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Fellag l'ami intime
Publié dans El Watan le 18 - 10 - 2007

«Je n'arrête plus, me confie-t-il en sirotant un café sur la terrasse d'un restaurant parisien. Voilà plus d'une année que je bosse comme un forçat. Dieu merci, je n'ai pas à me plaindre, mais je rêve tellement de prendre des vacances et partir loin, très loin.»
Oubliez donc les vacances dans son village de Kabylie ou peut-être même dans une île lointaine du Pacifique. L'agenda de Fellag est encore saturé de rendez-vous. Déjeuners avec des journalistes pour la promotion de son dernier roman L'allumeur des rêves berbères (sorti le 23 août dernier chez Lattès), passages à la radio et à la télévision, ventes-dédicaces, séances marathoniennes à travers les principales villes de France pour promouvoir le film L'ennemi Intime dans lequel Fellag joue le rôle d'un fellaga, participation à des jurys de cinéma et enfin écriture d'un nouveau spectacle… notre homme est tout le temps sur la brèche.
A 57 ans, Fellag reste un jeune homme. Certes, son front s'est sensiblement dégarni, quelques rides strient ses joues et les poils de sa petite moustache et de son bouc, dessinés au cordon, ont viré au gris, mais n'y voyez là aucun signe de vieillissement prématuré. Bien au contraire. A l'approche de la soixantaine, Mohand Saïd Fellag est un jeune homme qui assume son âge sans complexe. C'est que depuis son exil en France voilà quinze ans, ce père de deux enfants a pris de l'étoffe et sa carrière connaît une autre dimension. Depuis qu'il est sorti du registre de clown, Fellag a changé. Il n'est plus catalogué comme un one-man show. Désormais, il est reconnu comme humoriste, scénariste, écrivain et acteur. Ses multiples talents sont salués aussi bien par les critiques que par le public. «Certes, j'ai mis ma carrière d'humoriste entre parenthèses, mais je travaille actuellement sur l'écriture de mon prochain spectacle, révèle-t-il. Je devrais remonter sur les planches l'année prochaine. Je ne peux pas laisser tomber la scène. Ça m'amuse tellement de faire rire les gens. Bientôt, je vais revenir à mes premières amours, les planches.»
Fellag détonne
Amuser la galerie, voilà un métier que Fellag a appris à l'âge où les enfants abandonnent la tétée. Entre les facéties de son père, une sorte de Raimu kabyle, entre les contes anciens déclamés par ses tantes et la gaieté contagieuse de sa mère, «une femme qui rit toute la journée», dit-il, le petit Mohand Saïd aura baigné dans un univers où l'humour s'est révélé comme une seconde nature. Il était donc logique qu'il devienne, quelques années plus tard, sociétaire du Théâtre national algérien. Des petits rôles à la télé algérienne par-ci, des spectacles au théâtre par-là, Fellag accédera à la notoriété lorsque l'Algérie s'ouvre enfin au pluralisme. C'était en 1989. «Une belle époque, concède-t-il. Il était permis de rire de tout, de tout critiquer. C'était vraiment une belle époque.» Tant qu'à tout critiquer et rire de tout, pourquoi ne pas commencer par la télévision nationale, symbole du monolithisme de l'Etat. L'expérience donne alors naissance à Cocktail Khorotov, un sketch ébouriffant sur la censure au sein de l'Unique. Aussitôt Fellag fait mouche avec ses saillies débitées en arabe dialectal, en kabyle et en français. Il faut croire que dans cette Algérie rompue à la langue de bois, dans cette Algérie où le fait de parler en kabyle ou en français était perçu comme une sorte de sacrilège, Fellag détonne. Ce premier succès étant acquis, il enchaînera avec Babor l'Australie, du nom de ce fantomatique bateau qui devait accoster au port d'Alger pour embarquer les Algériens vers le pays du kangourou. Là encore, Fellag fera sensation. Il parcourt le pays pour donner des spectacles, mais sa carrière en Algérie connaîtra un coup d'arrêt lorsque le pays plonge dans la violence terroriste. «Je n'avais plus envie de monter sur scène pour amuser les gens alors que les Algériens tombaient comme des mouches à cause