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Albert Camus et le drame algérien (2e partie et fin)
Camus et son œuvre
Publié dans El Watan le 04 - 02 - 2010

Il est bien sûr plus que difficile de brosser un tableau de Camus car inévitablement, il serait réducteur. Réducteur en raison de l'immensité de son œuvre (théâtre, littérature, philosophie) et c'est aussi un des rares auteurs polygraphes. Entre 1937 et 1944, L'Etranger (roman), Le Mythe de Sisyphe (essai) et Caligula (pièce de théâtre) attestent de toute la diversité de l'œuvre encore naissante de Camus et qui correspond pour le premier chapitre de son œuvre à la trilogie de l'absurde. Sa vie et son œuvre sont nées en Algérie. On n'oublie souvent de s'intéresser de plus près aux rapports de Camus avec Mauriac après la Libération. Ces échanges à plumes mouchetées entre les deux résistants, l'un fervent défenseur de la justice, l'autre de la charité, avaient fini par rapprocher Camus de Mauriac. Pour Camus, la période ordonne l'action afin de ne pas laisser sans châtiment les responsables des assassinats. « Rassurez-vous ! Ceux qui ne mourront pas auront le temps de souffrir », répondit Mauriac. Finalement, Camus et Mauriac se rejoindront et conviendront que la réconciliation d'une nation ne repose pas sur l'oubli, mais bien au contraire, sur le pardon. Le pardon lui-même n'étant pas la réparation du préjudice, mais la reconnaissance précisément que le préjudice, étant irréparable, doit être dépassé. Camus avait estimé qu'« un intellectuel a non seulement le droit mais le devoir de prendre part à tous les combats justes », pourtant cette citation n'est pas une aporie dans l'univers absurde et contemplatif de Camus, c'est la source d'un engagement illimité et d'une réflexion profuse de Camus sur les mouvements « historiques » et l' homme. Bien qu'il dénie toute vision manichéenne de l'évidence, il ne cesse de confronter le rêve et la réalité et pose des dichotomies simplistes « deux grandes théories sont en présence : le Réalisme et l'Idéalisme ». La réalité indigente de ses origines, auxquelles il a rêvé d'échapper, est tout à la fois, son inspiration et sa désespérance. « Ce que je veux dire : Qu'on peut avoir sans romantisme - la nostalgie d'une pauvreté perdue »(5). Il connut une pauvreté humiliante, avilissante, qui devait amplifier au fur et à mesure un sentiment arrogant de liberté, fier et bien méditerranéen. Sa mère fait les ménages et donne le maigre butin d'une journée de labeur à sa grand-mère qui dirige toute la famille. « Sa fièvre chante. Son petit pas se presse : demain tout changera, demain. Soudain, il découvre ceci que demain sera semblable, et après-demain, tous les autres jours. Et cette irrémédiable découverte l'écrase - Ce sont de pareilles idées qui vous font mourir. Pour ne pouvoir les supporter, on se tue - ou si l'on est jeune, on en fait des phrases. »(6)
Camus écrit pour conjurer ce mal de la misère et refuser la fatalité « On ne comprend pas le destin et c'est pourquoi je me suis fait destin. J'ai pris le visage bête et incompréhensible des dieux »(7), abandonne d'emblée toute aliénation religieuse ou mystique. Et il ajoute : « Voilà bien la parole absurde. Qu'est-ce en effet que l'homme absurde ? Celui qui, sans le nier, ne fait rien pour l'éternel. [ ... ] Il poursuit son aventure dans le temps de sa vie. » Il croit en l'homme et il croit en l'incroyance, ce sont les ultimes convictions de Camus. Il est cet esprit frondeur, subtil et créatif. Inquisiteur des faux dévots et des intellectuels qui « n'ont jamais placé que leur fauteuil dans le sens de l'histoire »(8) Une lecture même cursive de ses écrits — « je ne suis pas philosophe, je ne crois pas assez à la raison pour croire à un système » — démontre l'ampleur de l'œuvre philosophique de Camus. C'est là qu'il faut lui rendre justice, car il n'a certainement pas été politique, mais il a été terriblement philosophe. L'homme se faisait la représentation de « L'esprit philosophique qui consiste à préférer aux mensonges qui font vivre les vérités qui font mourir. »(9). Au demeurant, ces compères métropolitains n'ont pas hésité, dans d'ultimes velléités d'humiliation, de le traiter de « philosophe des classes terminales » et dans un subconscient informel de « classe terminale du Lycée Bugeaud » (Emir Abdelkader) car « le petit voyou d'Alger » n'avait pas pu obtenir l'agrégation, l'administration coloniale ne lui ayant pas délivré le certificat de santé, rongé comme il était par la tuberculose, pour devenir professeur. J'ai l'intime conviction qu'à ce jour, l'Algérie ostracisée n'a pas eu plus grand philosophe que Camus, car tout dans la morphologie de ses écrits, avec la circonlocution de ses propos, dans les combinaisons alambiquées de ses idées, est philosophie. On ne peut lui dénier cette habilité à user, agencer, modeler des mots pour créer des idées, manier des concepts et poser des questions sans en apporter de réponses. « Il n y a qu'un problème philosophiquement sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie »(10).
