Les Palestiniens vont à l'ONU la semaine prochaine pour tenter d'obtenir ce que ni la lutte armée ni les négociations ne leur ont procuré depuis des décennies : l'admission d'un Etat souverain de Palestine sur les lignes de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale. Alors que la rue palestinienne est partagée sur la question, les Israéliens menacent. De notre Correspondant Les coupures de courant, le manque de médicaments dans les hôpitaux, le retard ou le non-versement des salaires des fonctionnaires, la fermeture du point de passage de Rafah, le chômage, la pauvreté, et même les matchs de football (surtout lorsqu'il s'agit du Real Madrid et de Barcelone)… Quand la rue ghazaouie est épargnée par les agressions militaires israéliennes, voilà de quoi parlent les Palestiniens. Enfin, depuis que le président Mahmoud Abbas et la direction palestinienne ont commencé à évoquer l'obtention de la candidature à part entière de l'Etat de Palestine aux Nations unies, le sujet est régulièrement débattu en famille, entre amis, voisins, passagers de taxi ou sur les pages des réseaux sociaux tels que facebook. «Je soutiens ce projet pour plusieurs raisons. Israël ne veut rien nous donner et, après plus de dix-huit ans de négociations, on se rend compte qu'on est au point zéro», constate Abou Abdallah*, militant fathaoui de 46 ans, abordé dans un supermarché du quartier Ennasr, à l'ouest de la ville de Ghaza. Père de deux enfants et officier au chômage forcé depuis le contrôle de la bande de Ghaza par le Hamas en juin 2007, il perçoit toujours son salaire du gouvernement de Salam Fayad, installé à Ramallah. Espoir perdu «De plus, Israël poursuit la construction des colonies sur nos terres occupées en 1967, et bientôt il n'en restera rien, au point qu'il sera impossible d'établir notre Etat indépendant. Cet acte diplomatique peut embarrasser Israël, les Etats-Unis et tout le monde occidental plus que toutes les actions armées que nous avons menées pendant plusieurs décennies sans résultat. Quant au soutien des Arabes, c'est une erreur d'en espérer grand-chose. Ils sont tous occupés par leurs problèmes internes et mettront des années à se réorganiser.» Et de poursuivre : «Israël et les Etats-Unis nous menacent de sanctions économiques et financières, mais ce ne sera qu'un peu plus de difficultés ajoutées à celles que nous vivons quotidiennement. Il faut foncer droit au but sans regarder derrière.» Rencontré dans un taxi, Abou El Aabed, ancien commerçant au chômage depuis des années, vivant grâce à quelques économies rassemblées lorsqu'il possédait un atelier de confection, est plus sceptique. «La direction palestinienne n'a pas suffisamment expliqué au peuple à travers les médias tous les enjeux de cette décision. Et puis, vous savez comme moi qu'il y a des dizaines de décisions et de résolutions de l'ONU concernant la cause palestinienne toujours restées lettre morte, souligne-t-il. Pour moi, c'est un saut dans le vide. J'ai perdu tout espoir dans les actes politiques ou même dans la résistance armée, surtout après ce qui s'est passé à la suite des derniers attentats en Israël. Ceux qui se proclamaient défenseurs de la résistance armée (le Hamas) se sont déployés aux frontières de la bande de Ghaza avec Israël pour empêcher les tirs de roquette contre l'occupant». Droit au retour Fonctionnaire au ministère de l'Education, Abou Daoud, 27 ans, marié et père d'un garçon de 2 ans, en parle aussi beaucoup avec son entourage. «Ce projet nous permettra de parler de terres “occupées“ et non de terres “en litige“ comme le prétend Israël. J'ai un enfant et je veux qu'il ait plus de chances de vivre réellement, confie-t-il en achetant quelques fruits à Souk Ezzaouiya, célèbre marché de Ghaza, près de la place de la Palestine où se font les rassemblements. J'ai beaucoup pensé à émigrer en Europe rien que pour mon fils. Actuellement, il n'y a pas d'espoir en une amélioration des conditions de vie. A l'occupation s'est ajoutée la division. Nous sommes le seul pays au monde avec deux gouvernements avant même d'être indépendants. Mais je suis pour l'obtention de l'adhésion aux Nations unies, quel que soit le prix à payer.» La femme palestinienne, principale victime de la tragédie qui dure depuis plus de soixante ans, a aussi son avis. Arwa, mère de quatre garçons, médecin militaire, se montre plutôt pessimiste. «Après avoir lu plusieurs analyses, j'ai certaines appréhensions. L'adhésion de la Palestine à l'ONU et sa proclamation comme Etat indépendant risquent de compromettre le droit au retour des réfugiés dans leurs terres - qui seront en dehors de l'Etat palestinien, c'est-à-dire en Israël, explique-t-elle. De plus, l'Etat hébreu exigera le retrait de l'Unrwa, l'agence onusienne pour l'aide aux réfugiés palestiniens, et demandera aux pays occidentaux de reconnaître El Qods comme sa capitale. Alors je ne suis pas sûre que ce soit le bon choix…»