Médias, réseaux sociaux et rue politique tunisiens suivent de près ce qui se passe en Algérie. Les Tunisiens veulent surtout que leurs voisins retiennent certaines leçons de l'expérience tunisienne et évitent le chaos. Depuis le 22 février dernier, le Facebook tunisien vibre déjà au rythme algérien. Le soulèvement démocratique algérien, c'est désormais l'un des sujets phares en Tunisie. L'Algérie, il faut le dire, est toujours très présente en terre tunisienne. Les trois millions d'Algériens venant chaque année en Tunisie ne font, par ailleurs, que renforcer davantage des liens ancestraux entre les deux peuples frères. Les Tunisiens, ayant fait leur révolution en 2011, ne veulent surtout pas que leurs frères algériens refassent certaines erreurs. A l'image de tous les Tunisiens, la militante de la société civile Houda Blel attire l'attention des Algériens sur deux choses : «Il faut, d'une part, éviter le chaos pour éviter le retour en arrière. D'autre part, il faut faire attention aux opportunistes et à l'islam politique. Nos peuples ont des acquis qu'il faut renforcer, non revenir en arrière au nom de concepts rétrogrades», avertit-elle. Les mêmes propos reviennent surtout sur les lèvres des femmes tunisiennes, qui ont dû combattre, et continuent à le faire, contre la montée de l'intégrisme. «Cette peur de la pensée rétrograde est légitime», explique l'universitaire Saloua Charfi. «Nous ne voulons pas que nos frères algériens aient à subir le même sort, puisque l'islam politique est toujours aux aguets», avertit-elle. Un rassemblement de soutien au peuple algérien se tiendra, cet après-midi, devant le théâtre municipal à Tunis, à l'initiative d'ONG locales et d'un cercle d'Algériens installés en Tunisie. Cette manifestation est autorisée après que deux autres manifestations n'aient pas abouti le week-end dernier, faute d'autorisation, selon les autorités ; c'était un refus déguisé, selon les organisateurs. La grande artère de Tunis vibrera donc cet après-midi en soutien au peuple algérien frère. Côté institutions, le secrétaire général adjoint de l'UGTT et porte-parole, Sami Tahri, est revenu sur les manifestations dans la rue algérienne, en saluant, surtout, le civisme dans lequel se déroulent ces réactions populaires contre le 5e mandat de Bouteflika. «Le pays algérien frère dit ”Non” à son modèle de gouvernance et la jeunesse algérienne veut s'assurer un meilleur sort que ce que lui propose le pouvoir», a-t-il déclaré à El Watan. M. Tahri constate que le soulèvement des Algériens «n'a certes pas de programme écrit». Il est clair, poursuit-il, que «les Algériens rejettent le mode actuel de gouvernance de leur pays et demandent un meilleur sort à leurs richesses nationales». Concernant son avis, le porte-parole de la centrale syndicale tunisienne, très impliquée dans la chute de Ben Ali en 2011 et, actuellement, dans la transition, insiste sur le fait que «nous n'avons pas de leçons à donner à nos frères Algériens ; il faut juste éviter le chaos et chercher des solutions viables». Il est à rappeler que le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, s'est prononcé le 25 février dernier, à Genève, sur les manifestations en Algérie. C'était lors d'une conférence de presse organisée après un discours prononcé devant le Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des Nations unies (ONU).