Si l'un des auteurs est artiste peintre et le second est médecin anesthésiste-réanimateur, il n'en demeure pas moins qu'ils ont la même passion pour l'écriture. Ces deux auteurs, Mustapha Nedjai et Mahmoud Aroua, à la plume élégante, se sont retrouvés le temps d'une rencontre littéraire croisée, samedi après-midi, au niveau de la librairie Point Virgule de Chéraga – dont l'organisatrice n'est autre que Dalila Nedjem, directrice des éditions privées Dalimen – pour parler de leur tout dernier ouvrage, sorti lors du 24e Salon international du livre d'Alger. Cette rencontre littéraire a été étrennée par le plasticien Mustapha Nedjai, lequel a signé, aux éditions Dalimen, un quatrième ouvrage éclairé de 244 pages, ayant pour titre Art ou pas Art, La transgression frivole… L'auteur prévient l'assistance que bien qu'ayant écrit trois livres auparavant, il ne considère pas du tout comme écrivain. «Tous mes livres sont des coups de cœur et des découvertes. Je ne suis pas un écrivain de vocation. Il y a des choses qui sortent comme ça.» Le plasticien Mustapha Nedjai revient sur la jaquette de son livre, représentant deux sculptures, rehaussées d'une installation. Il confie que le premier né sculpture filiforme de droite d'environ 65 m de hauteur -représentant une maman africaine- a été achetée auprès d'un artiste africain lors de la tenue du 2e Panaf en juillet 2009 au palais de la culture Moufdi Zakaria à Alger. Avant d'emballer la sculpture en question, l'acquéreur de cette nouvelle pièce demande à l'artiste où était sa signature sur l'œuvre. «Un ami qui m'accompagnait, se rappelle-t-il, avait posé la même question que moi mais silence absolu. A un certain moment, j'ai changé de discussion. Je me suis rappelé des cours africains, cet artiste qui a fait cette petite merveille ne voyait pas la nécessité de la signer ni de la considérer comme une œuvre d'art. Dans son livre d'ailleurs Art ou pas Art, la transgression frivole…, à la page 23, Mustapha Nedjai explique que cette anecdote, pleine de cette sagesse africaine dont j'aurais voulu être plus imprégné, m'a remis les idées en place. Elle m'a permis de voir les choses autrement et à considérer cette rencontre comme une magistrale leçon de vie de d'humilité. L'art Africain s'inscrit dans cette tradition séculaire : créer fait partie de la vie, au quotidien, sans nul besoin de s'affirmer et qui plus est, l'objet est plus accessible à la majorité, ce qui est complètement contraire au marché de l'art en général.» La jaquette comporte également une deuxième sculpture, similaire à la première mais signée par un grand sculpteur international. Il s'est permis, également, de mettre l'urinoir de l'artiste français Marcel Duchamp, datant de l'époque du Dadaïsme. Cette œuvre-décrétée, par Mustapha Nedjai comme une œuvre d'art sublissime – avait été déposée dans une galerie d'art. Notre interlocuteur soutient qu'il ne peut pas aller contre l'art contemporain car il se considère comme artiste contemporain. Par contre, dans son livre, il parle de toutes les dérives de l'art contemporain de ces dernières années. Il confie avec beaucoup de nostalgie que dans les années 80', il était étudiant à la faculté des Beaux-Arts en Espagne. Il se rendait souvent à la foire internationale d'art contemporain de l'ARCO. «A cette époque, il y avait des merveilles. Vingt ou trente ans après, quand on va à l'Arco ou à la Foire internationale d'art contemporain d'art contemporain (FIAC), c'est le vide sidéral. Il y a des choses spectaculaires mais vides de sens», dit-il. Mustapha Nedjai précise que son livre s'ouvre sur cette anecdote avec un artiste africain anonyme et se referme sur le défunt sculpteur sénégalais Osmane Sow, lequel a été découvert au Sénégal, à l'âge de 50 ans, par des étrangers. Mais une fois son travail dévoilé eu Europe, «il a fait le boom total parce que c'était un artiste professionnel», ajoute-t-il. Mustapha Nedjai ne pouvait pas faire l'impasse dans son livre sur son escale heureuse au niveau de l'Ecole des beaux-arts d'Alger. Une école qui prodiguait à l'époque un enseignement de qualité, émanant d'illustres maîtres en la matière. Dans son livre, Mustapha Nedjai aborde plusieurs volets, dont celui du ministère de la Culture, et de la politique culturelle en Algérie, sans omettre de rendre un hommage au penseur algérien Malek Bennabi. Mustapha Nedjai a même consacré un chapitre sur le nihilisme DZ. «J'essaye de comprendre cette léthargie profonde à laquelle est soumise notre société, une léthargie qui fait de toute forme d'intelligence, toute idée moderniste et toute propension progressiste sont perçues comme agression et menace contre les valeurs établies, c'est ce j'appelle le nihilisme Dz.» Prenant la parole à son tour, le médecin anesthésiste-réanimateur Mahmoud Aroua avoue que dans le livre Sentiments sous anesthésie, il y a un peu de lui. Il s'agit d'une histoire sentimentale entre un jeune médecin Hakim et une jeune fille énigmatique Nadine qui se déroule dans un milieu hospitalier. Ce médecin affecté dans cet hôpital de banlieue va essayer de découvrir le secret que cache sa dulcinée Nadine. La narration n'est pas construite sous un fond romantique mais sur un fond de réflexion sur la vie et la mort. La souffrance et les relations humaines. Mahmoud Aroua rappelle qu'il a travaillé pendant plus d'une dizaine d'années dans le milieu hospitalier. Quand il a arrêté l'anesthésie, il s'est orienté vers le secteur privé où il faisait uniquement de la médecine générale. «J'ai donc quitté tout ce qui était stress. Je dois reconnaître que c'était une période très importante de ma vie, tout ce qu'on a vécu durant ces moments durs. Cette spécialité est la plus stressante des spécialités. On est toujours confrontés à la mort, à la souffrance, même s'il y a un peu d'espoir.» Mahmoud Aroua a ainsi voulu raconter tous les sentiments qu'il avait ressentis durant cette période dans laquelle il exerçait à l'hôpital, et ce, à travers une trame romantique. Si son livre Sentiments sous anesthésie se veut un hommage à sa profession, Mahmoud Aroua note fièrement qu'il compte à son actif une dizaine de livres depuis 2009, consacrés à la médecine, à la poésie, aux nouvelles et au roman.