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Voltaire, le second dans tous les genres
L'esprit et les lettres
Publié dans El Watan le 12 - 01 - 2006

Voltaire a écrit quelque 8000 lettres. C'est une belle leçon pour les paresseux comme ce M. Thiriot à qui il adresse de doux reproches le 14 novembre 1735. Passer toutes ses soirées chez un mécène, voilà ce qui peut se comprendre en des temps où les parasites et les mécènes trouvent leur compte, les uns dans l'humiliation méritoire et les autres dans la flagornerie méritée. Les temps sont durs, mais ce n'est pas une raison pour ne faire que ça.
Gentiment, Voltaire tire les oreilles à cet ami de jeunesse qui passe sa jeunesse en oubliant qu'il sera bientôt vieux et infirme. « Il faut vous préparer une arrière-saison tranquille, heureuse, indépendante. » Voilà le conseil donné à l'ami par un philosophe qui écrira beaucoup pour se prémunir contre l'âge qui n'outrage pas seulement le sexe faible, mais aussi des hommes à l'esprit trempé qui tiennent à la tranquillité et qui tentent, en période difficile de mécénat, de conjuguer le bonheur avec l'indépendance. Voltaire écrira donc beaucoup et de tout. Des pièces de théâtre, des contes, des articles de dictionnaire philosophique, 8000 lettres et peut-être même plus. L'écriture est massive et continue, comme pour lester le temps qui passe de celui qui doit assurer sa survie au moment du dernier naufrage après celui de la vieillesse. Volumineuse, variée, dispersée dans des genres différents, la production de Voltaire se verrait accablée d'un revers de médaille que l'esprit sagace de Diderot brosse d'un trait acéré : « Voltaire le second dans tous les genres. » A force de trop étreindre, on embrasse mal, paraît-il. Je voudrais dire qu'au moins, dans ses lettres, Voltaire embrasse bien : à la fois son siècle et lui-même dans ce siècle dont il n'attend pas de cadeaux. Je ne sais pas combien de temps Voltaire mettait pour écrire chacune de ses lettres. Dans celle qu'il adresse à son ami Thiriot, il parle d'un « demi-quart d'heure vis-à-vis son écritoire ». Quelques minutes pour donner des nouvelles du monde. L'Angleterre se porte bien. Embastillé, roué de coups pour cause d'impertinence à l'égard d'un chevalier arrogant, Voltaire est obligé de passer de l'autre côté de la Manche. Il arrive en colère, il tombe sous le charme d'une terre qui a trouvé le progrès et la liberté dans la monarchie constitutionnelle. L'Angleterre le mûrit et l'arme contre les « petits rois », dont il n'attend aucune consolation. Cette consolation, il le sait, ne lui sera donnée que par les belles lettres, tout ce qu'il écrit jour après jour. Autorisé à revenir en France, l'impertinent philosophe revient dans son pays riche de manuscrits et de projets. Pour un peu, il en remercierait le chevalier ombrageux qui lui a rendu service en le contraignant à l'exil. Il en est bien capable, mais il s'en garde bien, l'humour étant la chose la moins bien partagée dans un pays soumis à la pesante gravité de l'absolutisme. Voltaire, l'innocent, se contentera donc de faire circuler ses lettres d'Angleterre. Enorme scandale. Le Parlement ordonne que le livre soit brûlé. Il faut de nouveau envisager la fuite. Le philosophe se réfugie chez son amie, Madame du Châtelet, au château de Circey en Champagne. Cinq années de retraite et d'études en compagnie d'une femme exceptionnelle qui a la passion des sciences. Elle est adepte de Leibniz, lui, de Newton. Ils composent à deux un essai sur la nature du feu. Même quand il est intérieur, l'exil profite à un homme dont l'esprit n'est jamais au repos. Il est vrai que l'hôtesse est ensorcelante, libre et libérée de tout préjugé, brûlant pour les