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À mi-chemin entre Béjaïa et Tizi ouzou
Aït Zikki Après la neige, la colère
Publié dans El Watan le 12 - 02 - 2005

1400 m d'altitude, 8 villages, 8000 habitants et... zéro infrastructure économique. Les statistiques de la commune d'Aït Zikki se résument à cela. Elle a aussi ceci de particulier : elle se situe aux limites des wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa.
A cheval entre deux misères, à équidistance de deux lointaines villes, Akbou et Azazga, situées 40 km à l'est et à l'ouest. C'est le sommet de la région, mais aussi celui du dénuement. On se souvient de cette localité uniquement en temps de tempête, comme ce fut le cas ces derniers jours. Pour la rallier, il faut attendre le passage des engins de l'Armée nationale populaire (ANP) qui foncent sur les monts enneigés comme on part au combat. Arrivé mercredi au chef-lieu d'Aït Zikki, après une semaine d'isolement, le « bull » de l'ANP s'arrête. Il ne peut pas aller plus loin. Pourtant, plusieurs villages attendent d'être tirés du blocus. Les soldats ont bataillé avec la nature pendant sept jours pour parcourir treize kilomètres de pentes abruptes, témoigne-t-on. Des engins plus légers, arrivés de Azazga, prennent le relais le lendemain, jeudi, jour où tous les villages d'Aït Zikki seront enfin reliés au reste du monde. Huit jours de siège. Vendredi, calme plat sur la colline. Aucun ronflement de moteur, ni branle-bas de villageois. Dans la voie étroite creusée dans les monticules de neige émergent des villageois emmitouflés, traînant des bouteilles de gaz. Des montagnards des siècles passés vivant les contraintes de la vie moderne. Un sexagénaire se remémore les temps passés. « La neige, c'est notre compagne de toujours. Elle ne nous prenait jamais de court. On s'inquiétait uniquement pour le bétail, jamais pour nous-mêmes », dit l'homme. A présent, les montagnards se retrouvent piégés au même titre que les citadins et crient famine au bout de trois jours. Ils sont suspendus, pour survivre, au camion Naftal et au fournisseur de lait pasteurisé. Les vieux regrettent le temps où ils pouvaient vivre en autarcie sans se soucier des rigueurs de l'hiver. Du bois pour se chauffer, du lait à profusion et une matrone pour accoucher, sans transporter vers des lieux incertains une femme au terme de sa grossesse (lire encadré).
Des expéditions pour survivre
« Il a neigé mardi, puis mercredi, rien d'anormal chez nous, car la neige nous est familière de décembre à avril. Mais cela a continué le week-end et ça atteignait un mètre d'épaisseur. On commençait alors à s'inquiéter », raconte un jeune. Les routes se ferment en même temps que se vident les modestes échoppes d'alimentation. « Je n'avais plus rien dans ma boutique au bout de trois jours. J'avais un stock de 12 q de semoule », nous dit un commerçant du village Iguer Amrane. Dans son local subsistent encore quatre sacs de semoule d'orge. Les villageois s'en détournent, peut-être à cause du prix, légèrement plus élevé. 280 DA pour un sac de 10 kg. Sur les étagères sont disposés des paquets de pâtes et des dattes conditionnées. Le lait en poudre a été chichement ventilé sur quelques villages dès les premiers jours de l'obstruction des routes. Les jeunes étaient descendus à travers le bois et ont emporté la semoule et le sucre par sacs de 25 kg. Ils sont remontés dans leur village sans plier sous la charge et sans s'enfoncer dans la neige. Il faut être né dans ces montagnes pour se sortir d'une telle épreuve. Quand il n'y avait plus rien à prendre chez les commerçants voisins, ils sont partis s'approvisionner à Bouzeguène, 13 km en contrebas. Sacs à dos et bâtons pour ne pas perdre l'équilibre en fendant la neige. Départ le matin, retour le soir. Des expéditions d'une journée, comme au temps de la disette au milieu du siècle dernier. Il n'y a eu aucun accident, fort heureusement, nous dit-on. Les jeunes sont tous rentrés sans encombre avec des vivres dans leur besace. Les familles sont sauves et il reste à attendre l'arrivée des engins pour déblayer le chemin, car le calvaire ne doit pas trop durer. La logique veut que la commune d'Aït Zikki dispose d'un chasse-neige, car en descendant, observent judicieusement les citoyens, cela prendrait une journée pour ouvrir la route. Alors qu'en remontant il faudrait en effet une semaine pour un bulldozer du génie militaire pour arriver au sommet de la colline. Une équation très simple pouvant être évoquée dans les réunions post-tempête de l'administration locale. « Est-ce que le travail que vous faites là peut changer quoi que ce soit à notre sort ? », s'emporte un jeune d'Iguer Amrane. « On l'espère », répondons-nous. Une mauvaise réponse peut faire dégénérer ces questionnements colériques. « On a crié très fort et personne ne nous a entendus », ajoute le jeune homme. « Quand et où ? », demandons-nous. « En 2001 et 2002 ! », répond-il, presque scandalisé par notre question. Il s'agit donc de la révolte du printemps noir. L'on est loin des aléas de la neige, mais la colère est la même. Le feu est passé et les braises restent incandescentes.
