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Gestion de la phase d'urgence liée aux doubles chocs sanitaire et pétrolier : La planche à billets incontournable
Publié dans El Watan le 13 - 04 - 2020

Un budget sain et bien géré est important pour tout pays. Telle était l'orthodoxie budgétaire avant la crise du coronavirus. Dans tous les pays du monde, la politique budgétaire occupe de nos jours une place prépondérante dans la gestion macroéconomique. À l'exception de quelques pays à surplus (Allemagne, Islande, Singapour, Norvège) les déficits budgétaires sont la norme.
Mais ce qui est important c'est le niveau du déficit. L'orthodoxie en la matière jusqu'à l'émergence de la crise sanitaire au début de 2020 est que les déficits très importants (au-dessus de 3%) sont néfastes à la croissance car l'Etat va orienter des ressources rares vers le financement de la consommation passée. Il était impératif de choisir des options de financement qui cadrent avec la nécessité de concilier les impératifs de croissance avec la nécessité d'assurer la viabilité des finances publiques et des comptes extérieurs.
Ces options de financement qui ont chacune des risques macroéconomiques et de gestion sont les suivantes :(i)emprunts auprès des banques centrales (si les statuts de cette dernière le permettent) avec risque d'inflation) ou auprès des banques commerciales (ce qui pourrait créer un effet d'éviction des investisseurs) ; (ii)mobiliser des ressources non bancaires (émission du papier Etat ou bons du Trésor), ce qui implique un marché primaire et secondaire bien rodés pour absorber le papier mis en circulation, une coordination parfaite avec la direction de la dette et surtout une courbe des intérêts afin de rémunérer adéquatement le papier et assurer son placement ; (iii) empruntsextérieurs (projets et appuis budgétaires) qui exige, toutefois, des préalables, au minimum une visibilité économique à moyen terme du pays pour attirer les investisseurs et la production de données macroéconomiques à échéance régulière pour suivre les développements économiques et financiers du pays ; et (iv) un recours à des voies exceptionnelles qui comprennent soit le rééchelonnement de dettes (ce qui ne se produit pas de façon régulière) soit une accumulation d'arriérés de paiements domestiques et/ou extérieurs, une voie de financement qui entame la signature de l'Etat et paralyse les rouages économiques. D'où la nécessité d'opter pour des structures de financement adéquates qui concilient croissance et finances publiques saines.
Les finances publiques du pays dans la période précédant la crise du coronavirus n'étaient pas saines
Dans notre pays, le rôle de la politique budgétaire comme levier macroéconomique s'est renforcé au fil des années notamment depuis les reformes des années 1990s. La politique budgétaire joue le rôle de mécanisme d'épargne associée aux niveaux des prix mondiaux du brut au-delà d'une certaine limite définie par les autorités, d'outil de redistribution de la rente pétrolière par le biais de subventions importantes couvrant une variété de produits de consommation (avec un ciblage inapproprié d'ailleurs) et de levier de relance et de soutien de l'activité économique par le biais de la dépenses publique.
Donc, la position budgétaire du pays (solde entre les recettes publiques et les dépenses publiques) n'est pas un simple problème technique mais un élément d'importance capitale pour la population et de sa prospérité et bien être. Le choc pétrolier de 2014 a fait ressortir les faiblesses de nos finances publiques, notamment (i) leur viabilité compte tenu de la durée de vie des ressources pétrolières et du besoin de consolidation budgétaire ; (ii) la faiblesse des recettes fiscales ; (iii) le poids de certaines dépenses courantes ; (iv) l'inefficience des dépenses en capital ; et (v) la structure inadéquate de financement du déficit budgétaire. En effet, pour ce qui concerne ce dernier point, elle n'est pas viable et ne répond à aucune stratégie de soutien à la croissance et de l'emploi.
