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La justice face à elle-même
Publié dans El Watan le 21 - 05 - 2013

Pour certains, la justice est prise en otage, pour d'autres, elle «tourbillonne» ou nage dans des sables mouvants. En effet, les incidents renouvelés en son sein, à une époque où nombreuses sont les affaires de malversations grotesques, de détournements scandaleux, de corruption majeure, du crime d'initié au crime du sérail, lui sont évoqués. Il est curieux que ces incidents, suivis ou précédés d'autres phénomènes, se réalisent dans des lieux qui sont censés abriter et sécuriser la maison de la justice, où cohabitent plus ou moins durablement plusieurs acteurs de la sphère judiciaire, dont les permanents sont les greffiers, les habitués et fréquents sont les avocats, les durables, plutôt les endurables, sont les justiciables qui en font leur demeure et les résidents plus ou moins temporaires que sont les magistrats, puisqu'ils ne sont pas inamovibles.
Ces incidents, provoqués ou programmés, spontanés ou instantanés, isolés ou groupés, ou tous amalgamés, ne sont pas à la satisfaction de la bonne administration de la justice qui requiert une pratique sereine et équilibrée de sa gestion et du droit entre ses divers organes et structures, dont l'avocat en est l'ossature, le greffier le pivot, le magistrat le pilier, à quoi il faut ajouter maintenant la toiture, plutôt la couverture du journaliste, puisque c'est lui qui révèle, anime ou couvre l'événement. A ce titre, le journaliste a droit à la protection juridique et judiciaire pour l'exercice de ses activités, ce qui n'est malheureusement pas le cas dans la situation actuelle.
Si chacun de ces organes a sa spécificité, celle de l'avocat est particulière, volontairement ignorée dans le rôle moteur qu'il joue dans l'arène judiciaire, que certaines voix tentent d'étouffer en l'enveloppant dans la perspective réglementairement législative à venir dont on se demande «où est l'intérêt» qui n'est certainement pas celui de l'Etat de droit que la réforme, adoptée sur le projet de loi de l'Exécutif et non sur les propositions de la Commission indépendante de réforme de la justice instituée par le président Bouteflika (discours du 30 avril 2001) et confiée à la présidence de l'éminent juriste et professeur feu Issad Mohand (que Dieu bénisse son âme), a réduit la justice au postulat de gouvernement des juges s'assurant de l'immunité et de l'impunité de droit octroyées à l'oligarchie constitutionnelle dite les «corps constitués», en soulageant ainsi les pouvoirs publics de leurs charges ardues pour décharger sur la justice le poids accablant de la bureaucratie régissante, privilégiant ainsi la politique de la confusion, ce qui conduit inéluctablement au dysfonctionnement des institutions d'un côté et au mépris du citoyen de l'autre.
Ceci explique que la justice ne soit rien d'autre qu'un département, un appareil de l'Exécutif pour gérer autrement les crises du système en l'associant, par ricochet, à sa politique et assurer la gestion sociale. La séparation des pouvoirs n'est qu'une vue de l'esprit, bien que la Constitution de 1996 en fasse état à titre indicatif (non à titre impératif). Ce qu'il y a, par contre, c'est la séparation des tâches et même pas des fonctions, puisque le système repose sur l'unicité politique par l'Alliance présidentielle et le centralisme présidentiel, qui a varié différemment suivant les périodes plus ou moins douloureuses (Conseil national de la Révolution issu du coup d'Etat de 19 juin 1965), Haut Comité d'Etat (HCE) suite à l'interruption du processus électoral du 26 décembre 1991, mais dont le système à régime multiple persiste et perdure à ce jour.
