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Le portable envahit la vie des Algériens
«Bipage», «flexy», mariage par sms
Publié dans El Watan le 07 - 07 - 2011

Depuis le lancement de la première licence GSM en 1999, le marché de la téléphonie mobile a connu une croissance exponentielle, touchant toutes les catégories sociales et tous les âges. D'objet élitiste réservé aux plus nantis, le mobile s'est démocratisé en un temps record au point de devenir un produit très populaire touchant 33 millions d'abonnés sur 36 millions d'habitants. Force est de le constater : l'arrivée du téléphone portable a modifié en profondeur les habitudes de communication des Algériens, induisant de nouveaux comportements et de nouvelles communautés.
Trente-trois millions : c'est le nombre d'utilisateurs de téléphone portable enregistré dans notre pays à la fin 2010. Ainsi, le ratio est presque d'un mobile par personne, sachant que la République algérienne démocratique et populaire compte 36,3 millions d'âmes. Plus qu'un simple utilisateur, Kamel, un quadra faisant moins que son âge, est accro au portable. Cela fait quasiment partie de son corps. Collé toute la journée à son cellulaire, il donne l'impression d'avoir un téléphone mobile greffé à l'oreille. «J'habite dans mon portable», avoue-t-il. «Sans lui, je me sens perdu. Je me sens seul. C'est mon bureau portatif. Je gère toutes mes affaires à partir de mon BlackBerry», témoigne-t-il. Même quand il dort, il s'interdit de l'éteindre. Entre les amis, les proches, les clients et autres partenaires en affaires (Kamel est entrepreneur), il est difficile pour lui de s'imaginer un seul instant hors champ. Kamel n'est pas le seul à présenter ce tableau clinique, loin s'en faut. De plus en plus de nos concitoyens montrent les mêmes symptômes de «portablo-dépendance», ce qui atteste de la pénétration fulgurante du téléphone portable dans notre société au point de devenir un produit populaire en un temps record.
Génération multimédia
«Moi, j'ai trois portables, avec trois puces différentes. Cela m'est très utile dans mon travail», confie, de son côté, un cadre dans une compagnie d'assurances. S'il reconnaît les bienfaits de cet objet magique, notre interlocuteur n'en cache pas moins sa perplexité quand il s'agit d'offrir un portable à ses enfants : «J'ai offert un portable à une de mes filles quand elle a eu son bac, et j'ai fait cadeau d'un autre à sa cadette à l'occasion de son passage au lycée. La benjamine a passé sa 6e avec succès mais je n'ai pas cédé à son caprice. De toute façon, le contrôle parental est devenu de plus en plus problématique avec toutes ces technologies qui envahissent notre vie quotidienne.» C'est un fait : le portable a intempestivement colonisé notre espace social et mental, bouleversant avec fracas nos codes de communication, donnant un coup de fouet au passage à quelques valeurs établies. Et le téléphone fixe d'en faire les frais dans la foulée. «Avant, avec le fixe, les parents pouvaient surveiller les fréquentations de leurs enfants. Aujourd'hui, on ne contrôle plus rien», concède, désemparé, un père de famille, avant de lancer : «Avec facebook, internet, la parabole, bien malin qui peut prétendre contrôler l'esprit de sa progéniture.»
Djamel, gérant d'un taxiphone situé rue Larbi Ben M'hidi, en vient presque à maudire le portable. Et pour cause ! «Depuis l'arrivée du portable, notre activité périclite. Les taxiphones ferment les uns après les autres. Les promotions des opérateurs nous ont ruinés», fulmine-t-il. Et de faire remarquer : «Avant, si le père de famille consacrait 2000 DA aux dépenses ménagères, aujourd'hui, il y consacre 1500 DA et 500 DA vont aux recharges.» Au passage, il met l'accent sur la disparition progressive du téléphone fixe. «L'un des grands avantages du portable, surtout la formule prépayée, est que cela permet de contrôler son budget. Avec le fixe, non seulement tu ne contrôles pas ton budget communications mais, en plus, on n'est pas à l'abri de surprises en termes de surfacturations», argue-t-il. Si à son apparition vers la fin des années 1990, le téléphone portable était un objet élitiste, force est de constater que cela s'est vite démocratisé.
Mobilité sociale
Le must était alors d'avoir le fameux «061», l'indicatif de l'opérateur historique, pour se distinguer de la masse. La formule «abonnement» était le propre des plus nantis. Aujourd'hui, le «prepaid» touche 94% des abonnés. «Ma femme de ménage a deux téléphones portables», glisse une ménagère. «A défaut d'avoir une belle voiture, certaines gens ne se privent pas d'acquérir un portable high-tech pour compenser. Cela fait partie de la panoplie du paraître», note notre agent d'assurances. Amine, 30 ans, agent de service hospitalier au CHU Mustapha Pacha, se gausse de nous en examinant notre téléphone, basique à souhait il est vrai. «Hada gaâ machi portable, c'est un portable en bois que vous avez là», ricane-t-il. «Aujourd'hui, un portable qui n'a pas de caméra, pas d'internet, pas de bluetooth, n'est pas un portable.» Au marché aux puces de Laâquiba (Belcourt), un vendeur de téléphones d'occasion nous propose un Motorola de base à 500 DA. «Le gros de nos ventes se situe dans la gamme 2000-3000 DA», affirme le gérant d'une boutique de téléphonie mobile à Bab El Oued. «Le marché a connu une certaine stagnation, mais le téléphone continue à se vendre. Tout le monde achète, et le mimétisme faisant son effet, dès qu'il y a une nouvelle application qui apparaît, tout le monde s'y rue. Aujourd'hui, l'enjeu, c'est la 3G, la 4 G, et le Iphone qui va finir par arriver. Les opérateurs sont obligés de faire de nouvelles offres pour maintenir la croissance du marché», analyse notre vendeur.
