L'année 2020 présente de nombreuses singularités. C'est l'une des rares ou la vaste majorité des pays dans le monde a eu recours à des lois de finance complémentaires et des plans spéciaux. Le contexte est exceptionnel. Le choc économique du Covid-19 dépasse de loin celui de la crise des Subprimes. Les prévisions de la chute des activités laissent entendre que la dépression qui va suivre est la plus sévère depuis la crise de 1929. On pourrait même chuter plus bas que cette dernière si une deuxième vague déferlera sur le monde comme le prédisent certains spécialistes pessimistes des pandémies. Pour le moment, tout le monde espère que l'amélioration constatée continuera. La majorité des chercheurs en épidémiologie pense qu'on a une forte probabilité de ne pas subir un autre tsunami sanitaire. Chaque année nous avions l'habitude de nous attendre à une loi de finance complémentaire qui parfois contient des orientations de politiques économiques que nous ne trouvons dans aucun autre document. En l'absence d'une stratégie formelle qui s'impose aux acteurs économiques comme le schéma d'une vision partagée, les lois de finance deviennent les documents les plus attendus et les plus analysés par les observateurs économiques. Il n'est que normal que face à un choc aussi profond qu'inattendu on procède à des réglages d'une toute autre nature. La loi de finance complémentaire pour l'année 2020 est la plus justifiée de toutes les lois de cette nature. Les règles et le contexte La loi des finances complémentaire ou normale est révélatrice des priorités publiques en matière de politiques économiques. Surtout lors d'un changement de gouvernement on y décèle les mutations de tendance qui parfois sont lourdes de conséquences. On peut déceler à travers la loi de finance complémentaire de 2020 de nouvelles priorités ou du moins un début de mise en œuvre de choix maintes fois clamés. Mais c'est la situation externe qui a le plus pesé sur les choix de revoir les décisions déjà contenues dans la loi. Nous ne savons pas comment vont évoluer la situation sanitaire et le marché des hydrocarbures, les deux variables qui déterminent le niveau d'impact sur l'économie nationale. Nous sommes le troisième pays le plus impacté d'Afrique –après l'Egypte et l'Afrique du Sud- par le Covid-29- et nous sommes encore trop dépendant des recettes des hydrocarbures. On a recalculé les recettes prévues sur la base de 30 dollars le baril ce qui est tout à fait plausible. Ainsi, les recettes sont supposées baisser de 14% et les dépenses de 5,7%. Le déficit du budget atteindra 10,4% au lieu de 7,2% prévu avant le début de la crise. Ces prévisions pourraient s'avérer plus proches de la réalité si la crise sanitaire s'estompe rapidement dans le monde et ne vas pas durer trop longtemps dans notre pays. De même que la croissance prévue de 1,8% va se transformer en récession avec une décroissance de -2,68%. A cela, il faut rajouter une croissance de la population de 2% au moins. Le recul du niveau de vie serait autour de 5%. On serait alors mieux loti que la plupart des pays même ceux qui bénéficient d'une réduction des prix de leurs importations pétrolières. Mais le plus grand choc qui va nous atteindre concerne la réduction des réserves. La balance des paiements prévoyait un déficit de plus de 8 milliards de dollars. Avec les deux chocs imprévus nous pourrions atteindre un déficit de plus de 18 milliards de dollars. Les réserves de change seront donc plus sollicitées. Selon les estimations officielles elles seront de l'ordre de 44 Milliards de dollars fin 2020, ce qui serait proche de la réalité. Depuis 2014 nous assistons impuissants à la fonte des réserves de change sans pouvoir trouver de solution réaliste au problème. Nous avons toujours essayé les mauvaises options, celles de limiter administrativement les importations alors que nous constatons année après année que cette solution ne fonctionne pas. Les actions et les priorités Nous avons déjà épuisé six ans en allant vers une solution qui ne fonctionne pas et qui n'a pas de chance de fonctionner. Il nous reste au maximum deux ans avant que la situation des réserves ne devienne dramatique. Les nouvelles orientations de la banque d'Algérie peuvent constituer la solution par l'intermédiaire de l'ouverture de bureaux de change et la dépréciation du dinar. Nous allons consacrer encore une rubrique à ce sujet. Mais la condition demeure que l'état subventionne quelques produits de première nécessité pour les couches les plus défavorisées. Mais il faut faire vite. Chaque jour de tergiversation va nous coûter inutilement une saignée de nos devises. Les importations de produits et de services doivent désormais passer par le marché libre de la devise et les produits de première nécessité subventionné pour les plus fragiles. Il y a une course contre la montre qui s'est engagée entre les réformes à mettre en œuvre et la fonte des devises. Si on attend longtemps le choc sera virulent. Autant le faire tout de suite. Il faut disposer de ressources pour amortir les premiers chocs et nous en avons encore. La loi de finance complémentaire essaye de faire des rééquilibrages sociaux importants. Nous avons besoin d'une solidarité organisée pour passer ces temps difficiles. C'est la mission de l'Etat de structurer cette entraide. Le léger relèvement du SMIG de plus de 11% permet au moins d'éviter la chute du pouvoir d'achat des citoyens les plus vulnérables. De même que l'abrogation de l'IRG sur les revenus de moins de 30 000 DA. Ceci va éviter la perte du pouvoir d'achat prévu. L'instauration d'un impôt progressif sur la fortune est en théorie une décision censée. Mais voyons comment elle va s'appliquer sur terrain. Mais nous avons toujours la possibilité de l'améliorer ultérieurement en cas de couacs sur terrain. L'instauration d'une taxe élevée sur les voitures neuves ne sera efficace que si les importateurs vont acheter la devise dans un marché libre et non se servir dans les maigres ressources de l'état qui diminuent de jour en jour. Sinon on leur donne d'une main ce qu'on leur prend de l'autre. En échange d'un dinar subventionné on augmente leurs taxes. Il faut dégager quelques règles strictes pour gérer les situations futures qui deviennent de plus en plus compliquées. Mais pour le moment le plus grand danger consiste à fournir un dinar subventionné à des opérateurs économiques qui vendent sur le marché des produits à des prix complètement libérés.