Si on regarde un tant soit peu par le rétroviseur historique, nous relèverons que cette concentration des pouvoirs entre les mains d'un même homme ou d'une même entité, n'est pas le fruit du hasard. En Algérie, elle puise sa source lointaine dans le zaïmisme historique (guide, chef…) emprunté à Messali Hadj, à juste titre, considéré comme le père du nationalisme algérien et aux doctrines de l'époque prévalant dans les pays arabes menées en Egypte par le zaïm Gamal Abdenasser, en Syrie par Hafez Al Assad, en Irak par Sadam Hussein, reprise en Libye par feu El Gueddafi… Durant la guerre de Libération nationale (1954-1962), la référence au centralisme démocratique dominant dans les pays socialistes (URSS, Chine, Cuba…) qui étaient solidaires avec la cause algérienne, n'a pas laissé indifférent le parti-nation de l'époque, le FLN d'avant-garde, de suivre l'exemple en reprenant à son compte le modèle socialiste (OS, CCE, CNRA, GPRA).
L'indépendance du pays retrouvée le 3 juillet 1962, où à notre avis il n'y avait aucun autre choix politique à l'époque à suivre outre l'option socialiste, l'entrée en démocratie était possible, si la tendance à la course et au monopole du pouvoir n'avait pas été prédominante. Ce rendez-vous inattendu entre un peuple et un pouvoir a piégé la démocratie pour rester dans le zaïmisme panarabique et le centralisme démocratique des pays socialistes, pour fonctionner simultanément en se cédant mutuellement la place lorsque l'un appelle l'autre à le substituer.
L'échec de l'ouverture démocratique, suite à la tourmente d'Alger d'octobre 1988 (14 bis) et du pluralisme politique amorcé par la Constitution de 1989, revue et corrigée par la Constitution de 1996, a conduit au régime actuel qui n'est pas un régime semi-présidentiel, contrairement aux avis de certains se disant «constitutionnalistes», mais un régime présidentiel tout court, lorsqu'on sait que le président Bouteflika a déclaré lui-même, lors de sa campagne électorale pour son premier mandat, qu'il ne voulait pas être un quart de président, nous ne croyons pas qu'il accepterait d'être traité de demi-président, ce qui est d'ailleurs notre avis. Le Président est le président sans épithète ni attribut. Nous lui exprimons nos vœux sincères de santé, de rétablissement.
Si nous nous sommes égarés un tant soit peu dans ce tour d'horizon lointain pas toujours heureux du phénomène algérien, c'est pour espérer une approche réelle et objective de la situation actuelle où nous devons sortir de ce double piège institutionnel au repère historique d'avant-guerre et au renvoi à la culture médiévale, comme si les révolutions étaient faites pour faire vivre et revivre le passé et non pas se projeter dans l'avenir et le procès. Ces vicissitudes et ces errements n'ont fait qu'accentuer le sous-développement progressif de l'Etat et la sous-administration évolutive conduisant à une régression féconde de ses institutions, notamment celui de la justice, avec ce danger qui guette celui de la perdition, voire du dépérissement de l'Etat, à l'instar du Printemps arabe qui a secoué l'Egypte, la Tunisie, la Libye, l'Irak dont leur situation est devenue plus sombre et ténébreuse.
Dans cet état des lieux, la justice n'est qu'un corps parmi tant d'autres de l'Exécutif qui, en contrepartie, assure aux magistrats la protection, par un statut, surtout un traitement spécifique, en les alignant par exception aux intouchables de la hiérarchie du pouvoir, suivant le dogme de l'unité dans la pluralité des entités, sous l'épithète de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la justice, qui ne sont que des vues de l'esprit. En effet, ces notions de séparation des pouvoirs et d'indépendance de la justice ont marqué l'histoire de France dans sa révolution de 1789, quand la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen avait été proclamée pour combattre le pouvoir monarchique ou despotique et instaurer un régime républicain et démocratique.
Toujours en voie de formation. Le paradoxe, la France, tout en révolutionnant le monde, surtout les pensées, par ses idéaux nobles de liberté, de démocratie, de droits de l'homme, de justice et autres, un Etat de droit respectant la dignité de l'homme et mettant fin à ses souffrances, s'est engagée dans une aventure meurtrière coloniale, affreuse, abominable et monstrueuse, déniant aux peuples colonisés tout droit à leur personnalité ou à leur individualité.