Entre 2000 et 2012, le déficit global du Trésor a connu un creusement continu, passant de 1, 3 % du PIB à 20 % du PIB, en raison d'une politique budgétaire expansionniste. Entre 2016 et 2019, ce déficit va baisser pour se situer aux environs de 9 % du PIB en 2019, un niveau très élevé. La couverture de ces déficits s'est faite entre 2000 et 2016 par le recours aux ressources du FRR en premier lieu et ensuite à travers les tirages sur les comptes des entités publiques. Mais à partir de 2017, le financement des déficits était assuré par des tirages sur le Trésor qui ont atteint un montant estimé à environ 66 milliards de dollars à fin 2019, poussant le ratio de la dette interne qui avait chuté de 24,8 % du PIB en 2000 à 6,6 % du PIB en 2008 à remonter à 40% du PIB en 2019.
À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
La crise du coronavirus est en train de faire évoluer l'orthodoxie budgétaire et le rôle des banques centrales au niveau international car la situation sanitaire et économique des pays est catastrophique. La pandémie liée au COVID-19 a plongé le monde dans une récession qui sera plus profonde que celle de la crise financière mondiale. Si cette dernière avait pour point de départ la crise des banques américaines, les dégâts économiques actuels reflètent la fermeture de pans entiers de l'économie dans le cadre de stratégies de confinement adoptées par de nombreux gouvernements dans le monde. Les trois pôles de croissance sont frappés durement (Etats-Unis, Union Européenne et Asie) car la vitesse et l'intensité des conséquences économiques de la pandémie sont sans précédent.
De nombreux pays émergents et en développement sont frappés par l'effondrement de la demande extérieure, la chute des prix des produits de base et la fuite des capitaux sans précédent, au moment où ils doivent faire face à la pandémie avec des systèmes de santé très inadéquats. Une toute première estimation est que le second trimestre de 2020 enregistrera des chutes considérables de croissance (jusqu'à 30 % de baisse et chaque mois de confinement pourrait coûter 2 points de pourcentage de croissance), la montée spectaculaire de taux de chômage (entre 10%-30%), et la montée de la pauvreté dans les pays peu développés. Les confinements doivent être brefs si possible, surtout quand les gouvernements ne sont pas en mesure d'offrir les mesures de protection sociale coûteuses.
Face à cette pandémie, et comme en temps de guerre, il se dégage au niveau des gouvernements des pays avancés et des institutions internationales des consensus clairs et sans équivoques autour de quatre grands axes : (i) protéger les populations faibles, tant à l'intérieur des pays qu'a l'extérieur car la maladie menace tout le monde ; (ii) protéger tous ceux qui ne sont pas en mesure de travailler en octroyant un revenu de base temporaire ainsi que des prêts pour permettre aux petites et moyennes entreprises qui forment la colonne vertébrale de l'économie de survivre ; (iii) mettre des appuis urgents à la disposition des pays dont les économies sont vulnérables ; et (iv) ne pas se soucier des anciennes règles budgétaires et de l'orthodoxie relative au financement monétaire des budgets en déficits. En conséquence, des plans de relance colossaux ont été lancés par les pays avancés et les pays émergents.
Ces plans ont donné lieu à des levées de fonds sur les marchés internationaux de capitaux équivalents à 5000 milliards de dollars. De plus les banques centrales ont abandonné toute orthodoxie (allant plus loin que l'assouplissement quantitatif utilisé depuis 2008 pour lutter contre la crise financière) pour déployer des moyens considérables pour fournir la liquidité aux banques afin de financer sans contrainte l'activité économique. L'ampleur du ralentissement actuel signifie que même le financement monétaire le plus direct, comme l'argent déversé par hélicoptère ou la remise d'argent au public, devrait être retenu. Enfin, pour leur part, le FMI, la Banque Mondiale et l'Union Européenne) se sont dotés de ressources importantes s'élevant à 50, 150 et 16,4 milliards de dollars, respectivement pour financer les dépenses d'urgence des pays qui ne disposent pas de moyens nécessaires. De plus, le FMI a également exhorté ses membres à ne pas hésiter à monétiser les déficits au cours de cette période d'urgence et pour les pays les plus pauvres ne pas soucier du règlement du service de la dette extérieure.
