Tristes chiffres pour célébrer la Journée mondiale de l'alimentation demain, samedi. «Même si la planète produit suffisamment pour nourrir toute la population, ce 16 octobre, des citoyens du monde ne passeront pas à table car ils seront déjà morts.» Ce slogan-choc a été lancée par la Commission européenne pour appeler à la mobilisation à l'occasion de la Journée mondiale de l'alimentation. A l'occasion, les humanitaires dénoncent le fait que les moyens financiers colossaux dégagés pour résoudre la crise alimentaire ont avant tout bénéficié à l'agrobusiness, qui, en imposant aux pays en développement une agriculture industrielle dévastatrice, a vu ses bénéfices exploser. Par ailleurs, l'envolée du prix du blé fait craindre une crise alimentaire. Sécheresses et inondations affectent le cours des céréales. Ajoutez à cela l'intérêt des fonds de pension et d'autres investisseurs à long terme soulignent l'importance stratégique des matières premières alimentaires. En effet, la population mondiale augmente et les habitudes de consommation des habitants des pays émergents changent. Si toutefois plus d'un milliard de personnes souffrent de malnutrition chronique, c'est, certes, dû à la famine, à la guerre ou aux conditions climatiques. L'augmentation croissante de surfaces agraires pour la culture de biocarburant figure cependant aussi parmi les causes. Les montants colossaux dégagés par la communauté internationale (Banque mondiale, FAO, Union européenne, mais aussi des fondations privées américaines) dans la foulée des émeutes de la faim n'ont guère bénéficié aux petits agriculteurs, qui forment pourtant l'écrasante majorité des personnes souffrant de la faim dans le monde. Livrés à eux-mêmes, ne pouvant compter sur aucun appui, ils doivent affronter le rouleau compresseur des grandes sociétés agroalimentaires, qui imposent leurs semences hybrides à fort rendement et transgéniques, leurs intrants chimiques, pour des monocultures visant à approvisionner le marché international, au détriment des marchés locaux. Les semences sont clairement au cœur de cette bataille pour le contrôle de l'alimentation mondiale. A force de racheter systématiquement les petits semenciers, le très lucratif marché des semences est désormais contrôlé par quelques grands groupes privés. Dans le peloton de tête figure la multinationale suisse Syngenta, très active sur le marché des semences transgéniques. Les ONG dénoncent également la ruée sur les terres agricoles (entre 20 et 50 millions d'hectares rien qu'en Afrique), louées ou achetées par des grandes groupes industriels pour y cultiver des plantes destinées à l'exportation ou à être transformées en agrocarburants, avec comme corollaire l'expulsion de leurs terres de millions de paysans, condamnés à l'errance et à la faim. Genève.