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Balzac, un conteur fantastique
La leçon humaine
Publié dans El Watan le 29 - 12 - 2005

Rien n'est ni aussi exaltant ou ni plus pathétique que de rendre son dernier souffle en tentant désespérément de réaliser un ultime vœu, surtout quand cet ultime vœu c'est de rendre un dernier hommage à sa si jeune et si séduisante épouse en attente d'affection et en manque de tendresse.
Pour mourir dignement, autant mourir dans les bras d'une belle et sémillante dulcinée. Telle est l'humaine leçon que nous livre ce conte fantastique balzacien, car rien n'est plus atroce que de mourir sans amour ni affection, même quand la flagornerie tente d'y suppléer. Il faut tout l'art et le génie de Balzac pour imaginer une histoire aussi rocambolesque mais qui nous tient, de bout en bout, en haleine tant elle est au plus près de la réalité et parle à notre imagination assoiffée de légendes et de contes initiatiques, quand les temps d'incertitude confinent au désespoir, à défaut de saine et salvatrice révolte. Nous sommes en 182... Nous sommes à quelques mois à peine de la conquête de l'Algérie, quand une imposante révolution de palais allait précipiter la France dans une nouvelle et folle aventure coloniale qu'elle paiera chèrement malgré un discours triomphaliste et suffisant avec la bonne fausse conscience du civilisateur. La France vit une profonde crise économique et sociale qui la pousse irrémédiablement à agresser des peuples et à ouvrir de nouveaux comptoirs de rapine et d'exploitation à prix de génocides, de massacres et de spoliations. Des classes sociales anciennes raffinées et cultivées se disloquent cependant que de nouvelles catégories cupides et sans scrupules émergent avec un féroce appétit de vivre et une rapacité sans pareille. C'est alors que la plume de Balzac entre en labeur pour nous décrire et nous expliquer cette terrible mécanique qui transforme une société sans donner l'air de la bousculer, mêlant un réalisme avéré à une rêverie folle et somme toute débonnaire. Comme on aimerait voir ce type de littérature éclore dans notre si éprouvante et lamentable quotidienneté. Un jeune étudiant désargenté, sorti tout droit d'une page de roman de Dostoïevski (Le joueur), est au bout du suicide. D'origine aristocratique, Raphaël de Valentin vit pauvrement dans une mansarde à Paris du côté du vieux quartier du Marais, non loin de la Bastille, lieu de sinistre mémoire si besoin est de le rappeler. En cette fin de mois de l'automne, il n'a plus qu'une petite pièce pour se nourrir, préférant rentrer très tard quand la concierge de son immeuble dort profondément, et sortir avant l'aube pour éviter de la rencontrer dans les escaliers et d'avoir encore à lui mentir pour toujours différer le paiement de la location. Ce jour-là, Raphaël, au bord du désespoir, décide de confier sa vie au hasard, au jeu de hasard à proprement parler, non sans avoir pris une terrible résolution : devenir riche ou se suicider. Le voici sur le Pont Neuf à Paris après avoir joué et perdu sa dernière pièce de monnaie. L'eau courante s'en va coulant et la Seine de serpenter invitant le jeune homme au plongeon salvateur. Mais c'était compter sans le génie narcissique et sulfureux de Balzac. Puisqu'il s'agit de se suicider, tant qu'à faire autant provoquer un scandale pour culpabiliser les badauds qui se précipitent à cette époque vers les grands magasins de la rue de Rivoli et du boulevard de Sébastopol. C'était presque l'époque des fêtes de fin d'année. Mais il n'y avait pas grand monde à cette heure-ci sur le pont. Raphaël décide de se jeter dans l'eau avec la sortie des salariés à la fin de la journée et au moment de la grande cohue des lourdes calèches. Quel beau spectacle cela fera, et puis on parlera de cet acte malheureux au moins toute la soirée. Ainsi le jeune désespéré ne sera pas mort dans l'indifférence. Ce sera toujours ça de gagné sur l'adversité. Alors le candidat au suicide se propose de faire un dernier tour dans le Marais, quartier juif de Paris où l'atmosphère qui y régnait laissait peser comme un soupçon de mystère et de sorcellerie, du moins c'était ce qui se croyait encore en ce XIXe siècle, ce temps maudit des pogromes et de l'antisémitisme. Dans la boutique d'antiquaire où il s'aventure attendant sa dernière heure, Raphaël s'attarde devant un tableau du célèbre peintre de la Renaissance, Raphaël de Senzo représentant Jésus-Christ auréolé de lumière, quand il entend une voix dans son dos qui lui glace littéralement le sang, une voix caverneuse, une de ces voix d'outre-tombe émise par un personnage qui lui apparaît alors en l'incarnation de Méphisto, le sauveur de Faust. Et voilà notre écrivain réaliste embarqué dans le genre fantastique que le courant romantique naissant tente de mettre au goût des lecteurs de l'époque. Raphaël est alors soumis à la tentation diabolique de jouer sa vie sur le moyen terme en la damnant par une prolongation fatale qui, littéralement, lui taraudera l'esprit jusqu'à son dernier souffle : la conscience de plus en plus aiguë et insupportable de la fin inéluctable quoi que puisse faire la science. Il ne trouvera grâce que par la générosité de son créateur d'écrivain qui pense lui faire rendre l'âme avec son ultime désir du tout dernier orgasme irréalisé que provoque en lui le regard langoureux et douloureux de Pauline, la fille de son ex-concierge qu'il avait fini par épouser une fois devenu richissime par un héritage inespéré mais combien fatal. Cet unique conte philosophique de Balzac, ce texte énigmatique dans une œuvre générale inscrite dans la logique réaliste, est une invitation à la sagesse et à l'humilité. Car aussi puissant qu'il puisse croire ou s'illusionner être, l'homme qui s'aventure à se prendre pour un sauveur suprême n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature. Balzac, lecteur de Goethe et admirateur de Faust, n'aura jamais oublié d'être humain, généreux, rappelant à ses lecteurs que la vertu est la seule et unique véritable qualité que l'homme puisse espérer emporter dans sa tombe quand l'inévitable arrivera. Si on admire la fin romanesque de La peau de chagrin, cette fin où un jeune homme qui joue sa vie pour échapper à la misère est puni atrocement de n'avoir pu réaliser son ultime désir, posséder une dernière fois sa propre épouse si aguichante et si désirable, nous restons subjugués par la virtuosité de la si fine et si touchante sensibilité que nous procure l'œuvre combien pathétique et combien humaniste du Père Goriot, gros bourgeois richissime, dont la mort dans une pension minable traduit tout ce que la vie facile et les apparences hypocrites cachent comme travers des relations interpersonnelles, y compris celles des plus proches. Au moment de la curée, les vautours et les rapaces du cercle étroit de la parenté et surtout ceux de la si versatile fraternité clientéliste, lèvent le rideau sur la bien sinistre comédie humaine où tous les rôles se révèlent et où chacun, quel qu'il soit ou quelle qu'ait pu être sa mégalomanie démesurée, est ramené à sa juste insignifiante dimension de petit homme et de pitoyable créature. « Car l'œil était encore dans la tombe à regarder Caen », rappelait sagement le vieux Victor Hugo pourfendeur de l'Empereur imposteur.

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