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Littérature et guerre. Guère en paix
Publié dans El Watan le 28 - 05 - 2010

Comment un auteur fait-il face à la guerre dans son œuvre ? Comment échapper au manichéisme, moteur principal du conflit ? Comment subjuguer l'horreur à échelle industrielle tout en interrogeant les rouages intimes des acteurs, victimes ou bourreaux ? Plusieurs œuvres fortes se sont essayées à ce challenge, évoquant la guerre de Libération ou les dernières violences des années 1990. Qu'en pensent leurs auteurs ?
Anouar Benmalek. Auteur du Rapt : « La guerre de Libération était indispensable, mais les crimes commis en son nom ne l'étaient pas »
Nous appartenons à une sphère culturelle et religieuse qui, historiquement, magnifie le « puissant » et méprise le « faible ». Le faible n'a que le droit pour lui, tandis que le puissant est réputé jouir de tous les droits, dès lors qu'il possède les attributs de sa volonté de puissance : sa seule et suffisante légitimité réside dans sa capacité de violence à l'égard de ceux qu'il a soumis ou entend soumettre. Peu importe les moyens brutaux, immoraux ou cruels qui lui ont permis d'accéder à sa position de puissance : celui qui veut se hisser au sommet sait que, dans nos pays, si on gagne, alors on est paré de toutes les vertus.
La force sans mesure, sans limitation par un quelconque contrat politique, tient lieu de règle de fonctionnement de nos communautés et, même, au fond, de morale. J'appellerais cela le syndrome Saddam Hussein, si répandu dans nos contrées… Cette morale de la jungle où l'on n'hésite pas à se débarrasser de ses compagnons-adversaires (au besoin en les assassinant) a été trop souvent la règle dans les rangs des dirigeants algériens (ou aspirant à l'être), que ce soit durant le conflit contre la puissance coloniale pour l'indépendance du pays ou dans la période qui a suivi le 5 juillet 1962, quand on a assisté au déchaînement des appétits de pouvoir et de prédation des anciens libérateurs, civils et militaires, oublieux du jour au lendemain de la promesse faite aux martyrs de toujours de s'incliner en dernier ressort devant la volonté du peuple algérien, peuple que les uns et les autres se targuaient si orgueilleusement d'avoir libéré.
On oublie
Ce vieux tropisme d'admiration sidéré pour la force subvertit en profondeur notre inconscient social. Il affecte encore lourdement le regard de l'intellectuel de nos régions, même autoproclamé « démocrate », quand il lui vient à l'idée de participer aux débats (ou, plutôt, ce qui en tient lieu chez nous : les échanges d'insultes ordurières…) autour de notre histoire en général et, en particulier, d'une de ses pointes extrêmes : la guerre de Libération. L'exemple du « débat » autour d'Amirouche en est une illustration frappante. Ce qui me frappe dans ces « échanges » est le mépris absolu dans lequel sont tenues les victimes de la « bleuïte » : on oublie, de manière épouvantablement « facile », qu'il s'agit de lycéens et d'étudiants algériens pleins d'idéal, montés au maquis à l'appel du FLN et torturés et assassinés par ce même FLN.
Je précise bien : FLN et non pas seulement Amirouche, car le FLN n'ayant jamais condamné les crimes de guerre d'Amirouche et de ses adjoints contre ces jeunes gens, il les a de facto cautionnés et repris à son compte ! J'ai lu et entendu bien des justifications plus ou moins embarrassées sur le comportement sanguinaire du chef de la Wilaya III, du type : c'était la guerre, on n'avait pas le temps de finasser, de discerner entre les traîtres et les innocents, toute guerre entraîne des dégâts « collatéraux », la balance entre les faits d'armes d'Amirouche et ses crimes penche du côté positif, on doit pardonner l'impardonnable aux héros parce que le pays a besoin de héros, la fin veut les moyens, etc.
Animaux nuisibles
Je soutiens, quant à moi, que la guerre de Libération était indispensable, mais que les crimes commis en son nom ne l'étaient pas. Si ceux-ci ne sont pas reconnus comme tels, alors ils imprégneront pendant longtemps la substance du présent et du futur du pays et les tueries de Bentalha et de Raïs continueront de tirer une partie de leurs monstrueuses justifications de leurs homologues des années cinquante. Ce même mépris pour les victimes des purges sanglantes, je l'ai rencontré lors de la préparation de mon roman Le Rapt portant sur le massacre de Mellouza : j'ai eu l'impression insupportable que les malheureux habitants du village de Beni Ilemane tués sur ordre du colonel Mohammedi Saïd n'étaient que des animaux nuisibles, de l'espèce du rat ou du serpent venimeux, tant personne ne semble éprouver ou, du moins, exprimer le moindre remords ni envers eux ni envers leurs descendants. Je ne parle évidemment pas du FLN officiel, puisque celui-ci, jusqu'à présent, ne tarit pas d'éloges sur son colonel meurtrier ; je parle du reste du pays, des journalistes, des intellectuels, des hommes de religion…
Les puissants comme Amirouche et Mohammedi Saïd m'indiffèrent totalement, il s'en trouvera toujours quelqu'un pour s'affranchir à bon compte du principe du caractère sacré de la vie humaine et défendre l'indéfendable. Seul m'intéresse le destin des gens ordinaires, à quelque côté qu'ils appartiennent, pris dans les rets funestes de la grande Histoire. Mettre ces inconnus sous la lumière de la mémoire collective et leur restituer cette dignité d'être humain qui leur a souvent été refusée lors de leur mise à mort, telle a été l'ambition (insensée, probablement) qui m'a guidé pendant l'écriture du Rapt, et de manière générale, de mes autres romans. Nous ne disposons pas de portraits individuels des martyrs de la « bleuïte » et de Mellouza. Pourquoi, selon vous ? Serait-ce que nous ne saurions supporter leur regard de reproche ?
