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l'esthétique de la déraison (II et fin)
Les grandes questions de la modernité
Publié dans El Watan le 23 - 06 - 2005

le grand mérite des pionniers africains, c'est qu'ils ont installé le genre romanesque avec assurance en lui donnant de vraies assises, orales et écrites. Les générations suivantes ont travaillé en profondeur les thèmes et les sous-genres qui ont émergé des pratiques littéraires.
Une littérature nouvelle fit son apparition en terre d'Afrique, c'est le roman social et politique où tous les problèmes qui préoccupent l'Afrique sont exposés, de la période coloniale jusqu'aux indépendances sans démocratie. Cette clarté et ce courage de prise en charge des problèmes de l'heure n'ont pas facilité la tâche du roman africain. La plupart des écrits ont fait l'objet de censures différentes allant jusqu'aux assassinats. La satire, l'humour noir et l'oralité constante restent des supports permanents de cette littérature. On peut même avancer que la forme romanesque d'origine européenne s'est africanisée, c'est-à-dire qu'elle est arrivée à intégrer les éléments provenant de sa propre culture. Le regard de cette deuxième génération d'écrivains s'est fondamentalement métamorphosé par de nouvelles pratiques littéraires et surtout une prise de conscience différente. Cela ne veut absolument pas dire que tout artiste ou toute écriture est un acte conscient et pensé, mais il y a là comme l'éclosion d'une atmosphère, d'un climat favorable où s'épanouissent toutes les manifestations artistiques, dont l'écriture en est une, si ce n'est pas la plus importante où l'apport de l'oralité est indéfiniment important. Un regard plus percutant, mais surtout plus critique à l'égard de la société coloniale et de l'esthétique dominante et dominée par le politique qui a été le lait nourrissant des premières générations. Une série de noms dont les plus médiatisés : Bernard Dady de la Côte d'Ivoire, Camara Laye de Guinée, Ferdinand Oyono et Mango Betty du Cameroun. Le plus productif reste sans doute Bernard Dady (1916), poète, dramaturge, critique et romancier. Son premier roman Climbé, paru en 1953 l'a rendu très célèbre en Afrique et ailleurs. Une critique virulente, une vraie métaphore contre cette société en perte de vitesse, à la recherche d'une certaine justice perdue. Cinq ans après Climbé, Dady publia plusieurs romans dont Un Nègre à Paris en 1958 et La Ville où nul ne meurt en 1968. Mais l'écrivain le plus médiatisé de cette deuxième génération d'écrivains est bel et bien Camara Laye (1928-1980). Il demeure incontournable pour l'histoire littéraire africaine. Son roman L'Enfant noir, publié en 1953 devenu la bible de la littérature réaliste africaine, a été traduit en plusieurs langues et reçu plusieurs prix littéraires. Une Vie d'un boy, du Camerounais Ferdinand Oyono, est presque un cahier journal d'une vie très dure, dont seule la dérision peut contenir les difficultés. L'humour noir et le style sarcastique construisent les vrais fondements de la littérature de Ferdinand Oyono. Dans son deuxième roman Le Vieux Nègre et la médaille, il n'a pu échapper à cette noirceur qui prend le lecteur pour témoin par son implication dans le rire et l'autodérision. C'est une quête de la dignité et de l'identité brouillée, une vie à deux étages, un état proche de la schizophrénie où deux niveaux de savoir appartenant à deux modalités différentes s'affrontent et se heurtent. Mango Betty s'installe dans cette continuité. Il n'a pas hésité à porter un regard très critique contre la société coloniale, à l'origine de toutes les détresses et contre son hypocrisie, dans tous ses romans, surtout dans Ruine presque cocasse d'un Polichinelle, sorti en 1981. On comprend facilement pourquoi la quasi-totalité de ses romans ont toujours fait l'objet d'une censure systématique dans son propre pays. L'Ivoirien Ahmadou Kourouma dans son roman En attendant le vote des bêtes sauvages sorti en 1998, il relate, avec une grande maîtrise, dans une cérémonie purificatoire en six veillées, la face cachée d'un dictateur de la pire espèce, Kogaya, qui est le concentré de toutes les générations d'hommes politiques qui ont gouverné l'Afrique par le crime et le sang. Il est très difficile de faire abstraction des similitudes avec l'écriture latino-américaine, dont les chefs de file Asturias, Gabriel Garcia Marquez et autres qui ont fait du dictateur, en pleine déchéance et déconfiture, leur objet d'écriture. Avec un humour inégalé, Kourouma mêle dans son récit les hommes et les bêtes sauvages dans une lutte féroce. Il allie subtilement le conte qui a comme base l'oralité à l'histoire écrite et pensée, en bousculant du coup les idées