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Leïla Ferhat ou l'itinéraire interrompu d'une artiste douée
Publié dans El Watan le 26 - 07 - 2020

«Lorsque délicatesse et sensibilité sont au rendez vous.» (Slimane Nasrouche). «Dans la lignée des grands maîtres.» (Ali El Hadj Tahar). «Leila Ferhat, le peintre de la lumière» (Nadia Halfaoui). «Une peinture qui respire la vie.» (RRC). «Un hymne à la vie.» (S. Aït Mohamed). «Un sens de l'imaginaire et un cheminement d'idées hors-pair régissent son âme.» (Nour Zeïd), «Quand la modestie atteint son comble, elle fleure le raffinement.» (Mohammed Abbou).
Par Mohamed Bensalah
Les mots demeurent incapables de traduire le talent lorsque celui-ci s'exprime à travers des toiles magiques et pleines d'imagination. Comment parler du génie d'un créateur hors-pair lorsque ce dernier se fait discret et refuse les feux de la rampe ? C'était le cas de Leïla Ferhat au parcours artistique jalonné de succès et de critiques élogieuses. L'artiste-peintre douée, pleine d'énergie, de sensibilité et d'émotion, une des premières femmes à avoir fréquenté l'Ecole nationale des beaux-arts, n'a pas cessé de nous surprendre et de nous émouvoir, sa vie durant. Ses travaux d'une excellente facture témoigneront encore longtemps de son génie créateur.
Chaque vernissage était un émerveillement, un moment de beauté et de charme. Sous le coup de ses pinceaux, la métamorphose de la toile nous entraînait au plus secret des mystères de la création artistique en nous incitant à suivre son itinéraire éclectique lequel puise son inspiration dans le quotidien de l'Algérie profonde qui l'habitait. Comme tout un chacun a pu le constater, sa peinture était éclairante et sa vision du monde portée jusqu'à la perfection avec un style tout en sobriété et d'une efficacité rare.
Aborder Leïla Ferhat, une nature discrète, réservée et peu bavarde, la faire parler du quotidien, n'était guère une sinécure, mais si le propos se rapporte à l'art pictural, alors très vite la doyenne des femmes peintres algériennes sort de sa coquille et ne rechigne pas à se livrer, à parler de ses émotions face à la toile, de la magie de la création, du foisonnement de couleurs et de mouvements. Ses premières esquisses, paysages marqués par une pointe de mélancolie et de naïveté figurative dans le trait, scènes de genres aux formes lumineuses denses et variées, ont vite cédé la place à des œuvres d'imagination puisant dans le quotidien. Délaissant très vite la facture réaliste au profit d'une évocation presque abstraite des êtres et des choses, l'artiste inscrit, alors un premier tournant dans son art. Les nouvelles créations de Leïla Ferhat, au-delà de la diversité de ses styles, de ses techniques et des sujets abordés, devenait miroir d'une époque, témoignant, chacune à sa façon, d'une inspiration créatrice authentique, mûrie à la substance du vécu et du rêve.
«Les moments qui me stimulent, ce sont les épreuves que je surmonte... Ce qui m'inspire, c'est ce qui me touche dans le quotidien. Je gribouille des croquis, soit des personnages, soit des têtes, durant une longue période de gestation, et puis tout d'un coup, les idées se bousculent et l'expression éclate... ainsi s'ébauche l'œuvre», nous confiait l'artiste qui refuse la facilité revenant sans cesse sur ses ouvrages. A côté de toiles réalisées d'un seul trait, certains de ses travaux ont vu le jour quasiment au forceps. La composition de l'image nécessite parfois beaucoup de temps avant que le talent ne rencontre le génie, c'est-à-dire la faculté créatrice. «Le reste est simplement formulation d'imagination, c'est-à-dire la faculté de traduire les sensations en coloration.»
Dès son plus jeune âge, Leïla Ferhat, se sentant comme attirée par une force puissante et mystérieuse vers l'aventure picturale, s'est aménagée un univers bien à elle pour traduire ses émotions, ses rêves, ses sentiments cachés. Dès l'école primaire, ses dessins ont retenu l'attention. Elle se rappelle encore son professeur de Français, Melle Leroy qui, constatant ses aptitudes à la création, lui demanda de reproduire «la fontaine» de Van Gogh. Puis, d'année en année, et au fur et à mesure qu'elle grandissait, cet amour de la peinture va l'accompagner. Les livres d'art des grands maîtres, Van Gogh, Picasso, Magritte vont aiguiser sa curiosité.
