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A la recherche de sa langue
Publié dans El Watan le 27 - 08 - 2009

Les causes sont multiples. Si parmi elles il y a celles qui sont d'ordre relationnel ou commercial, il y a aussi celles liées à la valeur esthétique, à la nouveauté, à la demande du marché du livre. Ce dernier paramètre influe sur les maisons d'édition du Machreq qui préfèrent les romans à thèmes stéréotypés (érotisme voilé, condition de la femme et de l'homme intellectuel, rêves de la petite et moyenne bourgeoisie, chocs entre Orient et Occident) et non les œuvres embarrassantes traitant des conditions dans lesquelles pataugent les sociétés arabes (absence de liberté et de démocratie, dominance du fatalisme et du fanatisme, dictature) par peur de voir le produit frappé par le refus des marchands de livres ou par la censure des instances officielles. Quant aux maisons d'édition algériennes, lorsqu'il s'agit du roman, c'est toute l'histoire de la distribution, du professionnalisme, du coût, de la promotion et du lectorat. Conscients qu'ils paient davantage pour arracher leur droit à la parole et à la différence, écrivains modernistes d'expression arabe ou française, ceux dont les œuvres expriment cet attachement à la liberté, partagent le même rêve : voir leur pays s'épanouir sur la base d'une véritable démocratie, de la liberté d'expression ainsi que sur le respect des droits de l'homme, du choix de culte à même de mener vers une société d'égalité et de tolérance.
Mes autres collègues écrivains arabophones le savent bien car ils le vivent dans leur acte d'écrire, en leur for intérieur, quoiqu'ils ne déclarent pas ouvertement que nous écrivons dans un contexte linguistique difficile et multiforme. Que nous créons à partir d'un imaginaire complexe et ce, en pleine confrontation avec un «Autre» souvent en catimini, parfois déclarée. Quoiqu'une telle confrontation soit suscitée par la situation pénible dans laquelle se trouve la langue arabe par rapport à la langue française. Une langue arabe qui perd presque sa présence sur les signes indicatifs et les espaces, se réduisant ainsi à un rôle formel dû à la chute, vers la fin des années soixante-dix, du projet de société panarabique, véhiculé par cette langue même puisque elle a été l'instrument officiel de communication. Ainsi, elle sera, par la suite, vue comme l'instrument le plus redoutable du discours religieux politisé et violent.
C'est vrai que la mémoire des Algériens a été pendant longtemps «matraquée» par la résonance de deux discours populistes. Mais l'on ne peut nier que ce sont les hommes qui l'ont transformée en une langue de bois, de haine et de repli sur soi.
Donc, écrire en arabe, utiliser l'arabe est devenu chose qui fait honte, qui souille ? De ce fait, que serait la langue, avec sa nouvelle charge intellectuelle et spirituelle, que le roman algérien d'expression arabe souhaiterait façonner ? La réponse renvoie certainement à une autre question
clé : comment écrire dans l'anti-langue régnante ? Jugeant avec justesse l'épaisseur de la couche argileuse avec laquelle les deux discours populistes ont cafouillé le visage d'une langue arabe magnifique par son mot, belle par ses images métaphoriques, lisible dans sa réflexion et pertinente dans ses questions existentialistes, les écrivains algériens talentueux, sans distinction linguistique, mesurent la difficulté de poser le trait d'union entre un lecteur, sur le point de perdre confiance dans l'une des composantes de sa civilisation algérienne – la langue arabe – et un roman qui n'arrive pas à lui procurer les repères dont il a besoin pour se situer dans l'espace et le temps où il évolue. Or, actuellement, et c'est impressionnant, nous tous, à travers nos différentes langues d'expression – arabe, français, tamazight -, nous puisons de la même source d'inspiration, nous créons sous l'impact de l'expérience historique de notre pays (l'antiquité, la colonisation, la guerre de libération, post-indépendance) mais, surtout, sous l'effet du traumatisme engendré par les profondes blessures de notre tragédie nationale. Pourtant, nous nous différencions, les uns des autres, selon les générations littéraires, les procédés d'écriture, les conceptions qu'on a sur le roman, l'expérience de chacun, son référent et son projet d'écriture.
Ce que beaucoup de spécialistes ne perçoivent pas, dans l'écriture romanesque algérienne d'expression arabe, c'est le phénomène de la traduction perpétuelle des autres langues algériennes écrites et parlées vers la langue d'arrivée classique et littéraire – issue de plusieurs langues au départ – qui compose le roman. En Algérie, on n'écrit pas comme on parle ; c'est le cas aussi pour le Maroc et la Tunisie. Ce n'est pas le cas pour les écrivains orientaux qui le font presque sans difficulté.