En Algérie, le financement monétaire n'est pas un mécanisme nouveau car il est légalisé depuis novembre 2017
Si à l'époque celui-ci ne se justifiait pas du tout, le recours à cette technique en 2020 est approprié et incontournable pour se donner les moyens de gérer la période d'urgence. Face à la crise pétrolière de 2014 et jusqu'en 2016, l'Algérie avait pris un certain nombre de mesures partielles pour s'ajuster à la baisse des prix du pétrole, y compris la dépréciation du taux de change et la consommation de l'épargne financière et des réserves de change du pays pour ne pas mettre en place un programme ambitieux et cohérent de stabilisation et de réformes structurelles pour relancer la croissance. À la mi-2017, les autorités changeaient d'approche en décidant de ralentir la dépréciation du taux de change, de renoncer à la discipline budgétaire et d'amender la loi sur la monnaie et le crédit de 1990 pour mobiliser des concours financiers auprès de la Banque d'Algérie (BA) pour couvrir le déficit du budget, financer le fonds national des investissements et apporter des appuis budgétaires au secteur des entreprises publiques. Ce recours à la planche à billets à partir de novembre 2017 ne répondait à aucune logique et manquait de vision stratégique.
En effet, les autorités disposaient encore de ressources domestiques et extérieures suffisantes qui, combinées judicieusement à des mesures d'ajustement raisonnables auraient pu non seulement engager le processus de sortie de crise du pays mais économiser 135 milliards de dollars, donnant ainsi des ressorts financiers fort précieux pour l'avenir. C'était de la fuite en avant dont nous payons le prix aujourd'hui.
Depuis, la situation économique et financière s'est considérablement détériorée et le pays fait face à deux chocs considérables sur les plans sanitaire et pétrolier. Si on se focalise sur les finances publiques, les deux chocs vont élargir le déficit qui passera de 6,8% du PIB à11,5 % du PIB. Avec400-500 milliards de recettes additionnelles (y compris l'impact d'une dépréciation du DA) et une réduction nette des dépenses de 1600 milliards de DA (y compris l'octroi d'un revenu universel de 20,000 DA aux chômeurs et aux travailleurs du secteur privé affectes par la crise), il est possible de ramener le déficit global de 11, 5 % du PIB à 9,4 % du PIB en 2020. Comment financer ce déficit ? vu la faiblesse des ressources domestiques et des réserves de change, l'assèchement du Fonds de régulation des recettes et l'impossibilité d'accéder en si peu de temps au marché financier international, un recours à la monétisation du déficit est une option appropriée et incontournable en cette période d'urgence. Personnellement, je l'appuie sans réserve et les conséquences macroéconomiques qui en découleront seront gérées au cours de la phase post urgence.
Quelles sont ces conséquences macroéconomiques immédiates et que faire dans la phase post urgence ?
Au cours de la phase d'urgence, l'accroissement de la liquidité liée à la monétisation du déficit va avoir des effets positifs sur la demande globale et la croissance mais en revanche va produire des effets négatifs sur l'inflation, la dette, le taux de change et le niveau des réserves. Ces problèmes seront traités au cours de la période post urgence. Pour ce qui est du problème de la gestion de l'accroissement de la liquidité par la Banque d'Algérie (BA), soulignons le rôle déterminant de cette dernière depuis le choc pétrolier de 2014 qui a déployé la politique monétaire et la politique de change à temps vu l'absence des autorités financières à calibrer la politique budgétaire et mettre en œuvre les mesures structurelles nécessaires. Après la crise, il va falloir définir une nouvelle stratégie de financement des déficits budgétaires établissant un équilibre fondamental entre le besoin d'assainir les finances publiques et préserver la croissance économique.
Ce qui implique l'articulation d'une stratégie de renforcement du rôle de la politique budgétaire en tant que levier macroéconomique au moyen de réformes ambitieuses. Ces dernières doivent viser un retour à la viabilité des finances publiques, permettre une plus grande mobilisation des recettes fiscales, restructurer certaines dépenses courantes (notamment les subventions et transferts) et améliorer la qualité et l'efficacité des dépenses en capital.
Ces réformes vont prendre du temps et doivent être étalées sur le moyen terme. Il faudra les suivre avec beaucoup d'attention et surtout les calibrer en temps opportun si les circonstances l'exigent. Ces réformes devraient être lancées dès 2021.

Par Abdelrahmi Bessaha , Macro-économiste, spécialiste des pays en post-conflits et fragilités


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