817-1818, l'une à l'intérieur de la forteresse de La Casbah, l'autre à l'extérieur. Ali Khodja venait en effet de transférer sa résidence et son divan du palais de la Jenina, où trop de coups d'Etat avaient eu lieu, vers la forteresse mieux protégée. La mosquée Ali Khodja est de type byzantin, celle de l'extérieur est de type maghrébin. La conception et la décoration de la première sont plus soignées et plus riches que la seconde. Elles cessèrent d'être des lieux du culte musulman le 5 juillet 1830, lorsque le général de Bourmont prit possession de la citadelle. La mosquée Ali Khodja servit, tour à tour, de dortoir puis de magasins, enfin de musée militaire. Djamaâ Barani fût utilisé comme casernement puis transformé en église baptisée La Sainte Croix. La mosquée Ali Khodja est en principe en cours de restauration, comme le palais du Dey et ses dépendances. Mais le chantier tire en longueur. Depuis son lancement, vingt ans ou presque se sont écoulés. C'est énorme quand on pense que ceux qui avaient 50 ans à cette époque-là, sont maintenant presque septuagénaires ! En tout état de cause, quels que soient les motifs techniques ou financiers que l'on pourrait invoquer pur expliquer tant de lenteur, la raison et le bon sans refusent d'admettre que la restauration qui se fait avec la technologie du XX et XXIe siècles dure plus que la construction elle-même qui ne disposait que des techniques de la fin du XVIIIe siècle. Quant à Djamaâ Barani, il n'est plus qu'une triste bâtisse avec sa façade de granito, ses gouttières en PVC, son étanchéité, son haut-parleur attaché avec du fil de fer, sa porte tant de fois badigeonnée qu'elle a pris l'apparence d'une grossière porte rustique. Même à la campagne, on ne voit pas de mosquée aussi mal entretenue. Devant tant de défaillances et de déchéance, la leçon à tirer est qu'il ne sert à rien de prendre des arrêtés de classement, si l'on ne se donne pas les moyens de protéger et d'entretenir les édifices que l'on classe. Parvenus ainsi au terme d'un itinéraire jalonné de mosquées, on va à présent entamer un autre circuit qui, lui, passe par six palais situés les uns à proximité des autres, en Basse-Casbah. Ces palais ont pour noms : Dar Aziza, Dar Hassan, Dar Mustapha Pacha, Dar Es Souf, Dar Khedaoudj El Amia et Dar El Hamra.
Ces noms auxquels on a tenté de substituer d'autres appellations n'ont jamais pu disparaître, la mémoire populaire les ayant précieusement conservés et préservés, leur usage est de nos jours aussi courant que jadis.
Le palais Dar Aziza est un véritable chef-d'œuvre. Sa cour intérieure, ou patio, est d'une beauté ravissante, avec ses galeries, ses colonnes et leurs chapiteaux, ses balustrades en bois, le fer forgé des fenêtres, la pièce d'eau centrale, le marbre et la céramique. C'est à partir et autour de cette cour que tout le reste du palais s'ordonne et se développe.
Situé près de la Jenina, ce palais servait de résidence aux hôtes de marque ; il devint plus tard propriété de la princesse Aziza qui était fille du Dey et épouse de Bey ; après 1830, il fut attribué à l'église catholique et érigé en Evêché. A l'indépendance, il fut restitué à l'Etat.
Ce palais est aujourd'hui accessible au public et tout visiteur peut, avec un peu d'imagination, voir en son milieu «un patio andalouz conflores, fuentes, pajaros, luz y poesia».
Mais une fois à l'extérieur, le charme est brisé et tout se gâte : sur les deux flancs du palais, plusieurs échoppes ont poussé comme des verrues. On ne sait qui a permis ce qu'il faut bien appeler des empiétements sur le domaine de l'Etat, mais on est sûr que ce n'est ni la princesse ni l'évêque ! Il y a ensuite ce toit en tôles ondulées et couvert de détritus, visible de la rue Ibn Badis. Il y a aussi ces vitres de fenêtres cassés ou dépareillées, ces fils électriques anarchiques et cette antenne de TV qui apparaît sur la terrasse ! Il y a enfin derrière le palais cette courette avec une fontaine sans robinet ni eau, remplie de cartons d'emballage jetés…
On ose à peine imaginer les commentaires et réflexions des visiteurs étrangers devant un tel spectacle. Quant à nos compatriotes, ils s'y sont tellement habitués qu'il n'y voient rien d'anormal. Dar Khedaoudj El Amia est un musée national, et en tant que tel, il est ouvert au public ; ce palais qui aurait été construit au XVe siècle a été racheté et refait au XVIIIe siècle par un membre du divan qui en fit ensuite don à sa fille Khedaoudj. On a toujours dit de celle-ci qu'elle devint aveugle – d'où son surnom – à force de se contempler dans ses miroirs. Cette légende a tout l'air d'être l'adaptation algéroise du mythe grec de Narcisse. Le palais de Khedaoudj est comme celui de Aziza un véritable joyau ; tout y est élégance, harmonie et richesse. Pour qui a visité ce palais et le précédent, qui fort heureusement sont restés presque intact, il ne saurait y avoir de doute qu'Alger était une cité policée et non une bourgade chaotique peuplée de forbans incultes. Les quatre autres palais, dont il reste à parler, sont actuellement fermés pour cause de travaux. Mais aucun de ces chantiers n'affiche de renseignement ni sur le bureau d'études chargé de la maîtrise d'œuvre, ni sur l'entreprise de travaux, ni sur les délais contractuels de réalisation. On ne respecte pas la réglementation et l'on préfère maintenir le citoyen dans l'ignorance de travaux qui sont pourtant d'intérêt général. Le palais Hassan est contigu à la mosquée; comme celle-ci, il a été construit par le Dey Hassan ou Baba Hassan (1791-1798). Après 1830, il devint sous l'appellation de «Palais d'hiver», la résidence des gouverneurs généraux d'Algérie.