Pour un écrivain oriental, décrire, par exemple, une scène d'amour, ne l'oblige pas à traduire d'une autre langue les mots qui composent les sentiments racontés, il les convertit directement comme tels ou presque. En face, imaginez un écrivain algérien voulant narrer, en arabe, une situation d'amour, un dialogue entre deux personnages amoureux ou nommer un meuble, un ustensile de cuisine, tout simplement ! Les écrivains algériens d'expression arabe sont conscients, comme je le suppose, du fait que le roman algérien devrait chercher sa propre langue, en prospectant pour redécouvrir les appellations des choses, des plantes, des animaux, des lieux, des vêtements, des aliments, des boissons, des habitudes, des traditions, des cérémoniaux. Tout ce qui constitue la mémoire de l'Algérien, qui remue son affect, qui le pousse vers les limites extrêmes de la tragédie, qui lui fait peur, l'horrifie et l'accule au degré suprême de la fatalité et tout ce qui fait sa spécificité. Ce roman algérien est appelé à faire parler le non-dit dans l'Histoire et à transgresser l'interdit politique.
Me considérant comme écrivain qui vit en Algérie, écrit pour elle, de son profond terroir, de son Sahara, d'Adrar l'aimée, entouré, au moment de l'acte d'écriture par tous ses sons interférents, ses mots venus de partout qui se bousculent crus ou épluchés, purs ou profanes, de l'arabe parlé, du français, du tamazight parfois et que je me trouve contraint à traduire à partir de leur premier niveau pour les intégrer dans l'espace du roman construit essentiellement par la langue arabe littéraire.
J'ai été et je reste persuadé que le roman algérien d'expression arabe, en prenant le relais de l'expérience de Kateb, Dib et Boujedra, pourrait s'affirmer comme écriture algérienne, certes en arabe, mais qui diffère des autres écritures romanesques arabes par son particularisme et qui enrichira, sans doute, l'écriture arabe en général. Cette vision-là, je voudrais bien que mes collègues écrivains la débattent car, comme on peut le constater, il y a une certaine tendance à orientaliser notre écriture : les spécialistes, de même que les lecteurs, peuvent le remarquer dans les nouveaux écrits de quelques auteurs consacrés ou qui débutent. Comme tout écrivain algérien, j'ai la sensation que ma mémoire se meut au milieu d'une civilisation multidimensionnelle où se mélangent cultures méditerranéennes, sahariennes, africaines et autres.
Je vois qu'un côté de mon écriture est marqué par les traces de cette civilisation. Métaphoriquement et poétiquement, je suis en plein dans le Coran. Lexicalement, je me baigne dans la sonorité des mots provenant de la langue de ma mère, de l'oralité, de la poésie arabe, du soufisme, du fiqh, de la philosophie, des rituels et liturgies. Sur le plan de l'imaginaire, les Mille et Une Nuits me fascinent toujours. Techniquement, je médite ces œuvres colossales de Dostoïevski, Proust, Faulkner, Marquez et Dib plus que d'autres.
Le roman algérien d'expression arabe est censé amener le lecteur à dire : voici une écriture qui dit ma spécificité, les détails de mon identité, l'empreinte de mon histoire, mes rêves, mes désillusions, le rituel de mon «medhab» malikite et voici la rétrospective du choc historique qui dérange ma mémoire depuis 1830, avec l'héritage de la guerre de libération, nos déceptions et nos certitudes quant au futur que nous rêvions de bâtir. Aussi, ce roman doit se demander pourquoi cet être algérien est troublé à un degré que la langue n'arrive pas à décrire ?
Une écriture romanesque dans une langue qui ne creuse pas au fond de cet être, dans la mémoire collective, en quête d'identité amazigh-arabo-musulmane, est vouée à reproduire les clichés de l'Autre et à calquer ses expériences artistiques. Pousser le degré de l'écriture à atteindre les limites de la force neurale, au moment de la reconstitution, c'est produire un texte continuellement nouveau. Et, en même temps, instaurer des traditions d'écriture appuyées par la différence, la particularité et la noblesse. Ainsi, l'écriture demeure toujours cet acte qui se base sur le probable, le possible, en déconstruisant toute certitude.
Voyez-vous l'état du roman contemporain arabe ? Il est d'une uniformité dérangeante par sa langue figée, ses thématiques répétitives et prudentes et par sa fascination de l'Autre. En lisant un roman, je voudrais bien sentir les vibrations de chaque société arabe, son goût, ses expériences, l'allégorie de sa langue avec toute sa charge. Sinon, quel intérêt, donc, de proposer un roman traduit de l'arabe à l'arabe conventionnel pour qu'il soit compris de l'Océan jusqu'au Golfe. Mais combien est longue cette distance et combien sont nombreuses les différences et les spécificités entre nos déserts de l'Océan au Golfe !
Habib Sayah : Ecrivain, romancier d'expression arabe
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