Aïd par SMS
Alors que le réseau d'un opérateur a accusé quelques perturbations tout récemment, entraînant la suspension momentanée du service, les abonnés montraient des signes d'impatience. Sarah, elle, s'en amuse. «Cela donne une idée de l'ampleur de la dépendance au portable», note-t-elle. «Dès que le flux s'interrompt, ne serait-ce que pour quelques minutes, les gens deviennent nerveux, tels des drogués en manque. Moi au contraire, je m'en réjouis. J'ai été l'une des premières en Algérie à me doter d'un portable, mais aujourd'hui, je vis cela comme une oppression. Je suis restée dernièrement 15 jours sans, c'étaient de vraies vacances. Une délivrance. C'est vraiment devenu une servitude pour moi : les gens peuvent vous joindre à tout moment, et dès le premier ''allô'', c'est tout de suite ''winraki, tu es où ?'' On n'a plus d'intimité.» D'aucuns déplorent, avec la généralisation du portable, le fait que les visites familiales aient tendance à se raréfier. «Douka, ennass wellat etghafer bel SMS», regrette Amine. «Aujourd'hui, les gens font les vœux de l'Aïd par texto, et les visites familiales ont sensiblement diminué.» Ce que tempère notre agent d'assurances : «Je pense, au contraire, que le portable a renforcé les liens familiaux. Les gens s'enquièrent plus aisément des nouvelles de leurs proches. Et puis, je constate que quand la maman par exemple s'abonne chez un opérateur, tous les membres de la famille s'abonnent chez le même opérateur afin de bénéficier des bonus et autres tarifs promotionnels qu'il propose. Du coup, on paie moins cher et on appelle plus.»
Le portable, instrument «féministe»
Autre fait qui revenait souvent au cours de notre reportage : les réflexions misogynes de certains, dénonçant le rôle qu'aurait joué le portable comme instrument de liberté au profit des femmes. Une attitude que résume parfaitement Amine, notre agent hospitalier : «Le mobile a perverti les mœurs des Algériens. Depuis l'apparition de cet outil, les filles font ce qu'elles veulent. Vous pouvez conquérir le cœur de n'importe quelle nana avec un simple SMS !» Et de relater cette anecdote : «Rah sari laâdjeb ! L'autre jour, en pénétrant dans notre cage d'escalier, je suis tombé sur deux ''papiches'' qui ont à peine 15 ans, et qui écoutaient avec leur portable une chanson raï dont les paroles étaient : ''N'dji n'douache maâ h'bibi f'la baignoire''.» «C'est ce qui explique toutes ces histoires de divorce à cause du portable, ces histoires de jalousie, ces crimes, ces infidélités», détaille Amine. «Récemment, dans mon quartier, une violente dispute a éclaté entre une fille et son frère à cause du portable. La fille parlait au téléphone dans sa chambre. Le frère est rentré brutalement en criant :''«Maâ men raki tahadri ?'' (avec qui tu parles ?» Elle, a dit que c'était avec sa copine. Il ne l'a pas crue et il a cassé le portable en rouant sa sœur de coups.»
Que l'on adhère ou non à ces arguties moralisatrices, il est indéniable que le téléphone portable a fait faire à la société algérienne un bond spectaculaire dans la modernité. De nouveaux comportements, de nouvelles mentalités, de nouvelles communautés ont été induits par le portable. Un appendice investi désormais d'une dimension symbolique insoupçonnée qui dépasse de loin sa valeur utilitaire. Objet fétichisé, il est le sujet de toutes les attentions. Loin de se limiter à la simple fonction communicationnelle, la technologie du portable étend désormais à l'infini les possibilités d'échange et d'expression qu'offre cet outil. Les gens se confient à leur portable, filment leur quotidien, surfent sur internet, diffusent des contenus de toute sorte (musique, blagues, gags, vidéos insolites, etc), bref : ils vivent dans leur portable. Il est pourtant un paradoxe que ne manque pas de susciter l'utilisation effrénée du portable, et que résument ces propos cueillis dans la bouche d'un mystique urbain rencontré à Bab El Oued : «Quand je vois tous ces trucs, les écouteurs partout, les gens qui se parlent tout seuls dans leur voiture, j'ai comme l'impression que les Algériens sont en train de devenir fous. Si au moins cela servait à les rapprocher un peu plus ! Je vois plus de gens qui friment que de gens qui se parlent.»


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