Elle collectionne des images, des cartes postales de tableaux, des timbres tout en savourant le bonheur de dessiner et de peindre d'abord sur papier, puis sur toutes sortes de supports. Devenu sa passion principale, l'art pictural finira par l'emporter sur d'autres plans de carrière et deviendra, en fin de compte, son sacerdoce. Elle quittera alors sa ville natale, Mascara, pour s'inscrire à l'Ecole nationale d'architecture et des beaux-arts d'Oran où elle obtiendra son Cafas (Certificat d'aptitude à la formation artistique) en juin 1969. Elle rejoindra ensuite l'Ecole des beaux-arts d'Alger pour suivre les enseignements de ses maîtres, Issiakhem, Mesli et d'autres encore...
En 1975, après quelques années d'enseignement des arts plastiques, elle décide de se consacrer entièrement à la création artistique. Les premières toiles de l'artiste peintre, qui signe Leïla, vont très vite la démarquer de ses collègues lors des expositions collectives. Ses créations révèlent une personnalité audacieuse. La maîtrise d'exécution de ses toiles, la justesse des tons auxquels, s'ajoutent des trouvailles subtiles, révèlent une sensibilité d'artiste au sommet de son art. L'adhésion immédiate du public à ses travaux, tant l'accessibilité à son langage est simple, va l'inciter à aller de l'avant, à parfaire ses connaissances esthétiques, à définir sa technique, à parfaire son style et à renouveler ses thèmes. Leïla ne délivre aucun message à proprement parler mais de l'empathie pour ses sujets.
Il suffit de jeter un coup d'œil à son œuvre pour mieux comprendre les aptitudes particulières de cette passionnée du pinceau et de la gouache. Telle une mélodie lumineuse et puissante, chaque vernissage, se transforme en un moment de vérité émotionnelle particulièrement exceptionnel. A travers chaque toile, toutes les facettes de son génie aux multiples influences sautent aux yeux. L'effet de sa peinture est saisissant. De la poésie en mouvement, de la délicatesse, une harmonie des formes tout en nuances, des couleurs qui illuminent, une lumière qui inonde l'esprit.
L'émotion transformée en image s'offre au plaisir du regard. Par leur éclat, leur chaleur, leur vérité, ses esquisses, ses dessins, ses toiles expriment la vie et sont une invite à la méditation. Sans tambour ni trompette, Leïla Ferhat trace son chemin «dans la lignée des maîtres», sa passion à la fois tenace et intime a fini par l'emporter sur le reste. Elle y investit tout ce qu'elle est en mesure d'y investir avec autant d'application que de dévouement. Son attachement à la peinture évoque le sacerdoce de l'artiste plein de génie et de talent.
L'énergie nécessaire à la création, elle la puise dans l'actualité quotidienne nationale ou internationale. Observatrice attentive et artiste créatrice et besogneuse, Leïla Ferhat plonge dans la matière même de la peinture et en remonte avec des visions qui sont parmi les plus singulières de notre époque. Résultat : une œuvre vibrante et épurée, une peinture en quête de repères, un univers de formes, de signes, de trace et de mémoire... La guerre imposée à l'Irak ne l'a pas laissée indifférente, tout comme le drame de la famille sahraouie vivant depuis des décennies sous la tente. Pas moins de quarante œuvres (toiles et aquarelles) mises en vente au palais de la culture à Alger, au profit de l'Irak témoignent de ses préoccupations, de ses émotions et de ses ressentiments.
A travers des couleurs vives, elle exprime les désastres et les massacres en laissant pointer l'espoir et la vie. «La Fatat de Baghdad», «Les bords de l'Euphrate», «Le musicien solitaire», «La colombe» tout comme «Le rescapé» ne montrent pas la guerre, mais plutôt le désir de paix. L'artiste extériorise ses pensées profondes et exprime sa solidarité au peuple en quête de liberté de par le monde. Point de déluge de feu, point de bombe, mais plutôt le feu de la vie à travers le regard paisible de l'enfant, du musicien et du citoyen tranquille.
