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Debdeb, cette ville hybride qui vit de contrebande
Publié dans El Watan le 03 - 10 - 2009

Entre coupures d'électricité, pénurie de pain et trafics en tous genres, Debdeb, à plus de 400 kilomètres d'Illizi, se remet des affrontements entre les Touareg et les Soufis qui ont éclaté le 9 septembre dernier. Reportage dans cette capitale de la contrebande, ni rurale, ni saharienne, ni urbaine.
Debdeb (Illizi) : De notre envoyée spéciale
Située à plus de 400 km du chef- lieu d'Illizi, la wilaya dont elle dépend, Debdeb est une commune d'un peu plus de 4000 habitants que les contrebandiers, trafiquants de drogue et trabendistes connaissent assez bien. Une petite bourgade, née à la faveur du découpage de 1985, mais dont les premières habitations ont été construites dans le cadre de la révolution agraire durant les années 1970. Et c'est feu le président Houari Boumediène qui l'inaugura pour qu'elle devienne la porte de l'Algérie, une fois que celle de la Libye, située à moins de 7 km, se ferme, mais aussi pour faire oublier l'autre Debdeb, celle léguée par la colonisation et qui est à 35 km. Faisant partie de la daïra de Aïn Amenas, dont elle est lointaine de 240 km, la ville souffre énormément de l'isolement.
La route qui la relie au chef-lieu de daïra, où se concentrent toutes les administrations, est souvent ensablée et plus de la moitié de la distance est marquée par des crevasses et des affaissements. Il faut plus de deux heures pour traverser ce paysage quasiment désertique entrecoupé de quelques bases de vie de Sonatrach avant que Debdeb avec ses quelques palmiers n'apparaisse comme par enchantement. Le premier contact se fait avec deux barrages de la gendarmerie, l'un avant l'entrée de la ville et l'autre quelques centaines de mètres plus loin. Un panneau indique la direction du seul hôtel privé, qui n'a d'ailleurs d'hôtel que le nom. Même les plus insensibles ne peuvent passer une seule nuit dans cet endroit où toutes sortes de bestioles, rats, souris et chats pullulent. L'hygiène est quasiment absente, reflétant une image des plus désolantes d'une structure qui a l'avantage d'être l'unique hôtel dans cette région frontalière.
L'auberge des jeunes étant réquisitionnée par les gendarmes. Les affrontements entre Touareg et Soufis, au quartier des 105 Logements, le 9 septembre dernier y sont pour beaucoup. L'auberge sert pour loger les nombreux gendarmes dépêchés des autres villes limitrophes pour rétablir l'ordre. Etonnant pour une ville dont le poste frontalier avec la Libye connaissait un flux de 6000 voyageurs par jour jusqu'au début des années 2000. « La majorité préférait soit louer chez les gens soit poursuivre sa route. Certains dormaient carrément dans leurs véhicules », explique un ancien trabendiste. Le trafic entre Debdeb et la ville libyenne de Ghadamès, à 7 km, était très intense avant que les autorités libyennes n'imposent une taxe sur les véhicules et une somme importante de devises. « Du coup, le trafic au poste frontalier a chuté d'une manière drastique », déclare Mourad, un père de famille. Ghadamès est visible de partout. Elle est juste à côté.
La route vers le poste frontalier est vide. Aucune voiture ni voyageur. Policiers et douaniers se roulent les pouces. Plus loin, c'est le noir absolu, puis une longue ligne lumineuse. Côté algérien, l'éclairage public est éteint, alors qu'en face, les lampadaires illuminent toute la région. « Depuis les événements, les garde-frontières ont multiplié les patrouilles. La frontière est hermétique », déclare un jeune policier. Une situation lourdement sentie par une bonne partie de la population qui, il faut le reconnaître, vit du trafic aux frontières. Tout passe. Cigarettes, drogue, contrebande, textile et or. Chacune des communautés, soufie et targuie, a une part du marché et de ce fait chacune y trouve son compte. L'une détient le monopole du trafic d'or et l'autre le reste du trafic en tout genre. Depuis des années, les rôles sont bien établis tout comme de l'autre côté de la frontière. Rendre la frontière hermétique, c'est couper le gagne-pain d'une grande partie de la population.
La majorité des gens ici vivent directement ou indirectement de la contrebande et l'activité n'est pas nouvelle. Elle est ancestrale. Elle a pris de l'ampleur depuis les années 1990, notamment avec le trafic d'armes au profit des terroristes, mais aussi les réseaux de narcotrafiquants qui exportent du kif vers le Moyen-Orient et l'Europe via la Tunisie, en passant par Oued Souf, puis Debdeb où se concentre une forte communauté de Soufis. Cette filière est très connue, elle constitue une des routes de la drogue marocaine utilisée pour acheminer la drogue marocaine vers les autres pays. Selon les spécialistes, c'est l'un des réseaux les plus actifs du sud du pays et ses rentrées en fonds sont considérables, au point où ses chefs ont pu tisser des relations assez fortes avec des notables et des responsables locaux pour s'assurer l'immunité. A ce titre, il est peut-être important de citer le cas de ce baron du kif, l'un des plus riches de Debdeb, qui a construit la plus belle et grande maison à Debdeb, et qui est actuellement en fuite.
