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La question de son admission dans l'Union européenne
Publié dans El Watan le 12 - 11 - 2005

1) L'argument du dévoiement du projet d'unité européenne
L'idée d'intégrer la Turquie dans l'Union précède évidemment l'effondrement du camp socialiste et la perspective d'élargissement à l'Est. Mais ce dernier élargissement constitue de facto un abandon du projet d'une Europe politique supranationale et de type fédéral. Un tel projet était déjà quasiment impossible avec une Grande-Bretagne qui n'est ni dans l'Euro, ni dans Schengen. Il l'est davantage avec une Europe à 25 et de nombreux Etats qui se solidarisent plus facilement avec les USA qu'avec la France, l'Allemagne ou le Benelux.
Avec ou sans la Turquie, l'Europe ne peut s'orienter désormais, au mieux, que vers la construction d'un bloc basé sur l'économie de marché et fonctionnant avec des Etats souverains laïcs et démocratiques. De ce point de vue, l'admission de la Turquie ne changera donc rien à la nature juridique et politique et aux perspectives de l'Union européenne. L'argument du dévoiement du projet d'unité européenne agité par les adversaires de l'admission de la Turquie comporte donc une bonne part de manipulation des opinions publiques .
2) L'argument de la violation des droits de l'homme
L'argument des violations des droits de l'homme observées en Turquie est plus sérieux et interpelle vigoureusement les autorités de ce pays. Mais en pointant le doigt vers les insuffisances du système et de la pratique politique turcs dans le domaine des droits de l'homme, y compris pour la situation des femmes, les militants des droits de l'homme indiquent que tout doit être fait pour que dans quelques années la Turquie soit au niveau des exigences européennes de Copenhague. La Turquie sait depuis longtemps qu'elle le doit ; c'est précisément l'espoir des populations turques assoiffées de liberté.
Le respect des droits de l'homme en Turquie comme ailleurs est étroitement lié aux luttes et aux transformations économiques et sociales qui s'y déroulent. Or les forces favorables à ces transformations ont besoin de la compréhension et du soutien de tous ceux qui défendent les mêmes valeurs dans le monde. Cette dimension de la lutte pour les droits de l'homme est un aspect de leur universalité. Plus clairement, l'universalité des droits de l'homme conduit ses militants, partout dans le monde, à se préoccuper de la situation et des conditions des femmes et des hommes de Turquie, à s'enquérir de leurs luttes et à les aider à obtenir leurs droits. C'est dire qu'au-delà des discours, sur le terrain, l'universalité des droits de l'homme nous conduit à soutenir les luttes des militants et des réformateurs turcs qui considèrent que le processus d'adhésion à l'Union européenne constitue un formidable levier pour améliorer la protection des droits de l'homme et amarrer solidement la Turquie à la protection internationale de ces droits.
Comment dès lors invoquer les droits de l'homme pour stopper un processus d'adhésion dont toutes les organisations de défense des droits de l'homme reconnaissent qu'il a contribué et qu'il contribuera à améliorer notablement l'exercice de ces droits en Turquie. Le rapport 2004 d'Amnesty International signale les progrès accomplis et ceux qui doivent encore être accomplis «afin de satisfaire aux critères d'adhésion à l'Union européenne».
3) L'argument de la spécificité culturelle
Quelle conception de l'universalité des droits de l'homme veut-on faire prévaloir si, au lieu d'aider le mouvement de transformation démocratique en cours en Turquie, on invoque les spécificités culturelles de l'Europe pour les opposer à celles du monde musulman ? Ignore-t-on à ce point les luttes qui se déroulent sous les régimes autoritaires où les gouvernants avancent les spécificités culturelles et le sous-développement pour couvrir l'oppression et l'arbitraire ? L'argument de la spécificité culturelle a été jusque-là utilisé pour tenter de montrer que les cultures des pays du Tiers-Monde sont, par nature, incompatibles avec «la conception occidentale» des droits de l'homme d'autant, ajoute-t-on, que le sous-développement exige que les populations acceptent des sacrifices et se mobilisent derrière les gouvernants.
