En plein mois d'août, le gouvernement a jugé utile de balancer une somme de chiffres sur la création de l'emploi et les investissements durant le premier semestre de l'année en cours. L'Exécutif, dirigé par Ahmed Ouyahia, soutient qu'un peu plus d'un million d'emplois ont été créés. Pour ce qui est du deuxième volet du bilan, il a été annoncé que près de 29 milliards de dollars ont été investis. Dans les deux cas, les chiffres rendus publics avant-hier par les services du Premier ministère donnent du vertige. Ils sont loin d'être visibles sur le terrain. Pour plus d'éclairage, nous avons sollicité l'avis d'un expert économique. Il s'agit de Abdelhak Lamiri qui pose une somme d'interrogations avant de nous donner son analyse. Quelle est l'incidence de ces emplois sur le taux de chômage dans notre pays ? Est-il toujours à 10,2% ? Combien y a-t-il de nouvelles demandes d'emploi ? Le gouvernement ne donne malheureusement pas de réponse, il n'a pas le sens du détail. Il y a de sérieuses raisons de douter du taux de chômage avancé et évidemment du nombre d'emplois créés en six mois. Le taux de 10,2% ne peut être valable que pour les pays développés. Chez nous, il prête à équivoque. Pourquoi ? Abdelhak Lamiri soutient que ce sont «de faux emplois, des emplois d'attente». Pour lui, «la bataille en la matière est perdue. On n'a que 450 000 entreprises alors que le Maroc en possède plus d'un million», souligne l'économiste. Il explique qu'au lieu de créer et de développer des entreprises génératrices d'emplois, on a consacré beaucoup d'argent au développement des infrastructures. Par ailleurs, «le gouvernement confond entre les dépenses publiques et l'investissement». Celui-ci, dit-il, est «peu productif». M. Lamiri précise que chaque année, on dépense 80 milliards de dollars. Mais 80% de cette enveloppe sont destinés aux infrastructures, et 10% seulement sont réservés pour l'entreprise. «On aurait dû faire l'inverse», tranche notre interlocuteur qui, visiblement, remet en cause, à raison d'ailleurs, les choix économiques adoptés par l'équipe dirigeante depuis une dizaine d'années. Un seul indice suffit pour connaître l'ampleur du désastre de ces choix : le pays reste dépendant à 98% des recettes pétrolières. Et cette réalité n'échappe à personne, même au plus profane des Algériens. Reste à savoir maintenant pourquoi le gouvernement a publié de telles statistiques en ce moment précis ? Ce n'est certes pas un effort de transparence, car personne ne croit à ses chiffres. C'est même hallucinant, un expert économique a attiré hier l'attention sur la signification de la création de plus d'un million d'emplois : selon lui, si la population active est, comme le disent les statistiques officielles, de l'ordre de 1 800 000 et que le taux de chômage est de 10,2%, avec le nombre de nouveaux emplois annoncé, on est dans le plein emploi ! Quelle supercherie ! Notre expert ironise : «Avec le plein emploi, on doit en principe faire appel à la main-d'œuvre étrangère.»