La rumeur affirme qu'il s'est installé à Dubaï après que son nom ait été cité par des trafiquants arrêtés par les services de sécurité. Il faut reconnaître qu'en dépit du fait qu'elle soit la plus riche des communes d'Illizi, avec un budget communal de 26 milliards de centimes, sans compter les autres enveloppes allouées dans le cadre du développement local, Debdeb subit de plein fouet l'isolement. Les fruits et légumes sont acheminés par un commerçant de Biskra et Batna, alors que le pain n'est disponible que chez la seule boulangerie de la ville qui en produit en quantités dérisoire. Il suffit que le transporteur des fruits et légumes soit arrêté en cours de route par les gendarmes pour que la ville soit coupée de sa ration alimentaire. Ici, les produits libyens, surtout les boissons, inondent les étals des petits magasins et épiceries. Tout comme d'ailleurs pour les produits alimentaires. L'électricité est disponible, mais les coupures sont presque habituelles.
Néanmoins, elles sont devenues moins nombreuses. En fait, Debdeb était alimentée en électricité par Ghadamès, la ville libyenne la plus proche, dans le cadre d'un accord bilatéral entre les deux pays. Mais les autorités libyennes procédaient à de fréquentes et longues coupures, notamment durant l'été où la température dépasse largement les 40 degrés. Etant donné la situation infernale et l'isolement dans lequel la ville se retrouvait à chaque fois, les autorités ont décidé de prendre en charge l'électrification toute la journée jusqu'à la nuit, et la Libye prend le relais. Depuis, l'alimentation en électricité connaît rarement les coupures. Le travail à Debdeb est un luxe, tant la contrebande rapporte beaucoup. Le quartier des 105 Logements où ont eu lieu les affrontements entre Targuis et Soufis compte aujourd'hui pas moins d'un millier de familles où l'oisiveté est reine. Il est entouré par des constructions en parpaing, cernées par des branches de palmiers où végètent chèvres et chameaux. Les rues qui les traversent sont éventrées et les réseaux d'assainissement à ciel ouvert. Les travaux entamés depuis des mois, voire même plus d'une année, n'arrivent pas à connaître la fin.
La poussière est omniprésente. De nombreux enfants, et même des adultes, ne sont pas enregistrés à l'état civil. Ils sont nés en dehors de la ville en plein désert. Certains vivent sans papiers depuis des années. Les écoles existent et sont rarement totalement occupées. La scolarité des garçons est souvent sacrifiée pour augmenter les ressources de la famille et celle des filles pour ne plus avoir de charge supplémentaire. C'est cela la vie à Debdeb, qui n'est pourtant ni une oasis du désert ni une ville urbaine. C'est une cité hybride, avec des maisons entourées d'autres en toub (argile et bouse de chèvre), et des habitants aux traditions sahariennes. Beaucoup de jeunes filles qui ont pu atteindre la terminale n'ont pas eu la chance de rejoindre l'université qui, elle, se trouve très loin, à Ouargla, ou au nord du pays. Aujourd'hui, les autorités communales ont un lourd problème à résoudre.
Un camion transportant 11 Nigériens clandestins a dérapé, causant la mort de l'un d'entre eux et des blessures aux autres. Les garde-frontières les ont acheminés sur la seule structure de santé qui existe en ville, une sorte de polyclinique de proximité qui n'est pas aussi grande qu'un hôpital, mais plus importante qu'un centre de santé. Elle vient de subir des travaux de réfection. Elle a l'air d'être propre. Les Nigériens sont pris en charge par l'équipe médicale, mais pour les autorités, maintenant qu'ils se portent bien, ils vont passer devant le tribunal d'Illizi, à plus de 400 km, pour être acheminés par la suite à Tamanrasset et reconduits à la frontière. Trouver un camion (au moins 10 000 DA) et le pays pour les acheminer jusqu'à Illizi est un calvaire pour la commune. Pourtant, chaque wilaya frontalière a bénéficié d'un budget pour la prise en charge des clandestins avant leur expulsion. « Oui, mais il faut d'abord trouver cet argent, parfois la somme est de loin plus importante, après avoir assuré leur prise en charge en matière d'hébergement et de nourriture, avant que la facture nous soit remboursée.
C'est un calvaire pour nous qui sommes une commune qui a les moyens, alors imaginez les autres… », déclare un élu. Pour lui, le problème des clandestins doit être pris en charge par une structure autonome et non pas par les communes, qui ont assez de problèmes locaux. Debdeb, dit-il, est une ville qui vit comme toutes celles qui sont sur la bande frontalière. La contrebande est un sport que pratique une bonne partie des jeunes et moins jeunes et personne ne peut stopper ce phénomène. « Le gain facile tue toute volonté de chercher un travail », conclut-il….


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