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kasserine (Tunisie) : une jeunesse en désillusion
Publié dans El Watan le 08 - 08 - 2012

Kasserine (Tunisie)
Correspondance particulière
La Garde nationale tunisienne laisse faire les contrebandiers sur la route de Kasserine, où ils ont pignon sur rue. Les vendeurs d'essence algérienne sont devenus plus nombreux que les méchouas, ces troquets où des carcasses de mouton font office d'enseigne. La frontière n'est qu'à une cinquantaine de kilomètres, juste derrière le mont Chaâmbi, le pic le plus élevé du pays (1544 m). Les éléments de la Garde nationale ne bronchent pas. En Tunisie, l'économie grise représenterait 30% du PIB ; ici, elle frôlerait plutôt les 50%.
Une soupape de sécurité car la région est l'une des plus déshéritées du pays. Des terres arides où même les oliviers peinent à se plaire. Kasserine compte environ 100 000 habitants. Peu d'activités industrielles à l'exception d'une usine de cellulose qui ne cesse de péricliter (1200 employés il y a dix ans, 400 aujourd'hui), une cimenterie à Fériana, quatre unités de sous-traitance pour Benetton (environ 350 ouvriers), une briqueterie et quelques ateliers de confection et de menuiserie. Le taux de chômage avoisine les 40%, soit le double de la moyenne nationale, et ici comme ailleurs, il frappe surtout les jeunes diplômés. Kasserine exhibe fièrement deux instituts d'enseignement supérieur tout en reconnaissant que ce sont des «fabriques à chômeurs».
Se faire soigner ailleurs
La ville dispose aussi d'un hôpital régional. Il est déliquescent. Pour se faire soigner, raconte Samir Rabhi, enseignant et militant des droits de l'homme, «il faut aller à Sfax, le centre hospitalo-universitaire le plus proche, à quelque 200 km. Tunis est à 270 km».
Kasserine se flatte pourtant d'un passé glorieux. Le gouvernorat renfermerait le plus gros réservoir de ruines romaines du pays, mais personne ou presque ne vient les visiter. En 1943, il fut aussi le théâtre d'une fameuse bataille entre le maréchal nazi Rommel et les forces américaines.
Kasserine s'enorgueillit surtout d'avoir été à l'avant-garde du soulèvement contre Ben Ali. A l'entrée de la ville, des graffitis en arabe et en anglais s'arrogent des droits d'auteur sur le Printemps arabe, proclamant fièrement «We are the revolution». Après l'immolation de Mohamed Bouazizi dans la ville voisine de Sidi Bouzid, le 17 décembre 2010, le soulèvement de Kasserine a été «un catalyseur de la révolte», confirme Sadok Mahmoudi, membre du bureau régional du puissant syndicat UGTT. «L'incendie s'est répandu à Thala puis Kasserine. Le 8 janvier, la ville s'est embrasée. La répression a été féroce : 21 morts en trois jours, âgés entre trois mois et 59 ans. Ben Ali avait mesuré le danger. Deux jours avant de fuir, il avait ordonné de bombarder la ville», raconte-t-il.
Ville frondeuse
Kasserine s'est toujours affiché comme un bastion de la contestation. «En 1984 déjà, la révolte du pain avait commencé ici», rappelle Samir Rabhi. La chute du régime Ben Ali n'a pas mis fin à la contestation. Il ne se passe une semaine sans que les chômeurs bougent pour réclamer du travail. L'impatience grandit. La population n'est plus disposée à se contenter de promesses. Symbole de la portée du malaise populaire, les huées avec lesquelles les trois présidents (Marzouki, Jebali et Ben Jaâfar) ont été accueillis à Kasserine lorsqu'ils étaient venus pour fêter l'anniversaire de la Révolution. «Le président de la République avait même été contraint de quitter les lieux sans pouvoir prononcer son discours. La colère des manifestants était telle qu'il a été aussitôt exfiltré par son service d'ordre aux cris de 'dégage'», raconte Mounir, un jeune de 27 ans, licencié en doit des affaires. Depuis, pareils incidents ont caractérisé les rencontres entre les officiels et les représentants de la société civile.