Cette problématique pernicieuse de la spécificité culturelle, qui n'invoque la culture des peuples que pour l'empêcher de s'exprimer et de prendre son essor et pour isoler les peuples des solidarités internationales, pourrait donc de nouveau servir dans la question de l'adhésion de la Turquie à l'UE.
L'idée souvent avancée est que la culture européenne, largement chrétienne, définie comme «une» pour les besoins du discours, serait incompatible avec la culture musulmane qui imprègne la Turquie. De dérive en dérive, on voit brandir l'opposition entre l'Occident chrétien et le monde musulman. L'Europe serait menacée par un Islam tourné vers le passé, violent et conquérant. L'ouverture des frontières qu'implique l'adhésion de la Turquie comporterait des risques aussi divers que le déferlement des chômeurs, des produits et des modes de vie turcs.
Des droits de l'homme, on passe ainsi à l'emploi, au commerce et à la vie sociale sans qu'aucun de ses dossiers ne soit replacé dans son contexte et sans voir que l'adhésion de la Turquie signifie plus nettement encore l'ouverture de son immense marché aux techniques et aux produits européens, que le mode de vie turc se transforme au contact de l'Europe par la volonté des Turcs eux-mêmes, et que l'histoire et les rapports de force contemporains, s'ils n'allouent aucune chance à la Turquie de dicter ses lois à l'Europe, n'autorisent plus l'Europe à dicter les siennes comme lors du dépérissement de l'Empire ottoman. Les temps ont donc changé pour tous.
On n'est pas étonné outre mesure lorsque les extrémistes européens, auxquels répondent les nationalistes turcs du même genre en Turquie, agitent les fantasmes et les peurs en manipulant des bribes d'histoire. Mais on est surpris de voir des personnalités politiques engagées dans la défense des valeurs universelles refuser d'appliquer ces valeurs lorsqu'il s'agit d'encourager un pays musulman comme la Turquie d'adhérer à l'Union européenne.
4) Le partenariat privilégié
Pour empêcher la Turquie de prendre toute sa place dans l'UE, les adversaires de l'adhésion imaginent de lui octroyer dans 10 ou 15 ans un statut qu'elle a déjà largement acquis, le partenariat privilégié, à la suite d'un grand nombre d'accords qui ont été souscrits depuis longtemps. Deux points méritent d'être notés à ce sujet. D'abord l'Europe doit respecter ses engagements de négocier l'adhésion et non un autre statut. C'est là un principe fondamental dans les relations internationales basées sur la bonne foi, comme l'indique l'article 2. 02 de la Charte des Nations unies. Ensuite, préconiser l'intensification des rapports économiques, sans permettre à la Turquie de prendre sa place comme un membre à part entière, signifierait que les Européens «les vrais», ne peuvent pas vivre dans la même maison que les Turcs «différents», c'est-à-dire musulmans. Derrière cette proposition de partenariat privilégié, on retrouve, en réalité, tous les problèmes de la spécificité culturelle. La Turquie pourrait répondre à toutes les conditions exigées d'un membre, mais n'aurait pas pour autant la capacité et le droit de participer à l'élaboration des décisions et des politiques de l'union qu'elle devra pourtant appliquer dans le partenariat «privilégié».
5) La reconnaissance du génocide arménien
La reconnaissance du génocide arménien perpétré au cours de la Première Guerre mondiale par des forces turques de l'époque est une des demandes instantes, non seulement des adversaires de l'adhésion mais également de ses partisans. Il y a déjà plus de 30 ans, l'auteur de ses lignes, avec d'autres intellectuels d'Afrique, d'Amérique, d'Asie et d'Europe, a dénoncé ce génocide dans le cadre d'un tribunal international d'opinion, le Tribunal permanent des peuples établi à Rome et successeur des tribunaux Russel, Sartre et Basso.