Ce qui arriva à l'Algérie, par la conquête coloniale à partir de 1830, où l'Exécutif n'était rien d'autre qu'un pouvoir odieux exercé, différent de celui du pouvoir central de la métropole, où effectivement y est consacrée la séparation des pouvoirs entre le législatif, l'exécutif, et le judiciaire où la notion d'indépendance de la justice est prise en considération. C'est l'occasion en ce 8 mai de rappeler les massacres du 8 Mai 1945, la politique du colonialisme du génocide et de la terre brûlée auxquels nous avons consacré plusieurs réflexions et où nous nous sommes associés au premier séminaire de Kherrata, aux côtés du regretté Bachir Boumaza pour donner naissance à la fondation.
Dès les Accords d'Evian de mars 1962, mettant fin à la guerre, le pouvoir colonial s'est effrité de lui-même et a disparu en peu de temps pour laisser place à une Algérie souveraine où, suivant le slogan de l'époque, seul le peuple en est le «héros».Vérité d'hier et utopie d'aujourd'hui, l'Algérie a hérité de ce carcan administratif et de cette structure judiciaire que le peuple non formé n'a pu prendre en main. Il a fallu procéder à des réformes urgentes, celle de la justice en est une en raison du déficit d'encadrement et de la reconduction de la législation antérieure au 31 décembre 1962. De fait, l'option socialiste s'imposait par la réalité de l'époque et l'absence de courants politiques d'opposition, leurs leaders étaient tous contraints à l'exil d'ailleurs, pour le défunt président Mohamed Boudiaf au Maroc, Krim Belkacem en Allemagne, Aït Ahmed Hocine en Suisse. Le pouvoir révolutionnaire de l'époque était préoccupé par le redressement de l'Etat miné en son sein.
Toute une série de réformes de grande envergure étaient menées concomitamment, chamboulant ainsi tout le droit substantiel, notamment celui sur la propriété foncière, la révolution agraire, la gestion socialiste de l'entreprise, la nationalisation des hydrocarbures, des mines, la réforme de l'enseignement… Toutes ont été réalisées suite au coup d'Etat du 19 juin 1965. La plus percutante de ces réformes est celle de la justice de 1966, qui a précédé toutes les autres, remettant en cause le principe de la séparation des pouvoirs et celui de l'indépendance du magistrat qui est tenu de veiller à la sauvegarde des intérêts de la révolution socialiste, d'où toute une série de juridictions d'exception, telles que la cour spéciale des infractions économiques, la cour de sûreté de l'Etat, etc., qui ont disparu.
La particularité de la réforme judiciaire, apportée par l'ordonnance n°66-154 du 8 juin 1966, portant code de procédure civile, est dans les structures de la justice. En effet, en raison du déficit en personnel judiciaire (en quantité et en qualité), la collégialité a été supprimée au niveau des tribunaux pour instaurer le juge unique, mais maintenue au niveau des cours avec cette spécificité de doter la cour d'une chambre administrative spécialisée dans le contentieux administratif et fiscal. Cette même structure est reproduite au niveau de la Cour suprême. L'indépendance de la justice devient donc une énigme verticalement et latéralement. Verticalement, la justice n'est rien d'autre qu'une autorité parmi les deux autres autorités de l'Etat, que sont l'Exécutif et le Législatif confondus dans le même moule.
La justice n'est donc qu'une autorité d'application, d'où le concept : le juge n'obéit qu'à la loi dans son sens le plus large, c'est-à-dire, ordonnances, décrets, règlements, instructions… Pour protéger le magistrat contre l'arbitraire de la hiérarchie administrative de la chancellerie, notamment lorsqu'il s'agit de le sanctionner dans l'indépendance de sa fonction, un Conseil supérieur de la magistrature est créé et est censé être présidé par le chef de l'Etat, mais, dans la pratique, par le ministre de la Justice, et dans la nouvelle réforme par le Premier président de la Cour suprême.
