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Les indignés de la place Taksim ébranlent le «modèle turc»

Samedi 1er juin, alors que les stigmates des affrontements de la veille étaient encore visibles dans les rues, les manifestations ont repris avant que les forces de l'ordre ne soient finalement retirées de la place en geste d'apaisement. Dimanche, les manifestants continuaient de défier le gouvernement à Istanbul et Ankara. Des mouvements de solidarité aux manifestants de Taksim ont été observés à Ankara et à Izmir ainsi que dans plusieurs villes de Turquie. Que se passe-t-il donc dans un pays, souvent montré en exemple au moment des «printemps arabes», tant pour sa réussite économique que pour ses transformations politiques récentes ? Le Gezi Parkı, occupé depuis plusieurs jours par un mouvement qui a symboliquement pris le nom «Occupy Taksim», ne présente rien de remarquable en lui-même, même s'il constitue un espace vert dans une métropole qui en compte trop peu.
Le réaménagement de la place Taksim, qui doit conduire à sa disparition, est néanmoins très symptomatique des grands projets urbains entrepris par Recep Tayyip Erdogan, le leader de l'AKP au pouvoir depuis plus de dix ans. Le nouvel Istanbul voulu par ce Premier ministre, qui fut aussi maire de l'ex-capitale ottomane dans les années 1990, doit refléter la réussite d'un pays devenu la 16e économie mondiale, et les transformations sociopolitiques qui ont accompagné les évolutions de la dernière décennie. Lors de sa campagne électorale de 2011, le chef du gouvernement turc a annoncé le creusement d'un canal parallèle au Bosphore pour y alléger le trafic maritime. Un troisième pont enjambera aussi bientôt le célèbre détroit tandis qu'Istanbul sera dotée d'un troisième aéroport.
Des mosquées seront édifiées sur la colline de Taksim et surtout sur celle de Çamlica. Inéluctablement, l'AKP plante donc le décor de sa nouvelle Rome, et ce faisant dépossède une partie des habitants d'Istanbul de leur histoire et de leur repères.
Un peu comme Tahrir au Caire, Taksim est un endroit spatialement stratégique qui, situé entre la Corne d'Or et le Bosphore, donne accès au nouveau quartier des affaires. Il renvoie par excellence au développement post-ottoman de la ville et à ceux des décennies antérieures à l'arrivée de l'AKP au pouvoir. Il voisine enfin avec les secteurs les plus branchés d'Istanbul, peuplés de gens qui ne se reconnaissent ni dans les grands projets du gouvernement ni dans ses conceptions sociopolitiques.
Ce point névralgique est de surcroît un lieu de mémoire important, qui évoque la manifestation du 1er mai 1977, au cours de laquelle une trentaine de personnes périrent, victimes d'un mouvement de panique provoqué par des coups de feu dont l'origine n'a jamais pu être élucidée. Alors que depuis 2010, le cortège de la fête du travail avait été de nouveau symboliquement autorisé, à Taksim, il y a été interdit cette année du fait des travaux en cours, ce qui a provoqué de fortes tensions.
Plus généralement, la répression dont a été victime «Occupy Taksim» s'inscrit dans la liste déjà longue des mouvements que le gouvernement a cherché à éteindre, voire carrément à réprimer, au cours des derniers années. Fin 2009, la privatisation de l'ancien monopole des tabacs et alcool Tekel, avait provoqué un conflit social particulièrement dur, donnant lieu, pendant plus de deux mois, à une occupation du centre d'Ankara par les travailleurs de l'entreprise démantelée.
Par la suite en 2010-2011, les universités turques ont été affectées par des mouvements ponctuels de contestation, visant en particulier les responsables politiques de l'AKP et se traduisant par des jets d'œufs à leur encontre. En octobre 2012, la célébration de la fête nationale, à Ankara, a également été l'occasion de tensions graves, suite à l'interdiction gouvernementale d'un rassemblement sur l'ancienne place du Parlement dans le quartier d'Ulus.