Comme d'autres génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre perpétrés par certains Etats parmi lesquels des démocrates d'aujourd'hui, il est important que ces crimes soient reconnus et dénoncés. Mais on connaît bien en France, en Espagne ou aux USA les vives oppositions qui se manifestent lorsqu'il s'agit de reconnaître ses propres crimes, par exemple lors de la colonisation ou au cours des conflits armés.
On comprend bien que les pourparlers relatifs à l'adhésion soient l'occasion de soulever ce problème et de faire pression pour sa reconnaissance. Mais deux précisions doivent être apportées.
La reconnaissance du génocide arménien doit être encouragée mais elle ne peut pas être une condition de l'adhésion parce qu'il n'a pas été ainsi convenu lors de l'établissement des critères de Copenhague et surtout parce que plusieurs membres de l'UE sont impliqués dans des crimes de génocide, des crimes de guerre ou des crimes contre l'Humanité, qu'ils continuent de nier. L'Europe, sur ce point, a encore des progrès à accomplir. Au demeurant, on ne peut pas sous-estimer les progrès réalisés par la Turquie lorsqu'elle indique par la voix de son ambassadeur à Paris le 15 octobre sur Radio France internationale, qu'elle accepte la mise en place et les résultats d'une commission internationale d'enquête composée d'experts et d'historiens compétents et crédibles. On souhaiterait que les Etats membres de l'UE, visés par les peuples victimes de certains des crimes perpétrés dans le passé, puissent aujourd'hui prendre la même initiative, apportant ainsi une grande contribution à la lutte contre les violatioons massives des droits de l'homme et la cicatrisation des blessures de l'histoire.
6) La question de la reconnaissance de Chypre
Un dernier argument, celui de la reconnaissance de Chypre par la Turquie, s'est ajouté depuis quelques mois comme une nouvelle condition à l'adhésion. A première vue, l'argument semble imparable. Comment peut-on adhérer à une organisation sans reconnaître chacun de ses membres ? La réalité est plus complexe parce que dans les relations internationales et dans plusieurs organisations internationales, il existe des situations où certains membres ne sont pas reconnus ou n'ont pas de relations diplomatiques avec d'autres membres. Mais il est vrai que l'UE est une organisation particulière qui ouvre des droits à chacun de ses membres sur les territoires des autres. L'exercice de ces droits pourrait être contrarié si un membre ne reconnaît pas un autre membre. Il ne convient donc pas d'éluder cette question. Mais la résolution d'un problème passe par l'examen des causes qui l'ont engendré. On peut remonter aux causes historiques, évoquer l'autoritarisme turc alimenté par le courant nationaliste, mais justement en reflux devant les forces favorables à l'adhésion. On peut rappeler la responsabilité de la Grèce des colonels et du nationalisme grec, alors qu'aujourd'hui la Grèce préfère voir une Turquie pacifique au sein de l'UE.
Dans tous les cas, on ne peut pas oublier que l'ONU a préconisé un accord accepté par la Grèce et par la Turquie. L'échec de cette solution est largement imputable à des responsables chypriotes qui ont incité la population à rejeter le projet porteur d'espoir, alors que la Turquie a pesé de tout son poids pour amener les Chypriotes turcs à voter favorablement. Comment oublier que la Grèce qu'on ne peut accuser de brader les intérêts chypriotes grecs soit justement favorable à l'admission de la Turquie.
Imposer la reconnaissance préalable de Chypre par la Turquie revient à ignorer tous ces aspects de la question et à faire peser sur une seule partie l'obligation de faire des concessions. On oublierait du même coup la position de l'Union européenne qui avait largement appuyé le compromis des Nations unies.
La reconnaissance de Chypre, sans négociation d'un accord établissant et garantissant par des moyens institutionnels la cohabitation des communautés de cette île, ne serait qu'une solution à courte vue. En travaillant dans cette perspective dans le prolongement de ses positions antérieures relatives au compromis des Nations unies, l'Union européenne ferait œuvre de paix au cœur de la Méditerranée.


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