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Avec des migrants subsahariens à Oujda (Maroc) : Galères africaines ou « l'enfer » du Panaf'
Publié dans El Watan le 18 - 07 - 2009

C'est un fait : le Panaf' a illuminé Alger et redonné des couleurs à un pays monochrome, monoculturel, monothéiste, profondément marqué par l'unicité de langue, de pensée, de religion, de culture et de télévision. Les sonorités qui sourdent du plus profond du continent pour trouver (enfin) écho en plein Didouche Mourad en tutoyant la Méditerranée font tellement de bien à l'oreille et au cœur des Algériens. Pourtant, par-delà cette image idyllique, l'on ne saurait occulter le racisme rampant ou manifeste exprimé par nos concitoyens à l'égard des migrants subsahariens transitant par notre pays ou ayant formé le projet de s'y établir.
Oujda (Maroc). De notre envoyé spécial
A l'occasion d'un récent séjour au Maroc, nous avons recueilli le témoignage de quelques-uns parmi eux. Ils ont traversé l'enfer avant de buter sur le mur de l'Union européenne, un rempart fortifié érigé aux abords des enclaves espagnoles de Sebta et Mélilia. Mais c'est surtout à Oujda que nous nous sommes attardés, la ville frontalière marocaine qui fait pendant à Maghnia, dernière escale des parias migrateurs transitant par l'enfer algérien.
Ibrahim. 40 ans. N'djamena (Tchad)
Ibrahim est Tchadien. Il est marié et père de trois enfants. Ibrahim venait de franchir la frontière au moment où nous l'avons rencontré. Il menait une vie plus ou moins paisible à N'djamena. « J'étais commerçant », dit-il. Ce qu'il l'a poussé à partir ? La guerre intestine qui a secoué le Tchad ces dernières années. En 2006, le régime du président Idriss Déby vacillait et manquait de chuter sous les coups de boutoir d'une opposition armée. « Il y avait une atmosphère de guerre », raconte Ibrahim qui se retrouvera d'emblée mêlé aux affrontements qui déchiraient son pays. « Le gouvernement s'en est pris aux miens, à ma famille. Mon propre père a été tué. Il était combattant au sein d'un parti qui revendiquait la démocratie. » Ibrahim prend ainsi le maquis. « Nous combattions au nord du Tchad. J'ai ainsi passé deux ans au maquis, dans l'opposition armée », confie l'ancien activiste tchadien, avant de préciser : « Quand le coup d'Etat a échoué, j'ai quitté le Tchad le 13 avril 2006. » Direction : le Cameroun. De là, il franchit les frontières du Niger. « J'ai passé un an au Niger, puis je suis entré en Algérie. » Ibrahim transite nécessairement par Tamanrasset où il reste six mois en vivotant des chantiers de la ville. « Après, je suis monté à Alger clandestinement et y suis resté une année. Je vivais des chantiers de construction pour un salaire de 500 DA/jour. Je logeais dans une carcasse près de Dély Ibrahim. Un jour, j'ai pris le train pour Oran, et de là-bas, je suis parti à Maghnia, et de là, je suis entré à Oujda. » Comme la plupart des migrants subsahariens, Ibrahim végète sur un terrain vague attentant au campus de l'université Mohammed 1er. Il dort dans des « tranquillos » comme on les appelle ici. « Je n'ai pas de travail. Je suis sans nouvelles de ma femme et de mes enfants depuis plus de deux ans. Je ne sais même pas s'ils sont en vie », affirme Ibrahim. Son plan ? « Trouver de l'argent, quitte à contracter un crédit auprès d'amis tchadiens qui vivent en Europe. Je veux partir à tout prix ! La dureté du trajet ne me décourage pas. Qui ne risque rien, n'a rien. On ne fuit pas la mort, c'est ton destin. »
Mamadou. 25 ans. Bamako (Mali)
Ce sont des déboires familiaux qui ont poussé Mamadou à quitter Bamako, sa ville. « Après la mort de mon père, ma famille paternelle a confisqué tous ses biens. Avant, on était aisés. On nous a jetés dehors. On avait quatre parcelles de terre. On a désormais une seule. On l'a divisée en deux. J'ai vendu la moitié. J'ai laissé une partie de cet argent à ma mère pour vivre, et j'ai pris le reste pour financer mon voyage. Mamadou décide ainsi de tenter l'aventure septentrionale en quête d'une situation plus honorable. « Je suis monté à Gao, et de là, j'ai pris la route de Tamanrasset. Je n'ai pas eu de souci pour rentrer puisque il n'y a pas de visa pour les Maliens. A Tamanrasset, il y a un chantier de construction d'une université. J'y ai été embauché à 600 DA/jour. Je logeais au "château", du côté de Gatâa El Oued. » Mamadou franchit les 2000 km séparant Tam d'Alger par petits segments. Mamadou passe quelque temps à Alger avant de mettre le cap sur Maghnia, le passage obligé vers Oujda. « Maintenant, je suis en train d'observer. Je veux franchir le grillage. Je vis de petites bricoles, je vends des trucs, je fais parfois l'aumône. Il n'y a pas de travail pour les sans-papiers, d'où la mendicité. On vit également des dons des gens, on récupère des denrées au marché. Moi, j'ai envie de gagner ma vie correctement pour mes petits frères et sœurs, même s'il faut escalader le grillage. Mais la route du Nord est risquée. »
