Trois prévenus en détention à Serkadji, poursuivis dans l'affaire DGSN-ABM, ont entamé une grève de la faim. Le procès en appel est prévu pour le 11 décembre prochain. Leurs avocats dénoncent «une série de violations de la procédure» et exigent «un jugement équitable et transparent». C'est dans les bureaux du bâtonnat d'Alger que trois avocats ont animé, hier, une conférence de presse pour dénoncer ce qu'ils qualifient de «dérive judiciaire» contre laquelle trois de leurs mandants, Mohamed Antri Bouzar, PDG d'ABM (une société privée), Toufik Sator, directeur général adjoint (gendre de Oultache) et Zerouk Djaïdir, directeur commercial, condamnés à 6 ans de prison, ont entamé une grève de la faim dans leur lieu de détention, à Serkadji. «Ils savent que cette action peut nuire à leur santé et nous avons même tenté de les en dissuader, mais ils persistent dans leur action en disant que c'est en désespoir de cause qu'ils passent à un stade extrême. Leur but : alerter l'opinion publique sur l'arbitraire dont ils ont fait l'objet et en même temps exiger un procès équitable où il n'y aura que l'application de la loi et rien que la loi», déclare maître Tayeb Belarif, avocat de Chouaïb Oultache (condamné à 7 ans de prison). Et de préciser : «Si ce n'était son diabète, même Oultache serait en grève de la faim.» Me Belarif s'offusque des attendus du jugement du 9 novembre, rendu par le tribunal correctionnel d'Alger, où il est indiqué : «Même si le décret portant réglementation des marchés n'interdit pas de retenir une offre recevable unique, l'usage veut que l'appel d'offres soit déclaré infructueux et qu'en retenant l'offre d'ABM après élimination de son seul concurrent, Oultache et les membres de la commission d'évaluation technique des offres ont commis les délits de dilapidation de derniers publics, usé de trafic d'influence, conclu un contrat en violation de la réglementation.» Un argumentaire que dénonce l'avocat : «Le juge a outrepassé ses prérogatives. Il a légiféré au lieu d'appliquer la loi, qui doit être supérieure aux usages.» Revenant sur les circonstances de l'affaire, Me Belarif rappelle les deux plaintes qu'il a déposées, l'une contre X pour soustraction frauduleuse du rapport de l'inspection générale sur la base duquel l'enquête sur les marchés a été déclenchée ainsi que le rapport d'analyse comparative des onduleurs proposés par ABM et ceux d'un concurrent. La seconde plainte pour recel, dit-il, a été déposée contre la magistrate qui a eu à juger l'affaire. «Une requête en récusation du juge chargé du dossier a été déposée auprès du président de la cour d'Alger le 17 octobre. Une requête en suspicion légitime a été introduite le 27 octobre 2011 auprès du président de la Cour suprême. Aucune de ces procédures n'a eu le moindre écho, pas même la notification d'un méprisant classement», note Me Belarif. Pour lui, le jugement «repose sur quatre piliers de soutènement qui risquent de s'écrouler au moindre souffle de bon sens», citant que «le lien entre Oultache et Sator constitue seul, aux yeux du juge, toutes les infractions». Selon lui, «les 0,12% des actions détenues par Sator dans ABM ne lui donnent pas le droit d'avoir un pouvoir décisionnel. Il est rentré après que le Fonds koweitien d'investissement (FAKI) se soit retiré. Un fonds qui a fait perdre à l'Algérie 4 milliards de dollars, mais dont les auteurs n'ont jamais été inquiétés». Les autres piliers, révèle l'avocat, sont «la modification des délais de livraison des onduleurs par ABM et la dispense de paiement des pénalités de retard par cette dernière, la mise à jour du cahier des charges par Oultache et ses collaborateurs en vue de favoriser ABM et le non-respect de l'usage en matière de passation de marché pour favoriser ABM». L'avocat conclut en disant : «Le respect de la procédure est, pour un procès comme les ablutions pour la prière. Sans elle celle-ci n'est pas valable.» De ce fait, il exige «le rétablissement du droit à travers le strict de la loi dans la forme et le fond». Pour ces raisons, les trois prévenus en grève de la faim, explique Me Belarif, sont décidés à poursuivre leur action tant que «des garanties pour un procès juste et équitable ne sont pas réunies».