A la cité Ezzouhour (cité des Fleurs), un des quartiers les plus pauvres de Kasserine, la tension est toujours palpable. «Rien n'a changé», constate Jamel, 27 ans, diplômé d'anglais et bien sûr sans emploi. Comme tout le monde, surtout en ce mois de Ramadhan, Jamel passe son temps à dormir la journée et, après la rupture du jeûne, dans un des cafés bondés de la ville à jouer aux cartes et à fumer des cigarettes ou des joints venus d'Algérie. «On attend», dit-il.
Pour son ami Nizar, 24 ans, «la situation a même empiré. Les braquages se sont multipliés et même si la police connaît le voleur, elle n'agit pas. L'Etat est faible. Comment voulez-vous attirer des investisseurs dans un tel climat d'insécurité ?» A en croire Haithem, la corruption demeure elle aussi endémique. «Le seul moyen de trouver du boulot, ce sont les chantiers», un système d'emplois à durée déterminée dans la fonction publique hérité de l'ère Ben Ali. Mais pour en bénéficier, «il faut avoir des relations ou payer un bakchich». Pour Jamel, «les nahdhaouis n'ont pas tenu leurs promesses. Nous les avons élus, mais nous pouvons aussi les destituer».
A Kasserine, 18 mois après la chute du régime Ben Ali, l'heure est au désenchantement. Le gouvernement en est conscient, mais semble jusqu'ici impuissant. «Les attentes sont énormes et les nerfs sont à vif», a reconnu il y a quelques jours le ministre des Affaires sociales Khalil Zaouia. La situation économique «s'est notablement aggravée», confirme l'économiste Mahmoud Ben Romdhane et les régions les plus pauvres sont les premières à en subir les conséquences. «Le nouveau pouvoir a hérité de l'ancien régime une déconnexion dramatique entre des structures de production fondées sur des emplois moyennement qualifiés et un système éducatif qui génère près de 70 000 diplômés chaque année», constate-t-il.
Les statistiques officielles montrent que la reprise économique annoncée avec l'avènement, en décembre 2011, d'un gouvernement issu d'une Assemblée élue n'a pas eu lieu. Le secteur touristique a certes respiré un peu cet été, mais c'est loin d'être l'apothéose. «Même nos voisins algériens ne reviennent pas massivement avec ce Ramadhan en plein été», déplore Mounir, un restaurateur sur la route de la frontière algérienne.
Officiellement, les entrées n'ont pas atteint les chiffres de 2010. «C'était pourtant une année de crise», rappelle Raouf Dakhlaoui, un directeur d'hôtel à Hammamet. Cerise sur le gâteau, les exportations de produits manufacturés pâtissent déjà de la crise en Europe.
Chômage
Depuis le 14 janvier 2011, en 18 mois, le nombre de chômeurs est passé de 500 000 à 800 000. Plus d'un tiers des jeunes diplômés sont aujourd'hui sans emploi. «Le pire, poursuit Ben Romdhane, est que les projets destinés au développement régional n'ont pas comporté de mesures d'urgence. La troïka gouvernante n'a même pas essayé d'envoyer un signal susceptible de redonner un peu d'espoir.» Une absence de perspectives qui n'en finit pas d'inquiéter la plupart des observateurs. «Les islamistes ont connu la prison, la torture. C'est un CV qui mérite la compassion, mais qui ne les habilite pas à diriger le pays, estime un éminent représentant de la société civile. Distinguer les grèves légitimes des débrayages arbitraires comme vient de le faire le porte-parole du gouvernement, c'est de la foutaise !
La vérité est que ces dirigeants n'ont aucune vision économique, qu'ils brillent par leur incompétence. Vous connaissez un pays où l'on démet le gouverneur de la Banque centrale pour incompatibilité d'humeur ? La démission du ministre des Finances, Hassine Dimassi, est aussi un très mauvais signe. Imaginez qu'il accuse le gouvernement de manipuler les finances publiques à des fins électoralistes ! C'est surréaliste !» «Avec la révolution, la petite bourgeoisie intellectuelle, qui s'en sortait déjà économiquement sous Ben Ali, a gagné la liberté de parole, mais la population du pays profond qui manquait de tout, elle, n'a rien gagné», souligne Sana Mahjoub, conseillère d'orientation universitaire. A Kasserine, Jamel, Nizar, Haithem et les autres continuent à broyer du noir. Ils passent leurs journées à ne rien faire en rêvant tout haut d'«une révolution non stop».


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