Faut-il se coucher à point d'heure pour s'éveiller sur la question des émigrés chibanis ? France 3 l'a laissé entendre en diffusant Etrangers des deux rives lundi, tard dans la nuit. Lyon De notre correspondant Le documentaire de Hamid Arab et Djamel Sellani, Etrangers des deux rives, a-t-il révélé l'ampleur du malaise des Maghrébins qui, après avoir travaillé une bonne partie de leur vie en France, végètent dans une vieillesse solitaire et difficile ? Ceux qui ont pu voir ce film sur France 3 (à 00h25 heure française, 23h25 heure algérienne) comprendront que la question des vieux émigrés commence à interpeller la société française. Le remords de voir ces vieilles personnes vivre leurs derniers jours dans la déchéance n'alerte pas encore la majorité de l'opinion publique, mais inquiète les travailleurs sociaux et les associations humanitaires. L'une des raisons de la mobilisation est le non-versement ou la réduction des prestations familiales ou de retraite en cas d'absence prolongée au-delà de six mois. Avec ce documentaire,diffusé en nocturne, les couche-tard vont s'éveiller à ce problème. Dès les années 1950, des milliers de jeunes hommes, originaires du Maghreb, arrivent dans l'Est de la France pour participer à l'effort de reconstruction du pays. Après toute une vie de travail dans la sidérurgie, dans le bâtiment, Hamid, Abdellah, Bourouis, Mohamed, Bachir se retrouvent aujourd'hui, au soir de leur vie, pratiquement dans des conditions voisines à celles qu'ils ont connues à leur arrivée, seuls et loin de leur pays. Ces vieux hommes ont mis au placard le mythe du retour au pays qui les a bercés durant toute leur immigration. Ils vivent en foyer. On les appelle «les chibanis», les hommes aux cheveux blanchis. En dépit de leur fragile santé, ils occupent à demeure des chambres exiguës dans des conditions pas vraiment adaptées à leur condition et à leur âge. Comme eux, ils seraient environ 55 000 à vivre dans ces foyers, ces hôtels ou, au pire, chez des marchands de sommeil. Ces oubliés de «l'intégration» cultivent, en leur for intérieur, un sentiment de rejet par les deux sociétés, de part et d'autre de la Méditerranée. Isolés et oubliés ici, incompris là-bas, ils continuent à vivre entre eux, avec leurs espaces et leurs repères. Ils ont perdu avec leur travail, le lien social les unissant à d'autres groupes de la population. A leur pays d'accueil, ces migrants ont donné leur vie d'homme et leur force de travail sans rechigner pour édifier la France. A leur pays d'origine, l'Algérie, ils ont offert à leur famille un mieux-être. Beaucoup considèrent comme illusoire le retour définitif au pays natal. Ils sont seuls dans les foyers de Toul, de Florange, à Hayange, ils n'attendant plus que l'ultime départ pour enfin trouver cette quiétude qui leur a tant manqué. Etrangers des deux rives, une coproduction Les films du Cyclope, avec France Télévisions (France 3 Lorraine)