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Débat autour d'une question de l'heure
L'interculturalisme, de Camus à Edward Saïd
Publié dans El Watan le 12 - 05 - 2005

Camus colonialiste, les Algériens lisaient cela depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Certains universitaires se sont institués à peu de frais ses légitimes critiques.
L'université d'Alger, en particulier, où il avait entamé ses premières études de philosophie, du reste inachevées pour des raisons sans doute sociales, n'aura produit au titre de l'étude académique que si peu de choses. On ne totaliserait pas une dizaine d'études, tous niveaux confondus, consacrées à l'œuvre camusienne, et à ce jour. C'est dire si cette œuvre est restée méconnue, reniée. Du point de vue académique, on ne saurait légitimement prétendre que le pays qui a donné naissance au père de L'Etranger et qui en retour fut honoré du prix Nobel, que l'université qui l'a formé et qui l'aura superbement ignoré, soient les mieux indiqués pour le juger sereinement, froidement, académiquement. Quid de la lecture faite par Edward Saïd ? L'universitaire américain nous livre une approche en une vingtaine de pages dans un ouvrage fort dense, Culture et impérialisme, versé au patrimoine de la langue française en septembre 2001, sans mention de date de première publication en langue américaine (?!). Action innocente ? « Camus et l'expérience impériale française », tel est le titre de la section VII (pages 248 à 268, soit 20 pages) du chapitre II comportant huit sections traitant toutes de ce que l'auteur a appelé « la pensée unique » (pages 111 à 273, soit 162 pages). Dans ce texte, E. Saïd expose un point de vue critique sur la littérature de A. Camus [réduite à une nouvelle principalement : La Femme adultère (p. 257-258) ou à une laconique présentation de L'Etranger (p. 266-267)]. Pourtant, le texte d'Edward Saïd est globalement incisif, peut-être abusivement généralisateur : Les romans et nouvelles de Camus distillent très précisément les traditions, stratégies et langages discursifs de l'appropriation française de l'Algérie. Ils donnent son expression ultime et la plus raffinée à cette « structure de sentiments » massive. Mais pour discerner celle-ci, il nous faut considérer l'œuvre de Camus comme une transfiguration métropolitaine du dilemme colonial : c'est le colon écrivant pour un public français, dont l'histoire personnelle est irrévocablement liée à ce département français du Sud ; dans tout autre cadre, ce qui se passe est inintelligible... (p. 266) Présentant un ouvrage collectif que j'ai coordonné, Albert Camus, assassinat post-mortem (APIC, Alger 2005), un ami m'interpella au sujet de ce qu'Edward Saïd aurait appelé « l'inconscient colonial ». Je n'ai trouvé nulle part cette appellation. Peut-être s'agit-il de « cette structure de sentiments » massive. Afin de saisir la logique du discours d'E. Saïd sur la littérature camusienne, il y a tout lieu de rappeler que l'auteur s'adresse en priorité à ses deux publics tout désignés : les Américains, dont l'opinion est façonnée depuis des lustres par des médias verrouillés par les lobbies pro-israéliens et par les Arabes anglophones exilés aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne principalement, en particulier les Palestiniens. Cette donnée linguistique et culturelle est inséparable du schéma communicationnel qui donne à l'œuvre saïdienne sa pertinence et sa signification pleine. Donner à ce monde anglo-saxon à lire un Camus colonialiste ou simplement colonial, comme aiment à le nuancer certains critiques circonspects devant une œuvre dont la densité et la complexité sont soulignées par Edward Saïd lui-même, est de bonne guerre ; encore faut-il le rappeler, le trait est quelque peu forcé volontairement, et c'est justice. En effet, la Palestine, terre ancestrale d'Edward Saïd le citoyen américain, est une des dernières colonies, et Albert Camus fut, il est vrai et utile à le dire, plus engagé du côté israélien suite aux holocaustes de la dernière guerre mondiale qu'il ne l'était en réalité pour la colonisation française et son maintien en Algérie. Il devenait logique pour Edward Saïd que le cas Camus était tout tranché. Mais de là à affirmer l'existence et la persistance d'une « structure de sentiments » massive affirmant et justifiant la légitimité de la colonisation, cela relèverait d'une vision étriquée, injuste. Le colonialisme est un phénomène historique qui ne saurait être déguisé en une fatalité essentialiste, même si ceux qui en souffrent encore arrivent aujourd'hui à douter de son caractère limité dans le temps et dans l'espace en raison de conjonctures particulièrement difficiles, où les trahisons et les compromissions sont devenues des règles générales (les cas palestinien et irakien en sont les parfaites illustrations). Edward Saïd subit sans doute les contrecoups d'un syndrome de persécution qui caractérisa les intellectuels des anciennes colonies, comme il continue à caractériser certains cadres exilés volontairement en mal d'adaptation dans leur nouvelle patrie d'adoption. Edward Saïd lui-même n'échappe pas à cette fatidique logique même s'il arrive à force de travail et de recherche à percer quelques secrets de la logique coloniale traditionnelle qu'il n'arrive pas à distinguer de la nouvelle logique impériale ou impérialiste. La première a pris fin un peu partout, mais la seconde est en pleine progression. La culture camusienne exprimée par sa production esthétique fait partie de la première et non de la seconde, d'où il ressort qu'il est nécessaire de les distinguer et non de les confondre. Le cas de Camus abordé par Edward Saïd évacue, hélas, tout le côté visionnaire que Camus avait développé dès les années 1940, avant même que la Palestine ne disparaisse dans l'indifférence de ses frères et sœurs de voisinage. La stratégie fédéraliste que propose Camus pour un front arabo-français contre la montée de l'impérialisme des grandes puissances est restée, hélas, une virtualité. L'Orient arabo-islamique, depuis le pacte de Baghdad, a toujours été un avant-poste de l'impérialisme anglo-américain intéressé par un maintien du conflit entre les Arabes et les Français qui se départissaient de leur culture coloniale et tentaient de la reconvertir en un contre-pacte de troisième bloc, dont la Méditerranée devait devenir ce qu'elle fut autrefois, un havre de dialogue, de solidarité et de développement. L'ouvrage d'E. Saïd met à jour, au regard de ses références, les sources essentiellement anglo-saxonnes du travail qui exhibe sa somme toute relative connaissance du monde non anglo-arabe, dont l'Algérie en particulier. C'était avant l'émergence de l'ensemble européen de ce jour. Saïd Ed. W. Culture et impérialisme, Fayard. Le Monde diplomatique, 2001, 555 pages.

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