du terrorisme. On peut rire de tout, mais lorsque le pays vit un terrible drame, lorsque des intellectuels, des journalistes et des militaires se font tuer chaque jour, il n'y a plus aucune place au rire. Soit il fallait se taire, soit il fallait aller ailleurs.» Fellag décide donc de s'exiler en France où sa carrière prendra une dimension internationale. «Je n'aime pas le mot exil. Je le déteste même. J'ai quitté l'Algérie parce que je n'avais qu'un seul choix : la valise ou le cercueil. Ne croyez pas que j'ai rompu les amarres avec mon pays. Je m'y rends régulièrement. Certes, j'y vais que pour passer des vacances dans mon village en Kabylie, mais je n'ai pas rompu avec l'Algérie.» L'exil donc en 1994. Une fois à l'étranger, l'homme n'a pas chômé. Bien au contraire. Il rebondit très vite grâce à ses spectacles, infiniment rodés en Algérie. Là où il se produisait, Fellag faisait salle comble. «Mon succès en France, je le dois d'abord aux Algériens. Non seulement ils s'y rendaient pour vivre deux heures de rire et de déconnade, mais aussi pour retrouver une part de ce pays qu'ils avaient laissé derrière eux.» Au fil des ans, l'audience s'est élargie pour toucher d'autres communautés, les Français en particulier. Bien sûr, la consécration a mis du temps à venir, mais cet engouement n'aura pas échappé aux médias. Des milliers d'articles, des centaines d'interviews, des heures et des heures de passages à la télé plus tard, le press-book de Fellag s'est tellement épaissi qu'aujourd'hui il est aussi volumineux qu'un exemplaire du Dalloz. «Beaucoup de gens ne retiennent de lui que l'humoriste. Mais Fellag n'est pas qu'un saltimbanque. Vouloir le réduire uniquement à ce statut, c'est faire injure à ses multiples talents», remarque un critique français. L'intéressé n'en pense pas moins. Bien qu'il cultive la modestie des petites gens, il ne veut pas moins être reconnu comme un artiste aux multiples facettes. «Avant d'être un clown, je suis tout d'abord un écrivain et un acteur, confesse Fellag. Je suis comme un arbre aux multiples branches.» Parlons alors de Fellag, l'écrivain. Lorsque j'évoque le sujet avec Fellag, celui-ci ne peut pas s'empêcher de rire aux éclats. Souffre-t-il d'un manque de reconnaissance à son égard pour ses talents de romancier ? «Je ne m'offusque pas, avoue-t-il. C'est juste que les gens retiennent de moi plus l'humoriste que l'écrivain. Les gens ont tendance à te mettre dans une case. Pour beaucoup, je ne suis que l'auteur de Babor l'Australie ou de Djurdjurassik Park. Il ne faut pas désespérer, ça viendra.»
Après le sketch, l'écriture
Disons-le tout de suite pour rassurer les sceptiques, Fellag est aussi un romancier. Son dernier roman L'Allumeur des rêves berbères est un très beau succès chez les libraires. A ce jour, la maison d'édition en a vendu plus de 30 000 exemplaires. Cela suffit-il à combler le bonheur de l'intéressé ? Evidemment qu'il est content, mais sans plus. Fellag n'est pas du genre à vous dire qu'il court après la reconnaissance. L'homme est modeste. Il avouera juste que l'exercice qui consiste à coucher sur du papier des histoires fait partie de ses petits plaisirs d'homme qui affectionne la lecture des romans et des grands classiques de la littérature. L'extension de Fellag dans le domaine de l'écriture remonte à 2001, l'année de la publication de son recueil de nouvelles, intitulé Rue des petites dorades. Saluée par la critique, cette incursion dans la littérature a été vécue par Fellag comme une sorte de jubilation. Enfin, il est reconnu comme écrivain. Davantage qu'un humoriste, cet homme recèle de réels talents pour la littérature. «Lorsque je vivais encore en Algérie, raconte-t-il, je n'avais pas assez de temps à consacrer à l'écriture. N'empêche, je rédigeais des bouts d'histoires partout où je me trouvais. Dans les bars ou dans les cafés d'Alger et de Béjaïa, à la maison ou dans les loges de spectacles. Partout où je me trouvais, je couchais des notes. Depuis que je suis en France, je mène une