Horizontalement, l'institution de 1966 est loin d'être parfaite. Le tribunal est réparti entre une présidence et des sections et sous-sections qui sont censées être indépendantes les unes des autres, mais en réalité elles ne le sont pas au nom du principe de l'unité de juridiction. Le rôle du président de tribunal est prédominant. C'est lui qui fait la répartition des tâches dans sa juridiction et qui règle les conflits de compétence, de distribution et du rôle.
Cette compétence partagée du magistrat du siège est encore plus accrue au niveau de la cour, où le président de cette dernière est plus un chef hiérarchique qu'un chef de juridiction, puisqu'il est président de la chambre d'accusation, président de la chambre des référés. Et en tant que président de cour, il peut intervenir dans toutes les chambres. Nous avons vécu cette triste réalité lors de notre ancienne carrière de magistrat à la cour de Constantine puis à la cour d'Alger dans les années d'envergure où nous avions tiré la sonnette d'alarme au sujet de l'indépendance de la fonction du magistrat qui subissait des contresens par la prédominance de la présidence de la cour et de la chancellerie et qu'il fallait remédier à ces atteintes.
C'est dans ces conditions qu'en 1972, nous avions contribué courageusement et énergiquement à manifester à l'égard de la chancellerie notre indépendance de la fonction de magistrat dans l'affaire qui opposait un citoyen au ministère de la justice pour la faute du service, où nous avons retenu la responsabilité civile du ministre de la Justice pour donner droit à la demande du justiciable et lui accorder réparation. Nous avons été le rapporteur, mais malheureusement notre nom ne figurait pas dans l'arrêt, puisque sur ordonnance du président de la cour le nom d'un autre conseiller rapporteur s'est substitué au mien, au motif de mon empêchement légal pour le signer.
Cet arrêt est publié et commenté dans la revue de la faculté de droit de Ben Aknoun. Il est donc clair qu'on peut être indépendant comme dans toute profession. Il s'agit d'une question de compétence, de conscience et de confiance en soi, et penser autrement n'est rien d'autre qu'une fourberie pour camoufler ses vices cachés de servitude et autres. La mansuétude est la meilleure assurance pour avoir l'âme tranquille. Si donc l'indépendance est d'abord un trait de la personnalité de la personne humaine, et s'il est un atout, il ne suffit pas à lui seul, quand le magistrat est exposé au danger du besoin, de la précarité et du dénuement, il faut le protéger contre l'état de faiblesse morale et matérielle que nous avons toujours soutenu à son heure par ce postulat, «il faut dévoiler la justice et non dévisager le magistrat», ce qui est dans l'intérêt de l'Etat, de la société et du justiciable pour une cohésion nationale et même sociale. Améliorer le statut du magistrat est donc une nécessité.
Mais améliorer le statut du justiciable et des organes chargés pour le défendre est un besoin. En effet, la réforme, ou plutôt les réformes de 1966 et celles qui suivirent, ont été consacrées à rapprocher la justice du justiciable, l'administration de l'administré, du droit d'accès de l'individu à la justice, de l'assistance judiciaire gratuite, mais tous ces acquis ont disparu avec la réforme récente, source de toutes les incohérences judiciaires, tant il est vrai qu'il n'y pas de droit acquis au maintien du bonheur.
C'est ici l'occasion de rappeler que dans tout le continent africain, l'individu a souffert de l'injustice coloniale et des structures féodales archaïques locales. Une conférence sous l'égide des Nations unies (ONU) lui a été consacrée en
1971 au siège de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) à Addis-Abeba, avec comme thème «L'individu face à la justice en Afrique», où nous avions pris part en tant que membres de la délégation algérienne. La conclusion de ces travaux a été que la justice doit être une exigence en Afrique.
Si tous ces idéaux de justice, d'équité, de progrès et de paix étaient ceux de l'Algérie d'alors, la monopolisation du pouvoir, ou plutôt son hégémonie politique, a conduit le système à son explosion par la révolution d'Octobre 1988, dont le mérite a été d'ouvrir le débat sur les concepts de la démocratie et du pluralisme politique, mais mal compris, qui ont conduit l'Algérie au processus électoral infernal et immature, avorté le 26 décembre 1991, plongeant ainsi l'Etat dans le chaos et le pays dans une guerre larvée atroce, qualifiée de tragédie nationale et de décennie noire, dont les séquelles et conséquence sont encore vivaces et vivants.
