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Algériens, indignez-vous !
Publié dans El Watan le 20 - 03 - 2011

Que les motifs de son indignation actuelle sont les mêmes pour des milliers de citoyens anonymes dans le monde et que la raison, nous Algériens, de notre profonde indignation, est le destin tragique que l'on réserve à notre pays.
Ce grand homme de 93 ans, juif d'origine polonaise, ancien déporté, militant de la première heure, ambassadeur de France aux Nations unies, ayant pris part à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme, pro- Palestinien, défenseur des sans-papiers, lance dans un petit opuscule, coûtant à peine 3 euros, une réflexion sur le sens de l'engagement ; les raisons de son engagement ; les luttes interminables qu'il faut pourtant ne pas abandonner ; le combat nécessairement non-violent car plus juste et légitime ; la question palestinienne et d'autres questions.
En sus de toutes ces réflexions, il nous gratifie d'un formidable hymne à l'espérance : «Il faut essayer d'expliquer pourquoi le monde maintenant qui est horrible n'est qu'un moment dans le long développement historique. Que l'espoir a toujours été une des forces dominantes des révolutions et des insurrections et comment je ressens encore l'espoir comme ma conception de l'avenir».
Si un homme tel que Stephan Hessel peut encore croire en l'espoir, pourquoi nous alors sommes autant résignés, dépités courbant l'échine à la fatalité, idolâtres d'une rémanence immanente ? Pourquoi accepter de taire une voix singulière même si délibérément mineure et non totalisante ? Pourquoi ne pas se dresser contre ces fausses fatalités ? Pourquoi ne pas (re) poser la question cruciale et vitale pour le pays de réformes urgentes en des termes non conflictuels. En miroir, au crépuscule d'une vie de résistance et d'engagement, Stephen Hessel nous convie à se réapproprier nos luttes, à réapprendre nos droits et surtout à croire en l'avenir.
L'urgence du «défigement» du régime
L'Algérie souffre moins de la souffrance que de la déchéance. Elle voit du haut de ces 50 années d'indépendance son fatal affaissement. Ce pays a un régime valétudinaire qui refuse d'être dans le mouvement de l'histoire si ce n'est pour réécrire l'Histoire(2) en permanence qui conjure la réforme, pourtant la réforme a un rôle critique, elle tranche dans le contemporain. Notre pays reste l'otage d'un équilibre fragile des clans au pouvoir perpétuellement actualisé en fonction de la redistribution de la rente, source d'une tension constante. Tout cela dure depuis plus de 20 ans, et on sait qu'il est incompatible avec une dynamique réelle de développement et de progrès. La pratique du pouvoir en Algérie est intuitive non discursive, tactique et non stratégique. Le peuple et toutes les catégories sociales qui le constituent (femmes, jeunes, intellectuels…) dans la conception de ce régime, occupent une place excentrée.
Excentrée et donc nullement déterminante. Même l'Etat n'a de sens si ce n'est dans la servitude exclusive et totale au groupe qui détient les leviers du pouvoir. Incontestablement du fait de la nature du régime, sa première victime est bien et sera Abdelaziz Bouteflika que la Constitution a doté de pouvoir surabondant, surnuméraire. Son entourage, peut-être lui-même, en a usé et abusé à tout vent, renfermant le pays dans une austérité liberticide empêchant l'expression d'une contestation populaire en somme tout à fait naturelle dans une démocratie parlementaire ; il ne fallait ni la renier par des démentis fallacieux ou des foucades politiques optimistes et saugrenues de surcroît dans ce contexte de révolte arabe ni encore moins s'y opposer par la force. En observant ce qui se passe dans notre pays, il y a quelque chose d'irréel.
On est frappé par ce mutisme délétère. Pouvons-nous être autant insensibles aux défis du monde actuel, aux multiples challenges qui nous font face ? Au fil des mauvais choix politiques et des incertitudes qu'il a pris ; face aux nouvelles exigences de la globalisation, aux souverainetés diluées dans la mondialisation, aux enjeux énergétiques, environnementaux, économiques mondiaux ; notre pays, à ce rythme, est menacé de dislocation complète.