A l'issue d'un parcours riche et jalonné de succès, Leïla Ferhat a fini par aboutir à la consécration. Le premier prix de peinture obtenu au vernissage organisé par le Comité des fêtes de la ville d'Alger, en 1977, l'avait beaucoup marqué. Il fut très vite suivi de nombreuses distinctions de par le monde. Signalons au passage la Médaille d'Or obtenue en France à Puy En Velay en 1982, la Médaille d'Or décernée par la ville de Riom (France) en 1980. Nombreux furent par la suite les travaux sélectionnés de par le monde : au Maghreb, en Europe, dans les Emirats arabes et ailleurs (Sofia, Tokyo, Bruxelles, Berlin, Amérique slatine, Alicante, Québec, Dubaï...).
L'œuvre de Leïla Ferhat plonge ses racines dans les traditions et raconte son pays qui inspire l'essentiel de ses toiles avec ses joies et ses souffrances. Ces fragments d'existence que reflète sa création picturale ont rencontré immédiatement les faveurs du public avant même d'être reconnus par les spécialistes de l'art. Ces derniers n'étaient jamais rassasiés par ce regard vers la lumière, par la volupté des couleurs, par les réminiscences des formes, des courbes enchevêtrées, des tracés, des signes.
L'empreinte de l'artiste se reconnaissait dès le premier coup d'œil. Comme autant de cris, chaque toile nourrie aux influences les plus diverses, trace le lien entre le style concret et l'art abstrait. La gent féminine a occupé une place essentielle dans son itinéraire artistique. «Mon sujet préféré reste la femme, femme au travail, femme libre, femme auprès de l'homme...» FiIleuse, liseuse, mélancolique ou nostalgique, à l'encre ou au pastel, dans les Aurès ou au Sahara, partout la femme est de parfaite composition, dans un rendu d'une esthétique exceptionnelle.
Leïla Ferhat, grâce à la technique de l'aquarelle, a su magistralement traduire, dans une parfaite harmonie des formes et des couleurs, le poids des siècles d'écrasement, de contraintes, de détresse, mais toujours dans une expression qui souligne la dignité et qui possède une résonance féminine très marquée. Mariant une recherche formelle («danseuses» en mouvement quasi insaisissables inscrites dans des bleus turquois), d'essence abstraite à une interrogation de type social (portrait de la maternité...), l'artiste témoigne d'un regard incisif et tendre qui respire la vie, le réel, le quotidien.
Que dire des gigantesques cavaliers de l'Emir Abdelkader en grande nature ? Le Sud avec ses palmeraies est omniprésent à chaque vernissage. L'œuvre majeure très vite squattée par les connaissances «A travers la lumière», traduit encore mieux sa préférence pour Van Gogh, le peintre de la lumière, lumière qui inonde les esprits et qui donne aux couleurs leurs chatoiements. Comme celle de Baya, de Martinez, de Belbahar, de Yellesou, d'Ali Khodja, l'œuvre de Leïla Ferhat, miroir d'une époque, nous interpelle.
Ce don inné, ce talent exceptionnel, cette expression vivante dont elle a fait preuve toute sa vie, ont permis à Leïla de militer à sa manière du côté des exclus et des humbles qui ont lutté et qui militent encore pour leur reconnaissance et leur émancipation. L'artiste peint aussi pour s'apaiser et se détendre mais aussi pour dénoncer l'état de déliquescence avancé de l'expression artistique dans notre pays.
Revisiter ses créations revient à questionner l'art en général, mais aussi la création artistique en particulier dans notre pays qui éclabousse l'esprit et envahit le corps. Malgré la haute facture picturale et artistique des toiles réalisées et appréciées, la peinture de Leïla Ferhat demeurera une quête permanente de formes, de signes, de tracés et de mémoire. Ses dernières œuvres augurent parfaitement de cette volonté perpétuelle de mieux faire, d'avancer, et de se libérer de toute entrave.
Modeste malgré sa notoriété, l'artiste n'a pas hésité à exposer avec des jeunes de la nouvelle génération d'artistes peintres prolifiques et prometteurs. Artiste jusqu'au bout de son art, Leïla Ferhat fait partie de ces quelques rares femmes algériennes qui ont compris l'importance de l'art pictural comme moyen d'expression et d'ouverture artistique et intellectuelle.
La grande artiste, doyenne des artistes peintres algériennes s'est éteinte, mardi dernier, à Oran. Souhaitons vivement que la lumière, qui pénètre les toiles qu'elle nous laisse en héritage, pénètre aussi à travers les volets clos des différents ministères et des multiples directions de la culture.


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