Le Conseil constitutionnel s'est abstenu de se prononcer sur le recours en annulation des élections et une autre voie a été préférée, la démission du président Chadli Bendjedid et l'instauration d'un Haut-Comité d'Etat (HCE) qui a ramené de l'exil pour le présider Mohamed Boudiaf, lâchement assassiné. Nous ne lui rendrons jamais assez hommage.
Mais dans tout cela, où est l'indépendance de la justice, puisque le Conseil constitutionnel n'a pas rendu sa sentence ? Pourquoi tant de déni de justice ? Pour Me Ksentini Farouk, président de l'Observatoire des droits de l'homme, le choix des juges par le procureur de la République est contestable (Liberté du 8 novembre 2012). Pour le ministre de la Justice, seul le procureur de la République est apte à donner des informations (Liberté du 27 avril 2013). Le constat est de relever l'impasse mettant en danger le droit à la transparence judiciaire, où le procureur de la République sort de sa mission de défendre l'intérêt général pour devenir une partie au procès.
Ce système ne garantit aucunement l'indépendance de la justice sous influence et l'intérêt du justiciable, puisque le procureur de la République, puissance administrative, se réserve le droit de la justice retenue en classant une affaire, en jugeant lui-même de l'opportunité des poursuites, du droit de faire appel ou cassation aux côtés de la victime qui en a besoin dans de nombreux cas, etc.
L'autre atteinte au droit de l'individu, d'accéder à la justice, se trouve dans les dispositions mêmes de la nouvelle réforme, par exemple des articles 310 et 312 du code de procédure civile donnant au président du tribunal, puis de la cour, la prépondérance de juger, par voie d'ordonnance, à pied de requête non contradictoire à l'égard du défendeur ou de la personne sous-entendue, qu'elle ne précise pas toujours, sur des situations parfois bien sérieuses touchant au fond du litige.
La particularité de ces ordonnances est qu'elles ne peuvent être frappées d'appel que par le demandeur et que les arrêts rendus en la matière ne sont pas susceptibles de pourvoi en cassation. L'autre aspect négatif de la réforme, parmi tant d'autres, est l'extension démesurée du pouvoir d'appréciation sans limite du juge de se détacher de la loi, des demandes et moyens des parties pour puiser la décision hors débats, ce qui est contraire aux disposition de l'article 147 de la Constitution qui précise que le juge n'obéit qu'à la loi. Trop d'errements, de contradictions, d'imperfections, d'incohérences, etc.
sont inscrites dans la réforme, qui stimule l'incertitude de l'issue d'un procès laissée au bon vouloir du ou des magistrats, ce qui a fait dire, peut-être, au juge Hellali que : «la justice lui appartient et il en fait ce qu'il veut» (El Watan du 22 avril 2013), ce qui a provoqué l'incident frontal avec Me Sellini. Les propos échangés, sans commune mesure avec de simples incidents d'audience, ne peuvent laisser indifférents ceux et celles chargés de représenter, de rendre ou de défendre la justice ; c'est à ce titre que nous intervenons par la présente contribution.
En effet, il a été rapporté que l'avocat de la défense, maître Sellini, aurait traité de «juge minable» le magistrat Hellali, président de la section syndicale des magistrats d'Alger, qui lui aurait répondu : «Vous venez faire le fanfaron.» Nous ne pouvons que nous indigner contre ces comportements indécents de part et d'autre, dont les auteurs ont enfreint les règles élémentaires de bienséance, de tenue et de retenue qu'impose une audience sereine ou des assises, puisque c'est d'elles dont il s'agit.
Lorsque l'obligation de délicatesse cède la place à celle de l'indécence, la justice est outrée, et le justiciable frustré. Qui croire, un avocat arrogant ou un juge outrancier, tant il est vrai qu'il en existe dans un corps comme dans l'autre ? Cependant, à chacun sa fonction et son éducation.
