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L'histoire partielle et partiale
La guerre d'algérie
Publié dans El Watan le 01 - 03 - 2006

Il y a un an, l'Assemblée nationale et le Sénat français ont adopté la loi n°2005-158/23 février 2005 portant « reconnaissance de la nation et contribution en faveur des Français rapatriés ». Son article 4, dans son deuxième alinéa - abrogé sous la pression -, imposait une lecture « positive » de la colonisation, balayant ainsi d'un revers de la main les crimes, les exactions, les massacres et les ethnocides commis, au nom de la France, par une « armée républicaine issue de la révolution de 1789 ». Faisons donc appel aux témoignages des acteurs français eux-mêmes.
« Le destin pose deux doigts sur les yeux de l'homme, deux dans ses oreilles, et le cinquième sur ses lèvres en lui disant : “Tais-toi !” »
Proverbe arabe
5 juillet 1830, l'armée française débarque à Sidi Fredj. Au-delà du fameux « coup d'éventail » du consul Pierre Deval « un proxénète entièrement déconsidéré parmi les Européens qui résidaient dans le pays... et diplomate peu soucieux des intérêts de la régence(1) », deux arguments sociopolitiques de taille étaient derrière la conquête. La chasse aux colonies pour la grandeur de la France et de sa place par rapport à l'Angleterre était l'argument externe usité à l'époque pour justifier la colonisation de l'Algérie. Le second, d'ordre interne, consistait à contenir « ‘‘le bas peuple'' sans terre ni emploi, qui doit y trouver ce que la mère patrie ne peut lui offrir, en raison de l'exiguïté de son territoire et de son incapacité à lui fournir le travail dont il a besoin »(2). La conquête jamais achevée sera âpre, rude et violente, longue de plus d'un siècle, au cours duquel émergeront le Bon, la Brute et le Truand : des généraux partisans de l'ethnocide pour triompher, quelques officiers respectueux des lois de la guerre, des théoriciens de la colonisation défenseurs de l'expropriation des indigènes, des politiciens envoûtés par les intérêts de « l'Algérie française » et insouciants quant aux aspirations des Algériens et enfin des missionnaires dans leurs croisades entendaient déshabiller l'Algérien de sa religion, de sa personnalité. Tous formaient le gros du gotha de l'Etat colonial.
La guerre sans loi ou la fin justifiait les moyens
« Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre du riche au pauvre. La conquête d'un pays de race inférieure, par une race supérieure, qui s'y établit pour le gouverner, n'a rien de choquant... La nature a fait une race d'ouvriers ; c'est la race chinoise, d'une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment de l'honneur... ; une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre..., une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne », écrivait en 1871 le rationaliste Ernest Renan dans La nécessaire réforme de la France. Lors de la prise d'Alger, De Bourmont s'engageait au respect de la religion musulmane, à la liberté des habitants, et à ce que leur commerce, leurs terres et leurs industries soient préservés. Deux mois plus tard, le général Clauzel, qui symbolisera pour les Algériens la spoliation légale et la malhonnêteté, violera l'engagement. Il inaugure la politique de privation et de confiscation des biens habous qui permettront à de nombreux officiers de s'emparer de terres algériennes. C'est le début de la colonie de peuplement. Des stocks d'or et de bijoux constituant le trésor de La Casbah furent pillés par des intendants généraux sans être inquiétés malgré la dénonciation d'officiers français comme Berthézene : « On est venu que pour piller les fortunes publiques et particulières, on m'a proposé de faire ou de laisser faire, de laisser voler les habitants parce que c'est autant d'argent importé en France ; enfin d'obliger les habitants à déserter le pays pour s'approprier leurs maisons et leurs biens. » A partir de 1832, une nouvelle ère de la colonisation commence. C'est la guerre d'extermination par enfumades et emmurements, l'épopée des razzias par la destruction de l'économie vitale, la punition collective et la torture systématique. En avril 1832, la tribu des Ouffia près d'El Harrach fut massacrée jusqu'à son extermination suite à un vol dont a été victime une ambassade, sans preuve ni enquête. Le butin de cette démonstration de la cruauté