sciences, goûteuse de littérature. Celle-là, « la divine Emily », était bien capable d'électriser encore davantage un cerveau captant déjà toutes les émissions en fusion dans l'air d'un siècle encyclopédiste et ravageur, pour peu que l'on ait de l'appétit, refusant de mourir stupide. Roué de coups, embastillé. Mais pas stupide dans un siècle qu'il faut mériter en poursuivant l'œuvre de réflexion et d'écriture. La France se porte mal. Condamné et proscrit en 1734, Voltaire reparaît à Paris quelques années plus tard, comme une fleur, comme si de rien n'était. Disgracié, le philosophe se redresse en un tournemain, grâce à quelques compliments bien tournés, à bonne hauteur. Dans le tourbillon de la cour, il faut plaindre « un pauvre diable qui est devenu un bouffon du roi à cinquante ans ». Le bon roi n'est pas le roi français qui oblige un philosophe à mal tourner, et qui ne s'intéresse ni à la politique ni à la littérature. Le bon roi est peut-être le roi de Prusse en personne. Frédéric II n'était encore que prince lorsqu'il commence à échanger une correspondance avec Voltaire. C'est le prince qui fait le premier pas dans les années 1930, en évoquant le cas d'un philosophe allemand (Wolf) « cruellement accusé d'irreligion et d'athéisme ». Le prince philosophe loue les ouvrages de Voltaire dans lesquels il reconnaît « un cours de morale où l'on apprend à penser ». Dès lors, le dialogue s'installe entre les deux hommes, « en un commerce de lettres qui ne peut être que profitable à tout être pensant ». Devenu roi de Prusse en 1740, le jeune prince ne semble pas vouloir démentir les belles promesses affichées. Frédéric II aime s'entourer de savants et de littérateurs français. Il multiplie ses invitations auprès de Voltaire qui finit par accepter. Le philosophe arrive bien disposé, il repartira déçu, l'esprit indisposé par les revirements d'un despote qu'il croyait éclairé. Il apprend par une indiscrétion que le roi « le presse comme une orange avant de jeter l'écorce ». Humilié, Voltaire reste prudent. Il ronge son frein. De Berlin, en 1752, il écrit à sa nièce, Madame Denis, qui lui avait prédit que « le roi de Prusse le ferait mourir de chagrin ». Il ne se sent pas d'humeur à mourir d'une si sotte mort. De cette humeur caustique qui le rend excellent, Voltaire pense à sauver « l'écorce » de l'orange pressée. Il établit un petit dictionnaire à l'usage des rois. « Mon ami signifie mon esclave », Mon cher ami signifie vous m'êtes plus qu'indifférent. Entendez par je vous rendrais heureux : je vous souffrirai tant que j'aurai besoin de vous. Devenu roi de Prusse, le prince philosophe est devenu un roi « entouré de moustaches » à son service. Prince, il disait à Voltaire : Vous êtes philosophe ; je le suis de même. Vingt ans plus tard, Voltaire réplique au roi : Ma foi, Sire, nous ne le sommes ni l'un ni l'autre. Le séjour volontaire chez le roi de Prusse aura été le seul à décevoir un philosophe qui savait pourtant combien il faut se défier des préjugés et des rois inlassables amateurs de bouffons. Devenu roi à son tour, dans ce royaume de Ferney qui sera sa dernière retraite, Voltaire aura la satisfaction d'avoir bien à lui les deux ou trois trous nécessaires aux philosophes contre les chiens qui courent après eux. Le philosophe règne désormais sur son territoire, assuré d'une arrière-saison tranquille et indépendante. C'est là qu'il composera, chaque jour, au moins « un demi-quart d'heure vis-à-vis son écritoire », une immense correspondance qui rayonnera dans toute l'Europe. Devenu roi, Voltaire ne reniera pas les constantes d'une pensée qui ne voit des bouffons que dans l'insondable bêtise humaine.

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