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Rasha Salti (Auteure) : « Evaluer la guerre et l'après-guerre est compliqué »
Publié dans El Watan le 24 - 07 - 2009

Les bâtiments pris en photos par Ziad Antar sont-ils témoins malgré eux ? Des blessures béantes ? Ou juste l'expression de ce qui n'a pas été « réglé » ?
Ils sont un peu un mélange de tout. « Témoins malgré eux », je n'aime pas trop cette attribution. Ils n'ont pas été construits pour servir aux miliciens de dépôts d'armes ou de campements improvisés ou de cachettes pour les francs-tireurs... Ils ont été occupés par des hommes armés qui les ont jugés stratégiques. Mais en fait, à cause de leur état inachevé et abandonné, ils sont devenus dysfonctionnels, et dès que la guerre s'est arrêtée, leur valeur « stratégique » n'existait plus. Ce sont des blessures béantes, oui, ils sont aussi une représentation de ce qui n'a pas été réglé... Et autre chose aussi, beaucoup d'autres choses... Quelque part ils sont un cas extrême de ce que nous sommes, nous, ceux qui ont vécu la guerre et l'après-guerre. Nous ne sommes pas aussi « inachevés » ou « abandonnés », mais nous sommes un peu ça, à des degrés différents...
« La guerre est suspendue quelque part entre l'oubli et le trauma », écrivez-vous dans ce texte. Est-ce à dire que rien n'a été réglé après la guerre civile ?
Sur plusieurs niveaux, peu de choses ont été résolues, mais ceci n'est pas aussi dramatique, grave ou urgent que le fait que les Accords de Taëf de 1989, qui proposaient des solutions aux problématiques qui ont nourri la guerre (les inégalités du partage du pouvoir, par exemple) ainsi qu'aux conséquences de la guerre, n'ont pas vraiment été appliqués. Ceci, bientôt vingt ans après que ces accords aient été signés par la presque totalité des protagonistes de la guerre. A peine la première phase prévue dans les accords –celle de la transition de l'état de guerre vers l'état de non-guerre– est appliquée... La deuxième phase n'est même pas prise en considération comme une étape à atteindre par notre gouvernement et notre Parlement : cette phase devait signer la fin de l'hégémonie du sectarisme sur le système politique du Liban, devait introduire le renouvellement des élites et le retrait, de la gouvernance du pays, des « figures » de la guerre. Je travaille dans le cinéma et je viens de voir un documentaire extraordinaire d'Anne Aghion, une réalisatrice française, intitulé My Neighbor, My Killer, (mon voisin, mon tueur), sur les tribunaux locaux du génocide au Rwanda. Une des vertus du film tient précisément du fait qu'Aghion a laissé beaucoup d'espace à l'ambiguïté de ces personnages. Je cite ce film parce que j'ai aussi appris beaucoup sur le sujet de la « réconciliation » et de la pénalisation après un conflit civil. Quand la guerre civile s'est conclue au Liban, les tribunaux de « Vérité et Réconciliation » battaient leur plein en Afrique du Sud. C'était, vu du Liban, une expérience extraordinaire. Des ONG, des centres de recherche, des universitaires discutaient de la possibilité au Liban d'une telle initiative. Mais elle n'a pas eu lieu. Pour plusieurs raisons, dont le fait que les figures de proue de la guerre dans ses derniers développements, étaient les gérants même de l'après-guerre et n'avaient pas beaucoup de motivation de soutenir des « tribunaux » de guerre... Même si le but de ces tribunaux aurait été d'atteindre une réconciliation. Ce qui s'est passé au Rwanda après le génocide est quand même une expérience qui ressemble en quelque sorte ce qui s'est passé au Liban. Sauf qu'au Liban, le processus était totalement informel, improvisé, « par défaut ». Au Rwanda, à un moment donné après le retour des réfugiés Hutus, quelque 100 000 personnes ont été mises en prison parce que suspectées d'avoir participé à la tuerie, en attendant qu'elles soient jugées. Deux ou trois ans après leur incarcération, elles ont été relâchées. Des enquêteurs et des avocats étaient chargés de collecter des témoignages de leur participation aux meurtres. En attendant, les « suspects » sont rentrés chez eux et ont repris leur vie. Le retour était reçu avec beaucoup d'anxiété par les survivants Tutsis, leurs voisins, victimes et témoins de la tuerie. Finalement avec le temps et le cours du quotidien, chacun des survivants a trouvé le moyen de vivre avec sa douleur et avec la réconciliation. Deux ou trois ans plus tard, les procès ont eut lieu, village par village, suspect par suspect, victime par victime. Les représentants de l'Etat prenaient des notes. Les victimes/survivants racontaient leur douleur à voix haute et devant tout le village. Ils n'hésitaient pas à accuser, mais quelque part ils avaient pardonné. Les fantômes des morts étaient identifiés, nommés et partagés par la collectivité du village, victimes/survivants et tueurs inclus. Cela n'a pas eu lieu au Liban, il n'y a pas eu de rapatriements véritables pour inverser les grands changements démographiques qui ont eu lieu pendant dix-sept ans de guerre civile et qui ont reconfiguré la carte de la mixité confessionnelle des villes et villages. Mais quand même, il y a eu beaucoup de contacts entre « ennemis » et « victimes », entre tueurs et survivants. Des contacts au gré de la vie de tous les jours, informels, spontanés… Et forcément, mais lentement, une réconciliation s'articule. Les institutions publiques auraient dû laisser l'opportunité aux gens pour raconter leur douleur, pleurer leurs morts, vivre leur deuil. Mais je crois que beaucoup a eu lieu de manière informelle, spontanée. Et nous sommes à un stade où nous attribuons de la valeur à la non-guerre. Et il est beaucoup plus difficile de mobiliser la population pour faire la guerre aujourd'hui, malgré les analyses de certains journalistes qui se veulent futés ou endurcis.