coloniale que le Duc de Rovigo a laissé commettre, fut vendu au marché de Bab Azzoun où l'on voyait « des bracelets encore attachés au poignet coupé et des boucles d'oreilles sanglantes » comme en témoigne Hamdane Ben Athmane Khodja dans L'aperçu historique et statistique de la Régence d'Alger en 1833. Cette responsabilité collective permet de punir tout un groupe a priori dangereux. Cette pratique aura le souffle long et on la retrouvera pendant ce que la France officielle finira par appeler la Guerre d'Algérie (1954-1962). En 1845, un siècle avant les massacres du 8 mai 1945 et son lot de 45 000 victimes, le général de Cavaignac avait inauguré une année avant l'ancêtre de la « chambre à gaz » que le colonel Pellisier utilisera pour mater l'insurrection des Ouled Riah dans le Dahra. Ainsi, les villageois de cette bourgade s'étaient réfugiés dans des grottes des montagnes avoisinantes pour échapper à la furie des soldats. Ils furent enfumés par « des fagots de broussailles » placés à l'entrée-sortie des grottes. Le soir, le feu fut allumé. Le lendemain, au moins 500 victimes furent dénombrées. Les insurgés avaient pourtant « offert de se rendre et de payer rançon contre la vie sauve », ce que le colonel refusa. Ce « meurtre consommé avec préméditation sur un ennemi sans défense » pourtant dénoncé à la chambre des Pairs n'empêchera pas le général Bugeaud d'assumer « toute la responsabilité de cet acte » et qu'il continuera à aller jusqu'à « la dernière extrémité »(4). Et lorsque le bois et les broussailles faisaient défaut, on pratiquera l'emmurement, comme en témoigne le rapport discret du colonel Saint Arnaud : « Je fais hermétiquement boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. » L'imagination déchaînée et bestiale des premières décennies de la conquête sera « très riche ». On payera des spahis à 10 francs la paire d'oreilles d'un indigène, preuve qu'ils avaient bien combattu. « Un plein baril d'oreilles récoltées paire à paire, sur des prisonniers, amis ou ennemis » a été rapporté d'une expédition dans le sud par le Général Yusuf(5). Les mutilations et les tortures sont systématiques. Elles ne font pas de différence entre un combattant et une personne civile. L'Algérien est suspect a priori. Ces pratiques sont savamment conçues pour montrer la force et la brutalité à la population. Ces violences permanentes justifient « les cruelles nécessités de la guerre », car le régime politique de la colonisation est militarisé. Il n'y a pas de tyran, mais une hiérarchie militaire établie officiellement par une République. Il existe des droits pour les colons et la force brutale contre les Algériens. A titre d'illustration, « 10 000 enfants sont scolarisés sur 500 000 »(6) en âge de l'être en 1890. Auparavant, Bugeaud ne cessait de protester contre l'instruction qu'on proposait au peuple car selon ce Duc d'Isly « la nation ne peut vivre que par un travail très dur qui ne laisse aux hommes des champs et des fabriques ni loisirs ni force pour l'étude »(6). Des textes conçus pour donner une assise légale à la colonisation et à toutes les exactions qui s'ensuivirent régentaient la vie des Algériens. Le code de l'indigénat, petit frère jumeau du Code noir qui balisait la vie des esclaves noirs, justifiait le séquestre et la spoliation, l'internement administratif, les punitions collectives et la ségrégation. La torture a connu une « évolution » au cours de la colonisation. Elle sera perfectionnée en même temps que les autres violences non conventionnelles « grâce aux facilités fournies par une législation d'exception qui laissent les militaires maîtres du terrain... En 1957, elle devient rapidement l'arme reine dans un conflit qui vise en premier lieu la population algérienne »(7). La torture, c'est « la souffrance infligée, l'intention de celui qui l'inflige, et enfin la volonté d'ôter à l'autre sa capacité de penser »(8). Tout est dit. Sauf que plus tard et en 1959, le général de Gaule lui-même reconnaît « par le combat, les exécutions sommaires, les exécutions légales ; nous tuons dix fois plus d'adversaires que ceux-ci ne nous tuent... Prétendre qu'ils sont français ou qu'ils veulent l'être, c'est une épouvantable dérision... Il est tout simplement fou de croire que notre domination forcée ait quelque avenir que ce soit ». (Voir le texte du général en fin d'article).