Il n'y a pas de cécité plus profonde et de spectacle plus désespérant que cette politique menée dans un pays nanti de grandes ressources. L'incurie générale de ce système n'est-elle pas dans le fait d'avoir un pays aussi riche avec un peuple pauvre ?
Une flopée de statistiques du tout avenant confirme l'échec massif de notre système économique. La croissance déjà anémique est tributaire des moindres fluctuations du baril de pétrole.
Le secteur industriel est livide. Les services sont encore au stade fœtal pour ne pas dire embryonnaire. L'Algérie ne produit que du pétrole et ne produira pas autre chose. Tous les patriotes au ton malheureusement pathétique pourront faire ce constat combien amer de la situation actuelle de notre pays. Aujourd'hui, on s'inquiète du mal-être des Algériens, on a peur que les Algériens se fassent tuer alors que les Algériens n'ont pas peur d'être tués. Ils se tuent eux-mêmes par vagues de harraga, en s'immolant aux abords des mairies, des commissariat de police… à l'est comme au sud du pays. Ils n'ont plus peur de la mort car ils sont convaincus qu'ils ne sont même pas en vie. Ces Algériens consument leurs terrifiantes colères sur le bûcher de leur désespoir, et tout cela se passe dans la pire des attitudes, l'indifférence de tous.
René Char(3) dans Résistance n'est qu'espérance témoignait de ce sacrifice ultime : «J'aime ces êtres tellement épris de ce que leur cœur imagine la liberté qu'ils s'immolent pour éviter au peu de liberté de mourir, merveilleux mérite du peuple». Des Jan Palach(4), héros emblématique du printemps de Prague, il en y maintenant des dizaines en Algérie. Nul ne sait pourquoi nous avons été impuissants à les écouter ? Pourquoi même l'illusion d'un avenir meilleur en Algérie se heurtait à la certitude d'un présent sans issue ? Pourquoi cette Algérie ne leur inspire que peur, dégoût,colère ? Peuvent-ils nous expliquer leurs gestes ou faut-il que nous interrogions nos consciences fuyardes ?
«Un temps prometteur»
Les Algériens que l'on croyait mithridatisés par 40 années de nationalisme factice, de patriotisme pastiche ont su s'indigner, ont pu le faire et ont compris tous l'intérêt à le faire.Pour réveiller une Algérie endormie mais non défaite, il faut que cesse cette absence d'espérance autrefois meurtrie par un islamisme intégriste aujourd'hui en déclin et ensuite violée par la grande illusion d'un régime rentier qui ne se réforme pas. Que le pouvoir comprenne qu'aucun régime n'est éternel fut-il le meilleur et ce n'est pas le cas. «Il n'y a rien de plus constant que le changement», disait Confucius. Ce changement ne peut pas aboutir si l'on cherche comme beaucoup de démocrates le font à remplacer des problèmes par des coupables.
Alors, comment se placer dans la perspective d'un «temps prometteur» ? En mobilisant les énergies sincères et honnêtes qui existent au sein des services de renseignement DRS et de l'armée compris ; en les exhortant à
s'indigner de la situation actuelle ; à penser aux legs qu'ils vont remettre à leurs enfants, au sermon qu'ils ont fait à leurs pays. Stephan Hessel écrit dans son essai : «Ma longue vie m'a donné une succession de raisons de m'indigner. Ces raisons sont nées moins d'une émotion que d'une volonté d'engagement. Le jeune normalien que j'étais a été très marqué par Sartre… la Nausée, le Mur pas l'Etre et le Néant ont été très importants dans la formation de ma pensée. Sartre nous a appris à nous dire ‘‘vous êtes responsables en tant qu'individus'' c'était un message libertaire.
La responsabilité de l'homme qui ne peut s'en remettre ni à un pouvoir ni à un dieu». On sait qu'il faut aux Algériens — d'où qu'ils viennent — de grands mobiles pour se mouvoir, mais l'essentiel c'est que ceux qui réfléchissent et ceux qui ne se sont pas encore exprimés, au sein de ce pouvoir occulte, de cette société terrorisée, le fassent mêlant leurs voix à l'émulsion des idées qui feront avancer notre pays vers plus de progrès et de modernité. Les mythes n'ont pas de vie par eux-mêmes, ils attendent que nous les incarnions. Et nous ne pourrons les incarner que si nous donnons de la force à nos idées, de l'obstination à nos engagements. L'initiative proposée par Abdelhamid Mehri peut être une amorce à cette révolution des esprits qui s'impose. Ce n'est pas un régime qu'il faut sauver mais toute une nation bâtie sur tant de sacrifices, adorée, célébrée il n'y a pas si longtemps.