Peu après, en décembre, la visite de Recep Tayyip Erdogan sur le campus de l'Université technique du Moyen-Orient, toujours dans la capitale turque, s'est soldée par un mouvement de protestation étudiante de plusieurs semaines, émaillées d'interventions violentes des forces de l'ordre. Ces événements, souvent perçus comme sporadiques et marginaux, ont néanmoins révélé une incapacité inquiétante du gouvernement à établir avec ses contradicteurs un dialogue que toute société démocratique se doit pourtant de rechercher.
Le mouvement de contestation de la place Taksim ne s'inscrit, certes, pas dans les schémas politiques traditionnels. Il rassemble surtout des activistes d'organisations atypiques (extrême gauche, écologistes…), des militants associatifs, des supporters du club de football de Beşiktaş (dont le stade voisin doit être prochainement lui aussi détruit) et des participants occasionnels exaspérés par un conformisme ambiant qui va de la restriction des ventes d'alcool à l'interdiction de s'embrasser en public.
Les caractères de ce phénomène et ses modes de mobilisation, qui ont largement recouru au téléphone portable et aux réseaux sociaux, rappellent bien sûr les soulèvements arabes de 2011 et les initiatives qui s'en sont inspirés par la suite (Indignados de la Puerta del Sol, Occupy Wall Street…) pour impulser une contestation indépendante, souhaitant exprimer des préoccupations citoyennes que les formations politiques traditionnelles ne seraient plus en mesure d'incarner aujourd'hui. Assistons-nous pour autant au début d'un «printemps turc» ?
Il serait sans doute bien téméraire de l'affirmer en l'état. Toutefois, les émeutes de Taksim croisent un agenda politique turc chargé. Au cours des derniers mois, le gouvernement a multiplié les réformes de société : réagencement contesté du système éducatif au profit des établissements religieux, tentative de réduction du délai légal pour avorter, et très récemment restriction équivoque aux ventes d'alcool. Par ailleurs, malgré l'enlisement au Parlement de l'élaboration d'une nouvelle Constitution, beaucoup d'indices laissent penser que le parti au pouvoir serait finalement tenté de faire passer son propre projet constitutionnel par référendum, ce qui lui permettrait d'instaurer un régime présidentiel, susceptible d'ouvrir la voie à une longue présidence de Recep Tayyip Erdogan.
En dernier lieu, les émeutes de Taksim interviennent au moment où la situation internationale est particulièrement tendue aux frontières de la Turquie, et où l'attentat de Reyhanlı fait craindre une extension de la crise syrienne aux territoires turcs frontaliers, amenant à s'interroger sur des choix diplomatiques que l'AKP n'a cessé de présenter au cours des dernières années de façon tout aussi grandiloquente que ses projets stambouliotes.
En tout état de cause, on peut estimer que les événements de Taksim se soldent déjà par un revers pour le Premier ministre turc, en entamant la posture ombrageuse et de plus en plus intransigeante qu'il avait pris l'habitude d'affecter à l'égard de tout propos ou comportement discordant. En effet, après avoir réitéré sa volonté de ne rien céder en début d'après-midi le 1er juin, Recep Tayyip Erdogan a finalement dû retirer, quelques heures plus tard, les forces de police qui cernaient la place Taksim, cédant à un appel au calme du président de la République, Abdullah Gül, et à des critiques de sa gestion de la crise qui commençaient à fuser jusque dans ses propres rangs.
Cet échec pourrait aussi nuire à ses ambitions présidentielles en confirmant sa propension à générer des situations clivantes et des foyers de tensions de plus en plus difficiles à maîtriser comme le montrent l'expérience des derniers mois et plus encore le subit embrasement des dernières heures. Le leader de l'AKP reste peut-être majoritaire dans le pays, mais il ne peut oublier la diversité des opinions qui s'y expriment et des modes de vie qui y existent…


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