La mort sur les cimes enneigées
La vingtaine, blouson en cuir, les mains dans les poches. On ne demande pas le prénom, seuls les disparus en portent chez la génération rebelle. Les portraits des victimes des événements de 2001, peints sur les murs, ont attiré notre attention en remontant de Bouzeguène. Dans le silence absolu de la colline, au plus fort de l'hiver, on n'oublie pas les clameurs d'avril 2001. Que font les jeunes dans ces villages oubliés ? « Rien. Les jeunes angoissent... Puis un jour, ça se déclenche », dit notre interlocuteur. Il n'expliquera pas le sens du déclenchement. Possible qu'il s'agisse des mêmes dérives qui se développent dans les villes où les jeunes se détachent du vécu quotidien de différentes manières. Y a-t-il une maison de jeunes au chef-lieu de la commune ? « Non ! », rétorque-t-on. En fait, il y en a une, mais elle a eu le malheur d'abriter une brigade de CNS lors des dernières élections communales. Elle a été alors caillassée par les jeunes. La structure aurait bénéficié de quelques travaux de réfection et rouverte, mais les jeunes l'ont rayée de leur mémoire. Ils n'en veulent plus. Que reste-t-il comme structure de loisir ? Une aire de jeu au sommet de la montagne. Une plate-forme naturelle dénommée Aswel. Pendant la guerre de Libération, elle servait de lieu d'atterrissage aux hélicoptères des soldats français. Il y a quinze ans, quand les espoirs étaient permis en Kabylie, Aswel a failli recevoir un projet d'aménagement touristique. Les assemblées locales d'alors avaient cru à l'essor économique dans la région. Elles s'étaient « trompées », bien entendu. Le projet est tombé à l'eau. « On joue au foot uniquement l'été, car, le reste de l'année, là-haut... ». Là-haut, ils sont plus proches du ciel que de la terre. 1400 m d'altitude. Le point culminant de la commune est à 1730 m. Personne n'y habite, mais ça porte un nom : Tizibert. Les villageois n'y vont pas et ont oublié l'origine de cette appellation. Un frémissement économique a été enregistré dans la localité ces dernières années. Un entrepreneur de travaux publics a obtenu le permis d'exploiter une carrière d'agrégats. La commune allait vivre un peu de sa seule ressource naturelle, la roche. C'était sans compter avec l'impatience du village voisin. Trop de nuisances, de poussière, et ces sources d'eau qui risquent de se perdre sous les coups du concasseur. Les villageois mettent le holà et l'entrepreneur ramasse ses marteaux, en mettant à la porte les 34 ouvriers. Ils avaient à peine fait la connaissance de la Sécurité sociale. A présent, le seul employeur de la commune est précisément la commune. Quelques gardiens et agents de bureau. Il y a aussi le gardiennage des écoles. Puis, plus rien. Mohand, 35 ans, père de deux enfants, a eu beaucoup de mal à s'inscrire au chômage et toucher 3000 DA par mois. « A la mairie, on m'a contesté la qualité de chômeur, me disant que je bricole un peu dans le village. Je ne suis pas moins chômeur que les autres », dit-il. Il a cru trouver un emploi en s'engageant dans la garde communale. Envoyé à Sidi Ali Bounab pendant sept mois, il finit par quitter son détachement et rentrer dans le giron pauvre mais sécurisé de son village. Les « groupes » ne se frottent pas au relief impossible de la région. C'est la mort certaine sur les cimes enneigées. Fui, y compris par les subversifs, Aït Zikki attend sa part d'espérance et une attention des pouvoirs publics. Tirée de l'oubli par la tempête, destination, l'espace d'une semaine, d'une colonne d'engins de l'ANP, elle veut croire qu'elle fait partie de la collectivité nationale.


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