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La frilosité des pouvoirs publics
Écoles privées
Publié dans El Watan le 03 - 04 - 2005

La gestion d'un établissement scolaire peut-elle être confiée à une personne de statut privé ? Véritable tabou du temps du parti unique, cela valait à son auteur l'excommunication des rangs des patriotes, cette question a enfin trouvé réponse.
Après moult tergiversations, le pouvoir politique algérien a décidé de légaliser les izaines 'établissements « privés », confinés depuis plus de dix ans dans la clandestinité. Le décret exécutif n°04-90 promulgué le 24 mars 2004 était censé mettre un terme aux inquiétudes des parents qui ont choisi ce type de scolarisation. L'annonce de la nouvelle avait rendu le sourire et éloigné le spectre de la fermeture. C'était il y a de cela un an, jour pour jour. Mais que reste-t-il de cette joie ? Elle aura été de courte durée, puisque depuis septembre 2004, la colère et la crainte mêlées sont revenues au-devant de la scène. La remise aux responsables d'écoles « privées » du cahier des charges par le ministère de l'Education nationale a servi de détonateur. Or, à vouloir porter à ce document l'entière responsabilité de leurs désillusions ne se trompent-ils pas de cible ? Ce texte réglementaire (le cahier des charges) tire son contenu d'un texte matrice (le décret) qui indique l'orientation et le cadre juridique. Pour situer l'origine du conflit entre certains promoteurs - pas tous - et le ministère de l'Education nationale, l'observateur avisé avance deux cas de figure. Soit le cahier des charges est non-conforme au décret 04-90, lequel est ainsi supposé pertinent et accepté ; soit il épouse, à la virgule près, ses dispositions (du décret). Dans ce cas, c'est le décret qui pose problème et non le cahier des charges. Qu'en est-il au juste ? A l'évidence, l'analyse des positions des deux protagonistes aboutit à une seule conclusion ; il y a une belle unanimité entre eux. Elle s'explique par leur ignorance partagée d'un concept - l'école dite privée - né sous d'autres cieux. Une lecture critique du décret 04-90 permet de débusquer cette ignorance.
La Logique commerciale
L'article 3 stipule que le fondateur est soumis à une inscription au registre du commerce. Doit-on forcément assimiler une entreprise éducative à une affaire commerciale ? Ce qui revient à la soumettre aux lois du marché libéral, et en fin de compte, à l'offrir aux lobbies financiers. Et quand on connaît la nature et les motivations bassement mercantiles de ces derniers, il y a lieu de s'inquiéter. Existe-il en Algérie un éducateur qui peut se targuer d'avoir une fortune à même de lui permettre de monter un tel projet ? Aucun. A moins qu'il ne s'associe avec « un gros argentier » et ainsi prendre le risque de répudier l'élément-clé de son métier : la probité et le refus du mercantilisme. L'investisseur n'a que faire des considérations d'ordre éthique ou pédagogique. Il acceptera d'enseigner en swahili s'il le faut et d'adopter des programmes indigestes, pourvu que son compte bancaire frémisse à chaque fin de mois. Les contrôles et les impôts ne lui font pas peur. Sa pratique de la chose l'ayant formé à ce genre d'épreuve. Cet état d'esprit fait des ravages dans d'autres secteurs de l'économie nationale et cet article 3 vient l'alimenter. Dans les pays qui ont initié ce mode de prestations scolaires, des précautions ont été prises. Pas question de permettre à des investisseurs de jouer la musique de l'offre et de la demande et de vouloir à tout prix maximaliser les profits en minimisant les coûts. Il y a chez leur législateur un double souci : empêcher l'apparition de grosses différences de qualité et éloigner le risque de déséquilibre dans l'équité et la responsabilité sociale. Les initiateurs de ce concept d'école dite « privée » refusent de considérer l'éducation des enfants en tant que produit commercial jeté dans l'arène de la concurrence (souvent déloyale). D'une manière directe ou indirecte, l'Etat y intervient pour encourager les professionnels du secteur de l'éducation à investir ce créneau. Deux objectifs sont atteints de la sorte : alléger la charge du budget de l'Etat et satisfaire la demande sociale d'une certaine catégorie de parents. Les exemples ne manquent pas à travers le monde où tout un chacun trouve son compte ; l'Etat, les parents et les promoteurs (des professionnels du secteur et non les chasseurs d'affaires juteuses). Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas nous inspirer de ces expériences ? Une simple mission dans ces pays pionniers suffira à éclairer et nos décideurs et l'opinion publique algérienne sur les tenants et les aboutissants de ce nouveau concept importé.