vie plutôt rangée. Assez rangée pour que je puisse m'adonner à toutes mes passions, le cinéma, le spectacle, et bien sûr l'écriture.» L'accueil réservé par le public et surtout par les critiques à son premier recueil rassure son éditeur. Enthousiaste, celui-ci l'encourage à persévérer dans le même sillage, mais Fellag veut explorer d'autres voies. Donner libre cours à son imagination, être libre de ses passions et de ses envies, l'homme ne veut pas s'enfermer dans un carcan. «Mon dernier roman, je l'ai vécu comme une sorte de thérapie. Je voulais exorciser les démons que j'ai vécus en Algérie pendant les années de terreur. Je voulais rendre compte de cette période à travers le rire et la dérision. Mais une fois le livre terminé, il faut passer à autre chose.» Autre chose, c'est bien sûr le cinéma. On a remarqué Fellag dans plusieurs films, notamment Le Gone du Chaâba de Christophe Ruggia, une adaptation du livre éponyme de Azzouz Beggag, mais ces apparitions n'avaient peut-être pas assez de coffre ou pas assez de poids pour lui conférer le statut d'acteur à part entière. Il aura donc fallu attendre L'Ennemi Intime (sorti le 3 octobre dernier) pour que ce bourreau de travail puisse enfin accéder à la reconnaissance. Sans doute, dans ce film qui évoque les horreurs de la guerre d'Algérie, Fellag ne joue pas le rôle principal, mais on ne peut s'empêcher d'avouer que sa prestation crève l'écran. Dans L'ennemi Intime, Fellag campe le rôle d'un maquisard algérien, ancien héros de la bataille de Cassino durant la Seconde Guerre mondiale. Tombé dans les filets lors d'une patrouille de l'armée française, quelque part dans les montagnes de Kabylie, le prisonnier sera finalement exécuté lors d'une «corvée des bois» ! On aurait dit que le rôle a été taillé sur mesure pour Fellag. Il en dit plus sur ce rôle. «Ce personnage aurait pu être mon père. Ce personnage est tellement proche de moi qu'il y a, évidemment, une émotion forte à le jouer. Partout où je vais désormais, les gens m'apostrophent pour me féliciter pour ce rôle. Pourtant, dans ce film, je n'apparais que durant une quinzaine de minutes.» Certes, mais quel quart d'heure ! Comment ne pas ressentir de l'émotion lorsqu'on sait que le père de Fellag a été l'un des héros de la bataille de Cassino avant qu'il ne prenne le maquis en 1954 pour combattre dans les rangs du FLN. «Heureusement que mon père n'a pas subi la fameuse et sinistre corvée des bois, s'amuse Fellag. Jouer ce rôle était une sorte d'hommage du fils au père.» Au-delà de toutes les consécrations, aujourd'hui, Mohand Saïd Fellag rêve d'une seule chose : aller en Algérie présenter le film L'Ennemi Intime. Si c'est possible, devant sa mère et son père. Un sacré rêve !
BIO EXPRESS:
Né en Kabylie, Fellag est très vite initié au théâtre. Il entre dans l'Ecole d'art dramatique d'Alger en 1968 et y reste quatre ans avant d'évoluer dans plusieurs théâtres en Algérie. De 1978 à 1985, il participe à plusieurs expériences théâtrales et retourne en Algérie, en 1985 pour être engagé par le Théâtre national algérien et interpréter le rôle principal dans L' Art de la comédie d'Eduardo de Filippo. En 1986, il joue Le Costume blanc couleur glace à la noix de coco de Ray Bradbury et crée Les Aventures de Tchop, son premier one-man-show. Il tourne plusieurs films pour le cinéma et la télévision dans une période de turbulences algériennes. Fellag est à l'initiative du parti Cocktail Khorotov en 1989 puis SOS Labès. Le FIS remporte les élections, un raz-de-marée islamiste gagne tout le pays. L'artiste crée Un bateau pour l'Australie-Babor Australia. Fellag arrive en France en
1995, joue Delirium et écrit la première mouture de Djurdjurassique bled. En 1998, il reçoit le Prix
du syndicat de la critique, le Prix Raymond Devos en 2003 et le Prix de la SACD de la Francophonie.
Il publie son premier roman Rue des petites daurades un an plus tard et revient en 2005 avec son spectacle Le dernier chameau.


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