Albert Camus était un styliste hors normes « Tous s'essaient à mimer, écrit Camus dans Le Mythe de Sisyphe, à répéter et à recréer la réalité qui est la leur. Nous finissons toujours par avoir le visage de nos vérités. L'existence tout entière, pour un homme détourné de l'essentiel, n'est qu'un mime démesuré sous le masque de l'absurde » et d'ajouter, sous une forme aphoristique : « La création, c'est le grand mime. » Camus est la parfaite illustration de cette grande victoire de l'homme sur lui-même, qui finit par admettre l'idée juste et évidente, mais combien difficile et longue à reconnaître, que l'homme est responsable de ses actes. « Son humanisme têtu, étroit et pur, austère et sensuel, livrait un combat douteux contre les événements massifs et difformes de ce temps. Mais inversement, par l'opiniâtreté de ses refus, il réaffirmait, au cœur de notre époque, contre les machiavéliens, contre le veau d'or du réalisme, l'existence du fait moral. »(11). L'œuvre d'Albert Camus est encore plus brillante depuis que les Algériens se la sont réappropriée.
Camus avec l'Algérie
Cinquante ans après sa mort, autant après l'indépendance de l'Algérie et la fin de la longue nuit coloniale, les défis que connaît son pays sont toujours aussi multiples. Quant à la France, des relents entretenus de révisionnisme continuent d'empêcher les deux peuples d'aller de l'avant et l'histoire de s'écrire sans haine et sans rancœur. L'Algérie, restera pour tous ceux qui l'aiment, et Camus en premier, cette terre baignée de lumière où nous nous ressemblons tous enfants du soleil. Où que nous soyons né, nous appartenons à ce pays unique, à ce carrefour d'influences, cette inimitable synthèse de l'ancien et du moderne, de l'Europe et de l'Afrique, ce pays où les hommes ont les pieds accrochés au sol africain, le sang chaud des Berbères, le cœur battant des Arabes et la tête tournée vers l'Europe. Paul Valéry, en analysant le conflit existant entre le progrès et la tradition, avait en parlant du concept de « l'enrichissement des mutuelles différences » trouvé la formule qui convient le mieux à l'Algérie ... L'Algérie, c'est ce « vieux fleuve artificiellement détourné qui retrouve aujourd'hui sa pente naturelle, mais les eaux mêlées qu'il a charriées pendant cent trente-deux ans ont profondément marqué son cours et façonné ses rives ». Ce pays, demain comme hier, ne peut être placé que sous le signe de la rencontre, car dès lors qu'il cesserait d'être multiple, il serait mutilé. « La confrontation perpétuelle est tout à la fois sa vocation, son inconfort et sa grandeur. » C'est toute la signature camusienne.
L'auteur est : Chirurgien
Notes de renvoi :
4- Le Sentiment d'étrangeté chez Malraux, Sartre, Camus et Simone de Beauvoir, Paris, Lettres Modernes, 1964.
5- Le Premier homme a été publié après la mort de Camus et le manuscrit inachevé a été retrouvé dans la voiture accidentée et fut publié en 1994.
6- L'Envers et l'Endroit est la première œuvre d'Albert Camus, publiée à Alger en 1937 par Edmond Charlot. Constituée d'une suite d'essais sur le quartier algérois de Belcourt et sur deux voyages, le premier aux Baléares et le second à Prague et Venise.
7- Caligula pièce de théâtre « Trilogie de l'absurde » 8- Lettre que Camus adresse à Sartre suite à la critique faite Francis Jeanson de l'homme révolté parue dans Les Temps modernes le 30 juin 1952.
9- Le Mythe de Sisyphe 1942…
10- Gustave Thibon est un « Philosophe-paysan », catholique, monarchiste et autodidacte, il fut l'ami de la philosophe d'origine juive Simone Weil, qu'il recueillit dans sa ferme pendant la Seconde guerre mondiale et dont il publia en 1947 La Pesanteur et la grâce.
11- Hommage de Jean Paul Sartre à la disparition de Camus paru le 7 janvier 1960 dans France Observateur.


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