«La vérité, moi j'y ai été à peine deux fois», lance Samy. Ses copains ne se sont pas rués non plus sur les cimaises du MaMa. «C'est vrai, il a apporté un plus au quartier, chebbah el hala (il a embelli le quartier), mais il ne sert pas à grand-chose», explique l'un des jeunes, gardien de parking à ses heures. Nos trois jeunes gens ont tous arrêté prématurément leurs études et vivent de petites bricoles. «On fait tout», résume Samy. «A vrai dire, on comprend que dalle à ce qu'ils font ici. Je suis parti une fois, il y avait des photos accrochées, mais je n'y ai rien pigé. Personne n'est venu m'expliquer le sens de ces trucs.» Son acolyte enchaîne : «On aurait aimé qu'ils en fassent un centre commercial comme il l'était avant, quelque chose comme celui de Bab Ezzouar, avec plein de boutiques, une salle de bowling, des cinoches, des salles de jeu et une mosquée bien sûr. Un coin où s'amuser et travailler en même temps. Ce musée est très beau, mais il a pris trop de place pour rien. C'est un gâchis. Ils auraient pu aménager une partie du bâtiment en musée et l'autre en commerces pour que les gens puissent travailler, non ?» Un autre renchérit : «Et puis entre nous ya kho, ça ne profite qu'aux gens de l'Etat. Quand ils viennent, ils bouclent tout le quartier et on ne peut même plus travailler au niveau du parking. Moi, je vous dis une chose : ça ne cultive pas le peuple, c'est pas vrai. Le peuple a besoin de travail et de distractions.» A l'opposé, Anis et Adel, deux étudiants à l'Institut de statistiques de Ben Aknoun que nous avons rencontrés à l'intérieur du MaMa, plaident vigoureusement la cause du musée : « Je vous avoue que c'est la première fois que je mets les pieds ici et je suis sincèrement enchanté. Je passe souvent par là et à chaque fois, je me dis, un jour je vais m'arrêter et y jeter un œil. J'étais vraiment curieux de voir comment c'est à l'intérieur», confie Anis, avant d'ajouter : «L'expo est vraiment intéressante. Et puis c'est vachement apaisant. Nous avons vraiment besoin de ce genre de manifestations. Durant les années de terrorisme, nous avons perdu énormément d'artistes et d'intellectuels, si bien que nous sommes devenus un peuple sans culture. Je pense qu'il faut investir massivement dans ce genre d'espaces qui contribuent au changement des mentalités. Les jeunes aujourd'hui n'ont pas de repères et les musées permettent justement d'avoir des repères et aussi de découvrir d'autres cultures. On voyage sans bouger.»