Y a-t-il une vie après tant de morts ? Que perd-on le plus durant ce genre de conflit, est-ce l'échelle des valeurs ?
Bien sûr... La vie, ou l'instinct de vie, est tellement tenace ! Les masses, le peuple, la société, les gens ne sont pas seulement victimes, nous sommes aussi des individus aux identités et identifications compliquées, aux aspirations et notions de libre arbitre complexes. L'après-guerre n'est pas seulement une période que nous avons subie, c'est aussi une période où nous avons fait des choix qui nous nuisent, qui nous humilient. Mais nous avons aussi combattu et dit non, ou essayé de le dire. Disons que la guerre fatigue, elle ne détruit pas l'échelle des valeurs, notre guerre a aussi tissé des réseaux de solidarité extraordinaires, des amitiés et complicités très profondes. Nous avions des systèmes d'organisation de la vie quotidienne qui étaient ingénieux, généreux. Evaluer la guerre ainsi que l'après-guerre est compliqué, très souvent le politique supplante l'anthropologique ou le sociologique dans le récit. L'échelle des valeurs de l'après-guerre est sur plusieurs niveaux tout aussi mauvaise que celui de la guerre, différemment, et pas nécessairement à cause de l'héritage de la guerre. L'après-guerre, le tutorat syrien, les petits calculs de la classe politique, etc., tout cela a eu un impact sans précédent sur l'échelle des valeurs. Mon texte, le livre, est sur l'après-guerre plutôt que sur la guerre.
Vous parlez de cette frénésie de la vie et du paraître qui ont suivi la guerre, comment l'avez-vous vécue personnellement ? Comment avez-vous pu en échapper ?
Je parle de frénésie intérieure et extérieure. Je l'ai vécue principalement avec des amis. J'ai découvert d'abord Beyrouth-Est, puis le Liban que je n'ai pas eu l'occasion de connaître pendant la guerre, parce que nos mouvements étaient limités en dehors de Beyrouth-Ouest. Je n'ai pas voulu échapper à cette frénésie : c'était comme une grosse soûlerie, une découverte grisante d'un territoire géographique, culturel, social... C'était fascinant, inattendu, compliqué, excessif, désopilant, improvisé, hédoniste, épicurien, douloureux et troublant...
Quel parallèle peut-on faire entre le Liban et l'Algérie concernant les processus de réparation ?
Il y a bien sûr un parallèle, comme avec tous les pays qui ont vécu un conflit civil, un traumatisme interne, et une solution politique négociée d'en haut, sans une véritable application vers le bas. En d'autres termes, le parallèle est général. Il y a eu des gestes de réconciliation, mais ils sont liés à un épisode unique dans le conflit qui a duré 17 ans, alors qu'il y avait plusieurs épisodes, notamment celui très noir et qui a un caractère d'épuration « sectaire » de ce qu'on appelle la « guerre de la montagne », qui éclata entre les druzes et maronites dans les montagnes du Chouf. Les druzes ont tout fait pour expulser la population maronite de la montagne. Alors qu'ils sont regroupés sous une bannière socialiste, même leurs « camarades » communistes maronites ont été visés et chassés de leurs domiciles et villages. Dans l'après-guerre, il a fallu payer des « dédommagements » aux familles déplacées (surtout du Sud-Liban après l'invasion israélienne en 1978), et qui avait squatté des appartements et bâtiments abandonnés par d'autres familles déplacées (volontairement) à cause des combats violents autour de chez eux. Pour récupérer les maisons aux propriétaires, il a fallu « compenser » les squatteurs. Il y a même eu un ministère dédié à la question. Dans la même logique, il y a eu des fonds pour encourager les maronites de la montagne à retourner chez eux. Mais ce processus a été accouplé de tout un cirque de discussions pour provoquer une réconciliation. C'était de la sottise. La plupart des maronites ont pris l'argent attribué et ont acheté un domicile dans la région purement chrétienne... Donc, leur retour, ou le changement de la configuration géographique et sectaire de la démographie, n'a pas eu lieu. Je ne pense pas qu'en Algérie il y a eu des initiatives de la sorte.


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