Rencontré à Kigali, au Rwanda, en marge de l'Africa Ceo Forum, Abderrahmane Benhamadi, PDG du groupe Condor, reste l'un des rares industriels algériens à vouloir s'implanter durablement en Afrique dans des pays qui connaissent des taux de croissance parmi les plus élevés du monde et des marchés régionaux qui font preuve de plus en plus de dynamisme et d'attractivité. Le groupe, originaire de Bordj Bou Arréridj, confirme ainsi sa fulgurante ascension et son PDG, nominé pour le prix du «Ceo of the Year», PDG de l'année, l'a raté de très peu mais rendez-vous est déjà pris pour l'année prochaine. Dans cet entretien qu'il a accordé à El Watan, il revient sur la stratégie de son groupe pour le continent africain.
M. Benhamadi, vous êtes l'un des habitués de l'Africa Ceo Forum et parmi les rares industriels algériens à vouloir mettre un pied en Afrique. Quelle importance revêt pour vous le continent africain ? Je pense que l'Afrique commence à bouger et cela fait quand même quelques années que le continent noir s'est réveillé. L'Afrique, c'est l'avenir, et l'avenir c'est aujourd'hui. On voit beaucoup de pays émerger comme le Kenya, l'Ethiopie, le Rwanda et d'autres encore. C'est vrai que d'un point de vue richesses en valeur absolue, on peut considérer que ce sont encore des pays pauvres, mais en termes de croissance, de valorisation des ressources humaines, de management, de qualité de l'école et de l'université, de bonne gouvernance, ils sont très en avance sur nous et ils sont en train d'avancer très rapidement. Et comme à Condor cela fait quelques années déjà que nous avons axé notre stratégie sur l'export, l'Africa Ceo Forum est l'endroit idéal pour rencontrer des opérateurs économiques, des industriels, des transporteurs maritimes, des banquiers, des assureurs et tous ceux qui nous permettent déjà d'avoir une idée des pays avec lesquels nous pouvons travailler. Et ça marche, nous sommes déjà au Sénégal, au Bénin, au Congo, en Mauritanie, au Mali et on continue de s'implanter dans d'autres pays. Vous vous êtes également attaqué au marché français récemment, alors quelle est votre priorité aujourd'hui, l'Afrique ou bien l'Europe ? Nous voulons nous concentrer sur ces marchés que l'on dit faciles, c'est-à-dire régionaux, comme la Tunisie, la Libye, la Mauritanie et bientôt le Maroc avant de descendre vers l'Afrique de l'Ouest car ce sont des pays francophones avec lesquels nous avons les mêmes habitudes de consommation et les mécanismes économiques avant d'aller vers les pays de l'Afrique de l'Est, l'Ouganda, le Kenya, l'Ethiopie ou le Rwanda où nous nous trouvons aujourd'hui. Pratiquement tous les pays présents à ce forum se présentent en force avec de grandes délégations conduites par des présidents ou des ministres. Ne regrettez-vous pas l'absence d'officiels algériens à vos côtés ? Normalement, la stratégie de l'export doit être inscrite comme une priorité au sein du gouvernement mais pour le moment les entreprises algériennes désireuses d'exporter leurs produits se retrouvent seules au contraire des entreprises étrangères qui veulent exporter vers l'Afrique et qui bénéficient du soutien politique, économique et logistique de leurs gouvernements. Vous avez vu hier, comme nous, à quel point nos voisins marocains, pour ne citer que cet exemple là, étaient présents en force. Les nôtres, eux, sont aux abonnés absents. Il y a donc un manque d'accompagnement du gouvernement des entreprises souhaitant se déployer à l'étranger… Absolument ! Il y a un manque d'accompagnement du gouvernement central, il faut le dire. C'est vrai que le chargé d'affaires algérien était avec nous, mais il ne disposait pas, à vrai dire, de grands moyens pour nous accompagner. Il n'avait même pas été informé de notre présence, pourtant nous avions averti le ministère des Affaires étrangères il y a de cela trois semaines de notre présence à Kigali. Quels sont les projets de Condor à l'export ? Nous allons tout d'abord renforcer notre présence sur le sol français, mission que nous avons confiée à notre Deputy Ceo Réda Hamaï ici présent. Pour l'Afrique du Nord, notre objectif est de doubler nos exportations vers la Tunisie et nous allons ouvrir le marché marocain cette année 2019 et renforcer les marchés du Congo et du Sénégal. Sur tous les marchés, nous essayons d'être présents à tous les événements puis de mesurer notre poids en rapport qualité-prix par rapport à la concurrence et aux difficultés du marché. A un moment donné, il faudrait peut-être songer à investir dans des lignes de montage pour éviter les barrières douanières par exemple. Et sur le plan national ? Sur le plan national, il y a beaucoup de projets en cours comme le projet Nardi qui va démarrer incessamment. Nous avons renforcé notre société à Oran pour la fabrication d'emballage en verre et nous allons investir plus de 10 millions de dollars pour la fabrication de câbles de haute tension à Biskra. En un seul mot : Condor bouge.