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L'autre 8 Mai 1945 (*)
Publié dans El Watan le 06 - 05 - 2009

Lundi 30 avril 1945. Dans son bunker de Berlin où il s'est réfugié avec son carré de derniers fidèles, Adolphe Hitler se donne la mort en se tirant une balle dans la tête. Le suicide du führer mettra ainsi un terme à la Seconde Guerre mondiale et signera la défaite des Allemands contre les forces alliées.
En France, en Italie, en Grande-Bretagne, partout dans le monde, on s'apprête donc à célébrer la victoire contre les nazis et la fin d'un conflit atroce, meurtrier qui a fait des millions de victimes. Bien sûr, les populations algériennes ne seront pas en reste. Pour avoir envoyé des milliers de leurs enfants se battre aux côtés des Alliés, pour avoir été spoliées de leurs droits et de leurs libertés, elles entendent participer, à leur tour, aux liesses populaires, mais aussi pour réclamer la fin de l'occupation française en Algérie. Cependant, les manifestations tourneront au carnage à Sétif, Guelma et Kherrata. Pendant plusieurs jours, l'armée française, aidée par des milices civiles, s'appliquera à réprimer la révolte dans le sang en faisant des milliers de victimes parmi les Algériens. Ce sont les événements du 8 Mai 1945. C'est cette période sombre de l'histoire coloniale que la chaîne publique française France 2 s'apprête à revisiter jeudi 7 mai (en troisième partie de soirée) à travers un documentaire de 52 minutes signé par la réalisatrice algérienne Yasmina Adi(*). Documents inédits, archives du gouvernement français et des services secrets anglais et américains, témoins algériens et français de l'époque, la jeune réalisatrice nous fait revivre ces semaines de haine, de psychose et de terreur. Mercredi 1er mai, les responsables du Parti du peuple algérien (PPA), parti nationalise algérien, interdit depuis 1939, 20 000 personnes vont défiler à Alger pour réclamer la libération de leur leader, Messali El Hadji, condamné en 1941 et placé en liberté surveillée depuis 1943.
Chawki Mostefaï, ancien membre du Comité central du PPA, se souvient : « Nous voulions défiler le jour de la victoire des Alliés pour faire de ce jour un jour de victoire pour le peuple algérien. » Comment faire pour donner un coup d'éclat à cette manifestation ? Mostefaï dessine un drapeau avec du vert, du blanc et du rouge, une étoile et un croissant. Saïd Amrani, autre responsable du PPA, est chargé de diffuser le modèle auprès des manifestants : ça sera l'ébauche du futur drapeau de l'Algérie. Mercredi 8 mai 1945 donc, jour de marché à Sétif. Il y règne une ambiance plutôt joyeuse dans les rues. Bien encadrées (couteaux et autres matraques ont été soigneusement confisquées), les populations locales défilent dans le calme, lorsque deux policiers déboulent devant un manifestant pour lui arracher le drapeau algérien. Bouzid Saâl s'en saisit et part en courant. Le policier le met en joue avant de l'abattre. C'est le début des événements qui vont embraser la région de Sétif. « Si on ne réprime pas vite, l'Algérie va nous échapper », prévient un responsable de l'administration coloniale. L'état de siège est alors décrété dans le Constantinois tandis que le général Henri Martin engage 40 000 hommes pour mater le soulèvement. A Guelma, le sous-préfet André Achiary met en place des milices civiles pour en finir avec ce qu'il appela « le complot arabe ». Ses hommes seront responsables de la mort de centaines de femmes, d'hommes, d'enfants et de vieillards.
Du 8 au 11 mai, la répression des populations sera impitoyable. Même les tirailleurs sénégalais restés dans la mémoire des Algériens comme les « Sanigals » , ainsi que les Tabors marocains seront sollicités pour participer au pogrom. Les premiers « tiraient sur tout ce qui bougeait », les seconds pillaient les villages avant d'occire les enfants et de violer les femmes. Un rapport secret en date du 17 juin 1945 évoquait les exactions en ces termes : « Dans la garde civique, il y avait des éléments pondérés, mais il y avait aussi des éléments fous qui, m'a-t-on dit ‘‘semblaient sortir du port de Tarascon, des individus louches (...)'' ». Les camions des Ponts et Chaussées avaient été utilisés pour transporter des « charretées ». Il y avait aussi des colons repliés, des Européens qui ne nourrissaient aucune sympathie pour ceux qu'ils appelaient des « ratons », des « pinsons » ou des « merles ». Pour certains membres de milices européennes, la chasse aux arabes ressemblait à une partie de chasse au sanglier et un milicien s'est même vanté d'avoir abattu 83 « merles ».
Le 17 mai, l'armée française déloge quelque 10 000 Algériens qui se sont réfugiés dans les villages pour les regrouper dans la vallée de Kherrata. La Légion étrangère entrera alors dans la danse pour mener les habitants vers la boucherie. Dans les gorges de Kherrata, ils seront jetés dans le vide, par dessus les ponts et les rambardes de la route, pieds et poings liés avec du fil de fer. La mise à mort se fera à la tête du client, au hasard. Un rescapé témoigne : « Un légionnaire demandait : ‘‘On jette ?'' Un autre précipite le malheureux dans le vide. » « Aujourd'hui encore, je ne sais pas comment ils m'ont laissé la vie sauve. » Le nettoyage ethnique se poursuivra jusqu'au 22 mai. L'armée rassemblera alors 15 000 Algériens devant la grande plage de Melbou pour une séance de soumission collective. Des dizaines de bateaux sont en rade alors que des avions tournoient dans le ciel avant de lâcher leurs bombes. Le général André Martin prend la parole : « Pourquoi avez-vous fait la guerre contre la France ? », lance-t-il à une population brisée, hagarde et affamée. L'insurrection est matée, terminée. Combien de personnes ont péri pendant ces terribles événements ? Dix mille ? Vingt mille ? Trente mille ? Quarante-cinq mille ?
Lorsque le ministre de l'Intérieur, Adrien Texier, veut connaître la vérité, il se rend en Algérie pour mener sa propre enquête. Sur place, les autorités locales vont s'efforcer d'effacer les traces de la répression. André Achiary, sous-préfet de Guelma, ordonnera même à ses milices de déterrer les morts pour les brûler dans les fours crématoires. En définitive, l'enquête officielle conclura à la mort de 120 Européens et 1500 Algériens. Un seul journaliste étranger aura le courage d'entrer dans le Constantinois pour mener ses propres investigations : Landrum Bolling. Reporter de guerre pour plusieurs médias américains, il aura accès à un rapport des services secrets américains. Celui-ci est formel : la répression des événements de mai 1945 a provoqué la mort de 17 000 Algériens. Plusieurs milliers d'autres seront arrêtés et condamnés à mort. Messaoud Mergheri sera condamné à 17 ans de prison. Une fois la répression terminée, le général Duval écrit à son supérieur, André Martin, cette phrase en forme de prémonition : « Je vous ai donné la paix pour dix ans. Si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable. »
(*) L'autre 8 mai 1945 : Aux origines de la guerre d'Algerie, de Yasmina Adi. Une documentaire de la Franco-Algérienne, Yasmina Adi, explore les événements qui ont secoué Setif, Guelma et Kherrata. Il sera projeté dans différentes régions d'Algérie à l'occasion de la célébration du soulèvement de mai 45.


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