Ceux qui tentèrent de sauver « L'honneur de la France »
Les Algériens ne peuvent pas oublier la conclusion du rapport de Tocqueville* en 1847 : « Nous avons rendu la société musulmane plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle ne l'était avant de nous connaître », mais la seconde République continuera d'encourager l'arrivée des colons en difficultés et leur offrait des terres de musulmans. Alphonse Daudet** résume en quelques phrases la nature du colonialisme : « En somme pour gouverner l'Algérie pas besoin d'une forte tête ni même de tête du tout. Il suffit d'un képi, d'un beau képi galonné, reluisant au bout d'une trique. » Fromentin***, quant à lui, il compatit « aux épreuves des Maures dont on massacrait la ville et bouleversait la civilisation. Il ne chercha jamais l'exotisme mièvre et ‘'touristique'', mais ce qu'il y a d'humain en chaque arabe ». Plus près de nous, des Français ont osé dire non et ont dénoncé la brutalité de la colonisation et de la guerre d'indépendance. Certains ont carrément épousé la justesse de la cause algérienne. Ils se revendiquent comme « sauveurs de l'honneur de la France ». Francis Jeanson le clame haut et fort en répondant au président Bouteflika lors de sa visite d'Etat dans l'Hexagone en 2000 : « Tu t'adresses à moi comme si j'étais un traître à mon pays. A partir d'aujourd'hui, je voudrais que tu retiennes que mes camarades et moi n'avons fait que notre devoir, car nous sommes l'autre face de la France. Nous sommes l'honneur de la France. »(9)
« Le positif » de la loi sur la colonisation
Le traité d'amitié : cette loi relevait une fois de plus aux Algériens la vraie nature de la colonisation et partant la politique de la France en Algérie. Au lendemain de l'indépendance, les Algériens, sous l'euphorie de la fin de la guerre, « ont voulu rompre définitivement avec l'ère coloniale. La coopération technique avec la France avait eu pour conséquence un grave déficit sur les études historiques. Elles furent subordonnées aux contingences politiques, comme l'ont montré les nombreuses affaires de charniers qui furent surabondamment médiatisés sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing »(10), avant de s'estomper sous Mitterrand. Cette loi a pour mérite de démontrer que les deux tiers des Français, comme l'ont démontré le vote à l'assemblée et le sondage, n'étaient pas encore mûrs pour accepter le verdict de l'histoire et regarder l'avenir dans un voisinage commun. Notes :
1- M. Kaddache in L'Algérie des Algériens de la préhistoire à 1954
2- O.Le Cour Grand Maison in Coloniser-exterminer
3- Ernest Renan, philosophe et historien français, 1823-1892
4- C. A Julien in La conquête et le début de la colonisation- p320
5- Général Yusuf, jeune homme de Sardaigne enlevé par les Turcs et élevé dans la cour du Bey de Tunis. Evadé, il entra au service des Français et se fit remarquer par ses razzias, ses massacres et les exigences qu'il imposait à ses soldats.
6- Chems Eddine Chitour in Jeunes de France, si vous saviez... Revue Panoramiques n°62
7- C. A. Julien in La conquête et le début de la colonisation
8 et 9- Raphaëlle Branche in La torture et l'armée
10- Chems Eddine Chitour idem
* Tocqueville Alexis (1805-1859), homme politique français et écrivain, ministre des Affaires étrangères de la IIe République.
**Alphonse Daudet (1840-1897), écrivain français, ami de Emile Zola et de G. Flaubert.
*** Fromentin Eugène (1820-1876), écrivain et peintre français.


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