Traduit en dix langues, plusieurs fois primé, Anouar Benmalek est l'auteur, entre autres, des Amants désunis (1998) et de L'Enfant du peuple ancien (2002), ou encore Ô Maria (2006). Le Rapt est sorti chez Fayard en 2009. Ancien professeur à l'université des sciences et de la technologie (USTHB) d'Alger, il fut secrétaire général du Comité algérien contre la torture (CACT) de 1989 à 1991. Il sera présent au Festival culturel international du livre et de la littérature jeunesse d'Alger jusqu'au mardi 3 juin.
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Laurent Mauvignier. Auteur Des hommes : « Ne pas montrer les bons et les mauvais, mais mettre des hommes en situation »
Ce qui m'a intéressé, ce n'est donc pas de faire un roman sur la guerre d'Algérie en montrant les bons et les mauvais, c'est de mettre des hommes en situation. Montrer les relations de cause à effet entre ce qu'ils ont vécu pendant la guerre et ce qui arrive quarante ans après, quand le roman s'ouvre dans le petit village. Et aussi ce passage quand ils arrivent dans une guerre qui a déjà commencé. La question de la causalité entre les Algériens qui attaquent et les Français qui répondent violemment est insoluble. Il ne fallait pas que je fasse croire que les Algériens étaient violents d'emblée et que les Français le devenaient en réaction.
Laurent Mauvignier est né à Tours en 1967. Diplômé des Beaux-Arts en arts plastiques (1991). Il a publié plusieurs romans aux Editions de Minuit : Loin d'eux (1999), Apprendre à finir (2000), Ceux d'à côté (2002), Seuls (2004), Dans la foule (2006), Des hommes (2009, réédité en 2010 chez Barzakh), et un dialogue, Le Lien (2005).
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Ali Malek. Auteur de Une année sans guerre : « Il est suspect d'écrire sur la guerre en s'efforçant de rester neutre »
La difficulté dont vous parlez est certaine. Mais faut-il chercher à tout prix à l'éviter ? Il m'apparaît même suspect de parvenir à écrire sur la guerre, quelle qu'elle soit, en s'efforçant de demeurer neutre, absolument neutre. Cela peut avoir l'air louable, mais ce n'est qu'une apparence. Je ne vois pas l'intérêt de réussir à rendre par une fiction, par exemple, la guerre israélo-palestinienne, et de traiter sur un pied d'égalité les soldats d'une armée d'occupation dont la motivation est de brimer, de parquer, en un mot, d'écraser l'autre, et les « terroristes » palestiniens qui combattent pour la survie de leur peuple. Ou encore de rejeter dos à dos l'armée américaine en Irak qui a envahi ce pays s'efforce d'en soumettre les habitants et les insurgés irakiens, auxquels la guerre a été imposée et qui risquent leur vie pour défendre leur liberté. Serait-ce une prouesse d'écrire sur ces conflits en gardant un maximum de distance avec les uns et les autres ? Ce ne serait pas non plus louable de tomber dans l'excès inverse, c'est-à-dire d'accabler par tous les moyens une partie des forces en guerre. Il faut faire la part des choses et, à mon avis, pour peu d'être de bonne foi, ce n'est pas excessivement difficile.
Hiérarchiser les souffrances
S'efforcer d'être objectif en écrivant sur une guerre, ce n'est pas forcément se garder d'être de parti pris. Il y a des conflits, comme ceux que nous venons d'évoquer où cette attitude est éminemment suspecte. Il n'y a rien d'objectif dans une relation des faits où le bourreau et la victime sont regardés de la même façon. Etre objectif, c'est rendre la réalité de telle façon que le statut de l'un comme de l'autre devienne plus évident pour le lecteur. Je conçois bien que les GI en Irak soient malheureux et que eux aussi, d'une certaine façon, sont des victimes, mais la dure réalité du monde oblige à hiérarchiser les souffrances. Peut-on comparer la fillette, qui crève sous les décombres d'une maison qui a été prise pour cible par un missile lancé d'un hélicoptère, au pilote de ce même hélicoptère qui n'a certes pas passé le réveillon avec sa copine, mais qui va, une fois rentré à sa base, se vanter devant ses camarades de la justesse de son tir ? Il n'y a pas de difficulté véritable à écrire sur la guerre sans la « manichéiser ». Produire une histoire qui évite, comme vous le dites, « les polémiques de l'histoire », ne doit pas être l'objectif d'un auteur.
| Ali Malek est né en 1968 en Kabylie. Avant Une année sans guerre (2009), il a publié aux éditions Barzakh plusieurs textes dont Les chemins qui remontent (2003) et Le Chien de Titanic (2006). Souhaitant rester dans l'anonymat (Ali Malek est un pseudonyme), nous n'avons pas pu faire son portrait. |


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