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Jerôme Ferrari. Ecrivain français : Le sourire de Larbi Ben M'hidi
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Publié dans El Watan le 19 - 02 - 2011

Propos sur le roman où j'ai laissé mon âme, qui confirme un jeune mais grand écrivain.
-Larbi Ben M'hidi vous a inspiré pour créer le personnage de Tahar. Qu'avez-vous gardé du personnage réel ?
J'ai gardé deux choses : les circonstances de sa mort et son sourire, ce sourire d'une si incroyable sérénité qu'on voit sur les photos de son arrestation. Mon problème n'était pas tant de garder quelque chose de lui que de m'en éloigner. Je ne voulais pas faire un roman historique, encore moins un roman à clés. Il fallait donc que je prenne à Ben M'hidi ce dont j'avais besoin pour créer mon personnage, et seulement ça. D'autres caractéristiques de ce personnage sont empruntées au Christ, celui des Evangiles mais surtout celui du roman de Boulgakov, à commencer par son nom : mon personnage s'appelle Hadj Nacer parce que le nom du Christ dans Le Maître et Marguerite est Ha-Nosri. C'est ça, pour moi, un personnage de roman : une multiplicité d'éléments dont l'agencement forme une singularité.
-Pour vous, il est le seul personnage à ne pas avoir «laissé son âme» quand la situation est plus complexe du point de vue des protagonistes français, le lieutenant Andreani et le capitaine Degorce...
Tout à fait. La comparaison que je viens de faire avec le Christ ne doit, cependant, pas laisser penser que je le présente comme un saint. Qu'elle soit juste ou injuste, la guerre est incompatible avec la sainteté, et tout le monde a bien sûr du sang sur les mains. Mais ce qui rend Tahar fascinant aux yeux du capitaine Degorce, c'est justement qu'il puisse rester serein, malgré ce qu'il a ordonné : c'est pour Degorce totalement énigmatique. Avoir gardé son âme ne veut donc pas dire ici «être parfait» ou «irréprochable», mais rester en accord avec soi-même et avec ses actes.
-Vous avez confié que le documentaire de Partrick Rotman, L'Ennemi intime (2002), a été le déclencheur de l'écriture de votre roman. Comment donc ?
Par deux témoignages. En premier lieu, celui de l'officier parachutiste qui a arrêté Ben M'hidi et lui a fait présenter les armes en le remettant à Aussaresses. Un témoignage incroyable, du moins pour moi, à l'époque où je l'ai vu. Les relations entre ennemis pouvaient être infiniment plus complexes que je ne le croyais. En second lieu, le témoignage d'un appelé témoin d'une scène de torture qui fait une comparaison décisive entre le spectacle de la douleur et la pornographie. Il en dégage, à mon avis, l'essence commune : l'obscénité.
N'est-ce pas plutôt symptomatique de notre époque qu'un film puisse impulser un roman quand, auparavant, c'était plutôt l'inverse ?
Ce n'est pas le film en tant que tel qui m'a inspiré, mais ces témoignages précis. Le documentaire de Patrick Rotman est d'une valeur inestimable. Il fait entendre des voix qui étaient jusque-là muettes, et on sort enfin du discours de justification et d'accusation mutuelle qui empêche souvent toute discussion sérieuse sur la guerre d'Algérie. Rotman nous fait plonger dans le cœur des hommes, là où se joue l'essentiel.
-Etre né en 1968, vous a-t-il procuré de l'aisance ? Si oui, serait-elle celle d'une nouvelle génération de Français débarrassée des, ou plutôt étrangère aux démons du passé ?
Laurent Mauvignier* et moi avons à peu de choses près le même âge. Ce ne doit pas être un hasard. Peut-être avons-nous maintenant la distance qui nous permet paradoxalement de mieux saisir cette guerre, je ne sais pas. La proximité est aveuglante, l'idéologie encore plus. En même temps, mon roman n'ambitionnait pas de rendre compte de la guerre d'Algérie. Un roman, c'est plus modeste que cela et donc, peut-être, plus efficace. Il ne s'agit que de décrire le parcours des personnages et ce qui l'a rendu possible, en suspendant momentanément son jugement moral. C'est tout.
-Au vu de votre formation, certains ont pensé à une intention philosophique du roman. Vous vous en défendez. Où est la limite ou la jonction entre philosophie et littérature ?
Il n'y a ni limites ni jonction entre les deux. Il y a une réalité infinie, terriblement complexe et multiple, que la philosophie et la littérature entreprennent de mettre en ordre, chacune avec les outils qui lui sont propres, le concept, pour la philosophie, les personnages et la narration, pour la littérature de fiction, la langue, pour toutes les deux. Je dis juste que si l'on veut tenir un discours philosophique, il faut employer les outils de la philosophie, pas ceux du roman.
-Qu'est-ce qui, dans votre séjour algérois de quatre ans, a pu nourrir l'écriture du roman ? Des images, des sons, des faits, des rencontres… ?
J'ai du mal à parler de mon expérience algérienne. Je n'ai rien vécu de spectaculaire, rien même qui soit digne d'être raconté. Et pourtant, tout a été bouleversé : ma vision du monde, mon écriture. Les choses importantes ne sont pas toutes spectaculaires. Jamais je n'aurais écrit ce roman si je n'avais pas vécu à Alger. Ce n'est pas une question de légitimité. Mais j'avais besoin, pour rentrer dans une histoire qui s'était déroulé bien avant ma naissance, de trouver quelque chose qui me lie à elle de manière intime. Cette chose intime, c'est Alger.
-Comment Où j'ai laissé mon âme a-t-il été accueilli en France, parmi les critiques et les lectorats ?
Le roman a été très bien accueilli et, presque à ma grande surprise, il a échappé aux affres du débat idéologique qui l'aurait détruit en tant que roman. Ce dont je suis tout particulièrement heureux.
-Hormis les souhaits, disons classiques, de tout écrivain, la publication de l'ouvrage en Algérie revêt-elle pour vous d'autres significations ?
Cette publication est très importante pour moi, plus que ça même. Je ne suis pas Algérien, mais j'aimerais que les lecteurs algériens puissent recevoir le roman comme quelque chose qui ne leur vient pas tout à fait de l'extérieur. Je n'écris jamais en pensant à la réception de mes textes. Je n'y pense qu'après. Et j'espère que les lecteurs trouveront que je rends justice à mes personnages, aux Algériens comme aux Français. Quand je suis venu à Alger, en février dernier, je craignais que ce ne soit pas le cas. Qu'on me reproche d'être partial ou pire, inauthentique. A titre personnel, ce roman est la marque de ce qui me lie moi-même à l'Algérie, qui est si fort que je n'en mesure peut-être pas encore la puissance et la pérennité.

Laurent Mauvignier, né en 1967, auteur du roman, «Des Hommes» (2009, Ed. de Minuit et Barzakh)


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