Il y a bien longtemps qu'il existe à Aïn Beïda des femmes soukières. Surtout des femmes du troisième âge qui ont pris le pli de hanter le souk de la ville. Eté comme hiver, elles sont là, assises à même le sol, proposant aux passants des vêtements par-ci, des bijoux par-là, généralement des objets d'occasion qui, par leur prix, satisfont les acheteurs. Ces marchandes ambulantes, qui vendent pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, perpétuent une tradition plus que séculaire, préférant être utiles que de vivre aux crochets d'un des leurs. Mais, se demande-t-on, qui a introduit le premier ou la première cette pratique qui veut que ce soit des femmes qui exercent le métier de marchandes ambulantes, aux côtés des hommes, sans aucun complexe, ni aucune gêne à perpétuation de cette tradition, même si elle a un peu diminué, faute de nouvelles vendeuses ? En tous les cas, cette forme de commerce remonte, à ce qu'on dit, à la période coloniale. C'est en ce temps-là qu'est apparu le phénomène des « dellalate ». Ces mêmes dellalate avaient pour habitude de faire du porte-à-porte, chargées de couffins emplis de vêtements, de coupons de tissu, de bijoux en argent et même en or, et qu'elles proposaient à leurs fidèles clientes. Elles acceptent parfois de vendre à crédit, sachant leurs clientes solvables. Avec le temps, les dellalate se sont sédentarisées, squattant les places des marchés, les trottoirs des rues populeuses ou même les hammams à forte clientèle. Ces affaires, bien que ne marchant plus comme naguère à cause du pouvoir d'achat des clientes, il n'en demeure pas moins que les marchandes continuent à s'adonner à leur commerce avec le même plaisir et le même entrain, tout en maintenant l'espoir de voir prospérer ce négoce. Et comme il s'agit d'une belle tradition à maintenir vivace, personne ne considère l'activité de ces femmes comme dévalorisante. Au contraire, il y a des femmes qui, malgré l'âge, font preuve d'un dynamisme à toute épreuve, ne comptant que sur elles-mêmes. Une façon comme une autre de dire : « Nous existons et sommes utiles à la société. »