La motivation des parents
Dans le monde entier, les parents affichent des motivations quasi identiques en optant pour ce type d'établissements scolaires. Et les Algériens ne sauraient s'inscrire en porte-à-faux : nul besoin d'un sondage pour connaître la réalité du terrain. Qu'il soit Américain, Français, Algérien ou Marocain, le parent d'élève inscrit au hit-parade de son choix les mêmes raisons. Nous citerons, entre autres, la compétence et la disponibilité des enseignants, la garantie d'une meilleure réussite de son enfant, la bonne tenue et la discipline qui règnent, les classes peu chargées et l'innovation pédagogique que permet une gestion souple et humanisée. Il est bien vrai qu'en Algérie, à ces raisons viennent s'ajouter d'autres liées au contexte sociopolitique dans lequel baigne notre système éducatif. Peut-on les blâmer d'avoir pris une si lourde responsabilité en fuyant l'école publique ? Les pionniers ont toujours une longueur d'avance. Voilà que les griefs retenus contre l'institution scolaire depuis 1981 commencent à être pris en considération par le pouvoir politique. Le rapport final de la commission nationale de la réforme du système éducatif - bien que timide sur certains points - annonce sur le papier une rupture avec des pratiques antipédagogiques. Les parents restent toujours méfiants malgré la teneur moderniste du rapport. Ils n'ont pas tort : aux premières décisions opérationnelles - annoncées au compte-gouttes - la précipitation semble primer dans la mise en œuvre de cette réforme. Tout comme la génération des nouveaux programmes et des nouveaux manuels, ce décret 04-90 s'inscrit dans ce registre.
Le rôle de l'Etat
Dans tous les pays où l'école dite privée est officialisée, l'Etat est présent - non pas seulement pour contrôler, mais d'abord pour la soutenir. L'éducation y est considérée en tant que bien (produit) sensible et précieux pour la laisser à la merci des lois du marché. L'Etat n'est-il pas le garant de l'intérêt commun et de l'équité ? Sa force et sa légitimité, il les tient aussi de sa volonté à refuser toute ségrégation scolaire ; opposer l'école publique à l'école privée par exemple. L'une de ses préoccupations majeures consistera à réguler les soutiens à leur fournir, de façon à les rendre complémentaires et porteuses, toutes deux, de qualité. Il reste que l'Etat est tenu de veiller au bon usage des soutiens qu'il apporte aux promoteurs. Chose facile à réaliser quand il s'agit d'un Etat soucieux du respect de ses contribuables... les seuls pourvoyeurs de fonds. Parmi les modèles étrangers, celui adopté par la France est des plus séduisants. Ce type d'établissement dénommé « école associée » active sous le parapluie de la loi Debré de 1959. La rémunération de leurs enseignants, ainsi que les trois quarts des dépenses d'enseignement sont à la charge de l'Etat français. En contrepartie, ces établissements sont tenus de dispenser les programmes officiels afin de préparer les élèves aux examens nationaux. Ce modèle se résume par une formule significative : il sagit d'un enseignement public dispensé dans un établissement privé. Toutefois, à la différence de leurs collègues algériens, les parents français ne dénoncent pas les prestations de service de l'école publique au point de la fuir. D'ailleurs, au palmarès des résultats - brevet et baccalauréat - le public et les « écoles associées » sont pratiquement au coude à coude. La différence se situe dans les méthodes de gestion multiforme (pédagogique, matérielle et organisationnelle). Dans le « privé », la lourdeur de la hiérarchie administrative n'existe pas. La liberté de manœuvre accordée à l'équipe éducative ouvre la voie à l'innovation pédagogique. Dans un tel climat de travail, l'enseignant se motive et donne libre cours à son génie créateur. L'évaluation des performances de ces écoles associées est stricte et sévère : les parents veillent au grain. Inexistants, les postes de responsabilité à vie pour gérer la médiocrité ! Aux USA, la mode est aux « charter schools » imités en cela par les « city academies » anglaises. A la différence du modèle français, l'américano-anglais bénéficie de moins de soutien. En Amérique, l'Etat alloue des subventions aux charter schools sur la base du nombre d'élèves inscrits. La plupart de ces établissements sont créés par des éducateurs, des parents ou des entrepreneurs de l'éducation. Certains - 10% du total - ont clairement affiché des objectifs lucratifs. Cet état d'esprit mercantile déplaît aux autorités. D'où les obstacles dressés sciemment par la loi. Les charter schools sont dans l'obligation d'acheter les bâtiments que leur procure en grande partie l'Etat. Les coûts de démarrage et d'investissement finissent par devenir dissuasifs, ce qui amène les promoteurs à rogner sur les dépenses afin d'engranger des bénéfices. C'est ainsi que des enseignements spécialisés et des activités extrascolaires - ô combien importantes pour l'épanouissement des élèves - sont rayés de leur organisation pédagogique. Les enseignants recrutés ne figurent pas parmi les plus recherchés du marché - ces deniers étant trop chers et les effectifs de personnel réduits au strict minimum. Pour la seule année scolaire 2001/2002, pas moins de quarante « charter schools » ont mis la clé sous le paillasson - soit 2,5% du total. A l'évidence, l'appât du gain qui anime cette minorité de promoteurs n'a pas empêché l'Etat américain à mettre la main à la poche. Cette aide est dictée par l'obligation qui lui est faite de respecter un principe universel, celui de la gratuité de la scolarité de base. Qu'il soit inscrit dans une école publique ou dans une école dite privée, tout enfant ouvre droit à cette gratuité. A ce niveau, le décret algérien 04/90 ne souffle mot sur l'engagement de l'Etat à assurer cette gratuité, pourtant reconnue par notre Constitution.