L'avocat agit pour le mieux dans l'intérêt de son client. Sa fonction est incidente, car il est amené à poser des questions et demander de lui en donner acte, qui est acte de la fonction. Dans la pratique judiciaire ancienne, le greffier audiencier tenait un registre ad hoc où il enregistrait tous les incidents d'audience, y compris les dont actes. Avec la nouvelle réforme, le greffier est soumis soit à l'autorité du procureur de la République, soit à celle du président, soit les deux à la fois, ce qui n'arrange pas toujours la bonne administration de la justice.
Mis à part ces considérations techniques laissées aux professionnels, rien ne permet au magistrat de s'approprier la justice qui est rendue au nom du peuple algérien, conformément à l'article 141 de la Constitution. En effet, si le magistrat à le monopole de la décision, que personne ne lui conteste au nom du principe de l'indépendance de sa fonction, il n'a cependant pas le monopole du savoir qui est celui de tous les juristes.
La réflexion de Me Sellini faite au magistrat et président d'audience que «la justice ne lui appartient pas» manque, certes, de délicatesse, mais n'a rien d'outrageant, si on la situe dans l'ambiance où les débats ont été menés.
En effet, si le président assure la police d'audience, il ne faut pas que celle-ci se transforme en audience policière pour que plus personne ne bouge, ne parle et que seule la voix du président soit entendue, ce qui est source de nombreux incidents enregistrés ici et là dans l'ensemble des juridictions du pays, à l'exception de la Cour suprême et du Conseil d'Etat où rares sont ceux et celles qui se rendent aux audiences, sachant que c'est pour prendre les décisions qui sont données maintenant par internet. En effet, la justice est rendue au nom du peuple algérien, qui n'abandonne pas sa souveraineté au magistrat, qui n'est pas un élu à l'image du juge new-yorkais dans l'affaire «DSK», ex-directeur du Fonds monétaire international. Le juge algérien est un préposé de l'Etat aux affaires judiciaires bénéficiant d'une protection pour l'indépendance domestique de sa fonction.
La réflexion du magistrat de s'approprier la justice, pour en user comme il veut, est sans aucun doute déplacée, car elle comporte en elle-même la déviation et l'abus contre lesquels l'article 150 de la Constitution met en garde le magistrat, à moins que l'expression du magistrat ne soit pas dans l'intention de nuire, ce que nous pensons être le cas. Dans ce cas comme dans l'autre, la remarque n'est pas correcte, car elle dénote un état d'esprit de certains magistrats, et non des moindres, qui estiment que la réforme de la justice est faite par les magistrats pour les magistrats avec cet état d'esprit de l'ordre supérieur.
C'est certainement contre cet état d'esprit et cette nouvelle mentalité que maître Sellini, touché plus dans son rang de bâtonnier que d'avocat, s'est rebellé pour dénoncer les dégradations, les dérives de la justice et pourquoi pas les dépravations. Quoique la situation n'est pas meilleure dans le fonctionnement du bâtonnat où effectivement le bâtonnier se considère comme une entité à part, à lui seul une entité supérieure aux autres autorités. C'est sur ce point, nous ne partageons pas la conduite de maître Sellini, qui oublie qu'il doit servir l'avocat et non se servir de l'avocat pour des intérêts qui ne sont pas toujours ceux de la profession.
C'est cet aspect de la question qui mérite d'être débattu dans le projet de réforme de la profession d'avocat pour libérer ses structures de l'emprisonnement où elles sont présentement, trop longues pour en débattre ici. En tout état de cause, le constat est amer.
La justice va mal et les palliatifs qu'on lui apporte n' assurent pas sa remise en forme. Seule une réflexion profonde peut conduire à la sauver de cette léthargie où elle se trouve toujours. La remise en cause n'est pas celle de l'avocat ou du magistrat, mais celle de l'institution qui mérite qu'on s'y attarde dans son propre intérêt et pour faire avancer la notion d'Etat de droit.


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