Le théologien et professeur universitaire, cheikh Abderrahmane Djilali, tire sa révérence. Il est décédé, dans la nuit de jeudi à vendredi à l'hôpital de Aïn Taya (Alger) à l'âge de 103 ans. «Un vieux qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle.» L'Algérie et le monde musulman viennent de perdre un vrai monument. Un érudit qui a marqué son temps par ses œuvres et sa sagesse. Il était connu d'abord pour ses émissions radiophoniques. Ses premiers messages, il les a livrés à travers les ondes de Radio Alger où il animait, durant les années 1940, l'émission «L'avis de la religion» qui est une sorte d'échange et de débat entre l'animateur et l'auditeur. Sa deuxième émission est «Sandouq el Afkar» où il partageait l'antenne avec des oulémas comme les cheikhs Bouguettaya, Lakehal, Bouchouchi, Mouloud Taïeb… Cheikh Abderrahmane Djilali était connu également comme un personnage incontournable à la télévision algérienne où il officiait en compagnie des autres oulémas les célébrations des fêtes religieuses en Algérie. Ses interprétations des hadiths du Prophète et ses fatwas ont toujours été appréciées par le public de la télévision algérienne. Né le 9 février 1908 à Bologhine (Alger), cheikh Abderrahmane Djilali a appris le Saint Coran dans les mosquées et zaouïas de plusieurs chouyoukh, à l'instar de Abdelhamid Ben Samaya. Il était le disciple de cheikh Moloud El Zribi El Azhari et cheikh El Hafnaoui. Toutes ses références et tout le savoir acquis auprès d'elles font de lui un savant en sciences de la charia et du fiqh. Il s'imposa alors en tant qu'autorité incontestable. Originaire de Blida, il s'est distingué également par ses œuvres, dont son ouvrage monumental sur l'histoire de l'Algérie : Histoire générale d'Algérie (Beyrouth 1984). Le cheikh a, à son actif également, d'autres livres consacrés au pèlerinage à La Mecque, à l'histoire des trois villes (Alger, Médéa et Miliana) paru en 1972 et des pièces de théâtre. Mélomane, le cheikh a aussi écrit sur la musique andalouse «qui s'est développée dans les milieux culturels et cultuels». Le cheikh suit, même à 100 ans, de très près l'actualité et les développements du monde actuel. Ainsi quand El Watan lui demandait, en 2008, son avis sur le monde actuel, cheikh Abderrahmane Djilali répondait avec beaucoup de clairvoyance : «L'histoire est un éternel recommencement. J'ai vécu des moments heureux avec l'acquisition du savoir et des connaissances auprès des érudits, et d'autres périodes moins agréables avec les guerres, les calamités et les événements tragiques mais aussi des mutations. Aujourd'hui le monde tend de plus en plus vers le matérialisme et l'individualisme.» Le Grand Prix littéraire d'Alger (1960) est resté fidèle, jusqu'à la dernière heure, à son maître, le professeur Bencheneb, auquel il vouait grand respect et considération. «Une montagne de connaissances, un monument qui maîtrisait tout. C'était un personnage d'une vaste culture polyglotte, jaloux de sa personnalité algérienne et qui le montrait ostensiblement en arborant son élégante tenue traditionnelle, même à Paris où il était appelé à se déplacer», dit-il. Cheikh Abderrahmane Djilali a été inhumé, hier au cimetière Sidi M'hamed d'Alger.