Du contrôle à la langue
Outre ces deux points négatifs - logique commerciale et non-respect de la gratuité de la scolarité de base - ce décret véhicule un autre risque de dérive. Dans son article 33, il stipule que « l'établissement privé est soumis aux contrôles pédagogiques et administratifs exercés par le personnel d'inspection relevant du ministère de l'Education nationale ». Sans vouloir réduire le rôle de l'autorité publique, une telle disposition aurait plus de poids si cette commission de contrôle venait à s'ouvrir sur les représentants de ces établissements dit « privés ». Manière élégante de les mettre en confiance, de les responsabiliser et de les amener à s'organiser en conséquence. Pourquoi le décret ne fait-il pas mention de la mise en place d'un conseil d'administration comme c'est le cas dans les établissements publics ? Cette structure veillera à la bonne utilisation des fond, et s'assurera de la bonne gestion de l'école. De par sa composante et son fonctionnement démocratique, ce conseil constituera un espace de dialogue et de consultation. Mieux, l'Etat pourra ainsi anticiper les problèmes, désamorcer les conflits et lever les incompréhensions. Et ce sont là de nobles objectifs vers lesquels tend toute pédagogie du contrôle et de l'inspection. Autre sujet de friction : l'usage du français a pris une ampleur telle qu'il a occulté les points noirs du décret. Voilà un faux débat qui enfonce davantage les autorités du pays dans le bourbier d'un dysfonctionnement majeur (du système éducatif) assumé officiellement - et sans état d'âme - depuis le début des années 1980. Si le MEN a raison de s'inquiéter sur la maîtrise de la langue arabe des élèves des écoles dites « privées », il n'en demeure pas moins que des questions cruciales s'imposent. En quoi l'enseignement des matières scientifiques en langue française gênerait-il la langue arabe ? Le rêve partagé par les éducateurs (enseignants, parents et autorités) ne s'arrime-t-il pas au double usage par les élèves algériens des idiomes de Taha Hussein et de Victor Hugo dans la manipulation des chiffres et des équations. Quelques écoles dites « privées » réussissent cet exploit au quotidien au grand bonheur des élèves et de leurs parents. Nous les avons visitées. Qu'est-ce qui a empêché les autorités compétentes d'évaluer les conséquences néfastes de la coupure entre le système scolaire et l'université dans l'enseignement des matières scientifiques ? Le triste spectacle de nos étudiants déroutés par le changement brutal de langue n'a que trop duré. A juste titre, le rapport final de la Commission nationale de réforme du système éducatif recommande l'usage du français à partir du secondaire pour l'enseignement des matières scientifiques. Dans sa quête de performance, un système éducatif doit cultiver la cohérence interne. L'utilisation de la même langue d'enseignement de la maternelle à l'université s'inscrit dans ce sens. Autant arabiser « ces matières à problèmes » au niveau de l'université ou bien les franciser dès la maternelle : question de bon sens. Pas plus. Quant à garantir la maîtrise de la langue arabe par nos enfants, il existe une solution : imposer une note éliminatoire dans l'épreuve d'arabe au brevet et au baccalauréat. Les carences du décret 04-90 nous renseignent sur la frilosité du pouvoir politique face à tout changement dans la sphère idéologique - fut-il positif pour l'avenir du pays. Façonné par Internet et relayé par les universités virtuelles, les didacticiels et les bibliothèques informatisées, le village planétaire va contraindre le système éducatif algérien à se libérer des chaînes mutilantes de l'idéologie - et quelle idéologie ! - et laisser ses usagers respirer l'oxygène de la liberté de création. Le statu quo tel qu'entretenu par des directeurs de conscience autoproclamés relève du combat d'arrière-garde. Il a déjà coûté cher à la nation. A coup sûr, le débat sur l'école s'insère dans la problématique du basculement de la société (et de la classe politique) de l'unicité de pensée à la pratique de la démocratie et de la modernité. Mais au fait, y a-t-il eu débat sur les dossiers de la réforme ?
(*) L'auteur est Pédagogue


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