reçues sur les relations qu'entretiennent la magie et la politique. Des éléments qui verront leur développement avec le grand travail de mémoire mené par Amadou Hampâté Bâ (1900-1991) qui, dans ses trois grands écrits L'Etrange destin de Wangrin sorti en 1973, Amkoulel, l'enfant Peul en 1991, Oui, mon commandant, 1994, nous transporte vers un monde qui s'est éteint depuis très longtemps. Un monde de voix, de lieux et d'histoires merveilleuses qui, par le truchement de l'autobiographie, est raconté pour qu'il puisse vivre parmi nous. Une vraie bibliothèque s'est éteinte avec la disparition du Malien Hampâté Bâ en 1991. Dans la partie sud de l'Afrique, le paysage littéraire reste partagé entre deux genres littéraires écrits par les Noirs, les autochtones mais aussi par les Blancs nés sur cette terre et qui ont développé un regard critique envers les leurs, c'est-à-dire envers les injustices commises : Nadine Gordimer (Nobel), Doris Lessing et John Michael Coetzee (Nobel) pour ne citer que ceux-là. Un humanisme très visible se dégage de leurs écrits, même s'ils restent rivés sur les détails de l'autobiographie plus que le social et la misère des Noirs causée par l'injustice des colons. Coetzee est devenu, malgré sa discrétion, le chef de file de toute une génération d'écrivains porteur d'un nouveau regard rivé sur un modèle, dont seul le roman pouvait imaginer les contours et les détails. Coetzee n'hésite pas, tout comme Doris Lessing, de descendre dans les bas-fonds de la mémoire où troubles et contradictions se côtoient et s'affrontent. Dans son roman Scènes from Provincial Life (traduit aux éditions du Seuil : Scènes de la vie d'un jeune garçon), le personnage central porte en lui le sentiment de l'imposture. Il détient même le secret du mensonge caché et enfoui, comme Magda le personnage de son premier roman Au cœur de ce pays. Pour l'écrivain noir Zakes Mda, la négritude est une réalité objective due à l'histoire elle-même. Ce n'est pas une création d'individu, mais c'est une accumulation de douleurs et d'injustices que les Blancs ne connaissent pas en général. C'est presque une réponse cinglante à la littérature sud-africaine des Blancs. Son écriture représente cette voix contradictoire réduite au silence alors qu'elle existe dans l'inconscient des gens : « On peut parler d'écrivains noirs. Nous savons que lorsqu'il y avait l'apartheid, ces divisions raciales existaient initiées par le système. L'expérience des Noirs est distinct de celle des Blancs, même si nous étions tous victimes de l'apartheid, les Blancs y compris. La littérature exprime donc ces expériences, la littérature sud-africaine ne peut pas être homogène. »
la question de l'aliénation
Même si l'Afrique du Sud demeure une grande école anglophone, il existe d'autres variantes dans le même circuit linguistique. Les deux exemples les plus visibles sont Amos Tutola - qui a installé tout son travail romanesque sur un piédestal populaire comme dans L'Ivrogne dans la brousse et Ma Vie dans la brousse des fantômes - et le Kenyan Wa Thiongo - qui a consacré une grande partie de sa production romanesque dense : A grain of Wheat (Le grain de blé) sorti en 1967, Petals of Blood (Pétales de sang ), en 1977, Devil on the Crosse (Le démon crucifié) 1982, et Matigari, sorti 1989, à la question de l'aliénation et de l'identité. Wa Thiongo essaie de répondre à la modernité occidentale forte par son arsenal culturel par une littérature qui transcende le passé en essayant de comprendre un présent qui échappe à la vision et à l'analyse. Même écrit dans plusieurs langues (anglais, français, portugais), le roman africain est d'abord un cri commun et une esthétique de la déraison. Une déraison de l'injuste, mais aussi celle d'une question en pleine destruction et décomposition, à la recherche d'une réponse qui reste constamment suspendue. C'est le roman des grandes interrogations du présent, mais aussi celles du passé. Peut-on concilier tradition et modernité ? Trouver un compromis entre le défi contemporain et nos façons de voir les choses et de les sentir ? En d'autres termes, peut-on concilier technique et tradition, sauver la mémoire en supportant les contraintes de la modernité ? On a souvent tendance à considérer la technique comme quelque chose de neutre, d'inoffensif, susceptible d'être appliquée à des fins diverses. On oublie le plus souvent que l'essence de la technique n'a rien de technique. Ce n'est pas un phénomène isolé dans la pensée occidentale, c'est même l'aboutissement de cette pensée. C'est un long processus de sécularisation. Ce sont là quelques grandes questions du roman africain et leur réponse ajournée.


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