Moussa. 32 ans. Kinshasa (République démocratique du Congo)
Moussa est originaire du Congo-Kinshasa. Après son bac, il abandonne ses études et se fait artisan bijoutier. « Mon mode de vie était précaire. Parfois, je ne gagnais rien », lance-t-il. Une précarité qui le pousse à prendre le large. « Mon oncle m'a prêté de l'argent pour quitter le pays, un capital de départ de 1500 dollars. Ma femme était d'accord. Mon ambition était simplement de gagner de l'argent. C'est ainsi que j'ai quitté le Congo en 2000 », se souvient-il. S'ensuit tout un chapelet de mésaventures. Moussa traverse d'abord le fleuve Congo, débarque à Bangui (République centrafricaine). Passe trois mois à Bangui. Ensuite, il reprend la route à destination du Cameroun. Débarque à Douala. Et là, il fait une longue halte après avoir trouvé du travail comme gardien de nuit dans une société. « Je suis resté 14 mois à Douala. Je gagnais 60 000 francs CFA/mois (environs 9000 DA). Il y avait beaucoup de malfrats qui rôdaient autour de l'entreprise. C'est ainsi qu'un jour, une bande armée a attaqué la compagnie et volé des choses. J'ai été accusé à tort de complicité, alors j'ai pris la fuite. Les prisons camerounaises sont impitoyables et je n'aurais pas souffert d'y être interné. » Moussa ramasse son baluchon et quitte le Cameroun dans la précipitation. « J'ai pris mes économies et je suis parti au Nigeria. De là, je suis allé au Niger avant d'entrer en Algérie. Les Touareg m'ont déposé en plein désert et j'ai dû faire 25 km à pied jusqu'à Djanet. »
Moussa enfile les villes en slalomant à travers les barrages de la nature et des hommes : Illizi, In Aménas, Ouargla, avant de prendre le bus pour Alger. « Dieu était avec moi », soupire-t-il. « J'ai échappé à tous les barrages. » Moussa reste cinq mois à Alger à languir dans une carcasse avec des compatriotes congolais. « J'ai travaillé dans des chantiers de construction à 500 DA la journée. » Point noir de son séjour algérois : notre ami a eu douloureusement à pâtir des comportements frisant le racisme de certains de nos compatriotes. « J'avais une belle paire de chaussures. Une bande a attaqué notre ghetto et m'ont enlevé mes chaussures des pieds », témoigne-t-il. Moussa prend un ticket de train Alger-Oran avant d'échouer à Maghnia. « J'ai franchi facilement les frontières. Je suis arrivé à Oujda en 2002. J'y ai passé deux nuits, ensuite avec un groupe de clandestins, nous avons marché jusqu'à Fès. On était quelque 16 personnes. Nous avons traversé la brousse. De là, il y avait des connections vers Tétouan. De Tétouan, nous avons marché encore 14 km jusqu'à la forêt de Benyounès. Et je me suis établi dans la forêt. » La forêt de Benyounès est relativement proche de l'enclave espagnole de Sebta. Avec ses compagnons d'infortune, Moussa guette la moindre occasion pour franchir le grillage qui protège Sebta et pénétrer en zone espagnole. Il reste dans la forêt qui regarde la mer jusqu'en 2006. Il fut ainsi un témoin de premier plan des événements de septembre 2005 et ces images affreuses de Subsahariens prenant d'assaut le grillage de Sebta et Mélilia et matés dans le sang par l'armée royale et les vigiles de l'UE. « Il y a eu beaucoup de morts, ça tirait de partout. Les militaires marocains ont investi la forêt. Il y a eu des arrestations massives. J'étais au nombre des expulsés.
On nous a reconduits jusqu'à Layoune, à la lisière du désert de Mauritanie et on nous a largués. On n'a eu ni eau, ni pain, ni rien ! On a été lâchés en plein désert. J'ai remonté à pied le désert et j'ai marché des jours et des jours jusqu'à Oujda. »Même après cette épouvantable épreuve, Moussa n'était pas près d'en démordre. « Je ne voulais pas m'avouer vaincu. D'ailleurs, je n'osais même pas appeler ma famille. Je ne peux pas appeler ma femme et mes enfants avant d'avoir atteint mon objectif. » Moussa remonte à Nador et fait une nouvelle tentative, par mer, cette fois-ci. C'était durant l'été 2008. « J'ai pris un zodiac de Nador pour aller à Almeria. J'avais payé ma place 1200 euros que j'avais empruntés auprès d'amis qui vivent en Europe. On était 68 personnes à bord. Tous des Noirs, et pour cause : si des Marocains nous aidaient, ils risquaient la prison. Même le pilote du zodiac était un Noir. Il était inexpérimenté. Nous avions acheté le zodiac à Nador. Il s'est mis à balancer et à tanguer. Nous nous sommes fatalement perdus et on est restés deux jours en mer sans rien manger. Dans ces conditions, perdus entre deux déserts, tu fais ta dernière prière et tu guettes la mort. On ne faisait que prier. La marine marocaine a fini par nous intercepter. Et nous avons été reconduits aux frontières algériennes. » Notre Ulysse de Kinshasa est déterminé à tenter de nouveau l'aventure. « La solution est le zodiac. L'Espagne est proche. Je vais emprunter encore de l'argent et faire une nouvelle tentative. Je n'ai pas le choix : j'ai une dette de 4000 euros à rembourser. Je dois réessayer. »


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