Un pays jadis auréolé par son passé glorieux, groggy par sa puissance funeste et ivre d'espoir aride. Cette Algérie survit depuis des années dans le silence des siens. Ce changement sera possible à partir du moment où, ensemble, on accepterait de dépasser nos intérêts étroits. «Aucun problème ne peut être résolu sans changer l'état d'esprit qui l'a engendré», disait Albert Einstein. Il ne s'agit pas, à travers cela, de parler le langage du cœur mais seulement de penser clair, car c'est bien l'ensemble des événements historiques malheureux qui véhiculeront un heureux changement en Algérie.
Le vrai désespoir en Algérie, comme je l'ai signalé, ne vient pas du fait que les défis et enjeux auxquels fait face notre pays soient immenses, ni que les forces de l'inertie et du changement soient inégales ; il vient de ce qu'on connaît plus les raisons de lutter et s'il faut justement lutter. Certes, les luttes se nourrissent des ombres où elles évoluent mais les raisons de lutter — elles — demeurent claires. L'exemple du peuple tunisien est à ce sujet éloquent. Qui aurait cru il y a 6 mois que le régime despotique et prédateur de Ben Ali-Trabelsi s'effondrerait sur l'autel de la résistance pacifique des Tunisiens ? Qui aurait cru — même si le parallèle ne peut être fait — que Moubarak et sa famille abandonneraient de cette manière le pouvoir.
Cette révolte historique du monde arabe nous rappelle à un souvenir pas si lointain, il n'y a pas si longtemps, l'Europe de l'Est se débarrassait des ses tyrans rouges, l'Amérique latine se libérait de la dictature de ses généraux, inévitablement la contagion, après le monde arabe, touchera l'Afrique noire et permettra à tous les peuples de ce continent de vivre enfin dans la liberté et la dignité. De cette émulsion populaire, de multiples révoltes légitimes des peuples arabes, nous devons retenir la leçon que rien ne remplace les fondements d'un Etat juste où le droit est son assise et la justice sa seule voix. Seule cette notion peut mettre à l'abri une nation de toutes les crises possibles et imaginables. L'Algérie doit nous survivre. Nous ne devons pas la perdre. Nous sommes nés dans ce pays plein de lumière, mais où les hommes ont souvent accouché de l'obscurité. Nous sommes nés après l'indépendance dans une histoire dans laquelle on ressent un accord non une hostilité. Nous avons eu l'avantage de ne pas commencer par le déchirement mais par la plénitude. C'est pour cela que tout est encore possible. Je le pense, oui je le conçois et je ne sais par quelle loi obscure de la providence je le crois!
Notes de renvoi :
1- Indignez-vous ! Stephan Hessel, éditions Indigène octobre 2010
Traduit dans 22 langues Stephen Hessel a renoncé à tous ses droits, les bénéfices du pamphlet sont reversés à des organismes humanitaires. Plus d'un million d'exemplaires ont déjà été vendus
2- Si d'une certaine manière, à la façon de ce régime, on décide d'être en dehors de l'Histoire, c'est qu'invariablement on attend qu'elle ne soit que par nous. En fait, cette attitude dans le mouvement de l'Histoire est intenable, quand bien même le discours a posteriori et en apparence, laisserait des brèches à ceux qui tenteront immanquablement de «refaire» l'Histoire au nom de tout ce qu'ils pensent qu'il aurait été préférable de faire 50 années après ne pas l'avoir fait.
3- Poète et résistant français décédé en 1988, amis de Camus et Jean Sénac, signataire du Manifeste des 121
4- Né le 11 août 1948, mort le 19 janvier 1969, étudiant tchécoslovaque en philosophie qui s'est immolé place Venceslas à Prague le 16 janvier 1969 pour protester contre l'invasion de l'armée soviétique en représailles des reformes politiques lancées par Alexandre Dubcek (premier secrétaire du parti communiste tchécoslovaque, ministre)


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