Dans les années 1950, il fut affecté à l'enseignement des études islamiques, à l'indépendance on y installa le ministère des Affaires religieuses puis le conseil supérieur islamique. Ces changements de destination, accompagnés d'occupations par des services administratifs, ont bien évidemment laissé des traces tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ce palais qui fut sans doute très beau. On espère qu'il sera, une fois remis à neuf, ouvert au public.
Les palais Dar Mustapha Pacha et Dar Es Souf, qui se trouvent à quelques pas l'un de l'autre, ont été construits par le Dey Mustapha (1798-1805). Le premier était sa propriété personnelle, en tant que Dey, il résidait au palais des Deys de la Jenina et ne se rendait à sa propre demeure qu'en fin de semaine, du jeudi au vendredi. Ce qui singularise ce palais, c'est sa céramique, dont chaque carreau représente un vaisseau différent des autres formant ainsi une imposante armada ; cette décoration témoigne de l'engouement d'une certaine classe sociale, pour la mer et la marine. Appel au voyage et à la rêverie, cette céramique est d'une certaine manière un rappel du rôle important que la marine algérienne a joué en Méditerranée et de la place privilégiée qu'elle occupait au sein des forces armées.
Il n'est donc pas surprenant que les navires de guerre de notre actuelle marine portent les noms de quelques célèbres «Raïs» de l'époque. Pour toutes ces raisons, Dar Mustapha Pacha pourrait, une fois rénovée, devenir le Musée de la marine.
Dar Es Souf a été attribuée aux janissaires par le Dey Ahmed (1805-1808) dès son avènement. A leur tour, les généraux français en firent un hôtel militaire. Il devint plus tard siège d'un tribunal pénal. Pendant la bataille d'Alger (1956-1957), il servit de centre d'interrogatoires. Après l'indépendance, Dar Es Souf fit l'objet, par populisme et démagogie d'occupations aussi diverses qu'anarchiques qui l'ont complètement épuisé.
Celle-ci paraît tout indiquée pour l'installation d'un musée et d'un centre de documentation sur la bataille d'Alger ; Dar El Hamra, notre ultime étape, se trouve à quelques pas de la mosquée Ali Betshin et du Bastion 23 que d'aucuns, il faut le rappeler, ont failli raser, et qui a été sauvé et restauré en un temps record. Elle appartenait au Dey Hussein qui l'a construite en 1800, alors qu'il était membre du divan en qualité de Khodja El Kheil. Reliée au quartier de la marine par une longue galerie à voûtes, elle formait un imposant ensemble. Hussein, qui en tant que Dey résidait au palais de la forteresse, s'y replia vaincu et déchu le 5 juillet 1830 pour la quitter définitivement le 11 juillet 1830, et partir en exil. Depuis cette date, Dar El Hamra a subi d'importantes modifications, il ne reste d'elle que quelques éléments authentiques ou d'origine, tels que les plafonds sculptés et peints, des portes en bois travaillé, des colonnes. L'inconscience et la négligence de ceux qui l'ont successivement occupée depuis 1962 l'ont réduite à un pitoyable taudis qu'accentue son sordide environnement. Le souhait que l'on fait est que Dar El Hamra devienne le siège des deux sociétés d'histoire et d'archéologie, dont on a parlé ci-dessus, avec obligation – consignée dans un cahier des charges – d'ouvrir ce palais au public, au moins deux après-midi par semaine.
On terminera ce périple qui nous a permis de revisiter dix siècles d'histoire et d'apprécier la majesté de l'architecture religieuse et le charme de l'architecture profane en formulant deux derniers souhaits.
Le premier est que l'on maîtrise au plus tôt cette immense cohue faite de commerçants ambulants, de vendeurs à l'étalage ou à la sauvette et de badauds qui, chaque jour, déferle le long de la rue Bouzrina (ex-La Lyre), débouche devant Katchawa, contourne Dar Aziza et déborde des deux côtés de la voie publique en direction du lycée Emir Abdelkader et de la DGSN. Tant que ce quartier sera abandonné à cette anarchie, rien de sérieux ni de durable ne se fera pour la réhabilitation de l'environnement des monuments énumérés.
Le second souhait est que la place des Martyrs qui s'est convertie en un terrain dégradé avec un kiosque à musique, où l'on ne voit pas de musiciens, mais des SDF, soit aménagée en un espace vert fait de bosquets, de haies et de parterres fleuris pour nous rappeler la très ancienne Jenina, et que l'on érige en son centre la grande statue équestre de l'Emir Abdelkader, qu'un choix douteux a isolée sur un rond-point encaissé de la rue Ben M'hidi. Alors, la place des Martyrs retrouvera un ancrage historique, une âme et de la dignité.


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