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Musique Raï : cette chanson qui fâche, cet air qui réconcilie
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Publié dans El Watan le 07 - 08 - 2012

Née d'une matrice à la fois transculturelle et nomade, la chanson raï constitue aujourd'hui la forme la plus aboutie du syncrétisme musical qui domine la sphère créatrice algérienne de ces trente dernières années.
En effet, parti d'un terrain artistique plus ou moins territorialisé, le genre ne s'est nullement embarrassé de s'encastrer sur les territoires délimités d'ordres musicaux dits «classiques». Et dans cette annexion sans gants et avec trompettes des arts musicaux «majeurs» qui l'avaient lourdement blâmé auparavant, il ne mettra pas les formes lui non plus pour crever tous les abcès de fixation, à abattre tous les barrages qui lui étaient destinés. Débarrassé des interdits parce que né, à l'origine, dans un terreau de désordre, un terreau aspergé de soufre et de souffrance, produit pour exprimer vertement le doux et l'amer, le raï ne croit pas à la poésie pointue, mais à l'alchimie des mots du jour. Une alchimie faite pour être chantée, pour être transmise dans ses accents tendres et vigoureux, ses vocables indomptables et indomptés.
Au thème du destin, s'unit le thème des amours meurtries, des existences confisquées. Assumant ainsi sa nature spontanée et frondeuse, il s'implique ouvertement et ne se dérobe pas à l'empiètement sur les arts d'autrui, car dans sa philosophie, il fait contrepoint aux genres musicaux qui lui faisaient barrage à la radio et à la télévision jusqu'à la fin des années 1980, qui lui barraient la route pour cause d'irrespect envers leurs canons esthétiques, leurs cases idéologiques.
Prenant plaisir à la rébellion parce que dédaignant depuis toujours le convenu, le style musical n'est jamais dans l'idolâtrie, mais régulièrement dans la ruade. Ni bien-pensant ni mal-pensant mais totalement libres, les chebs ont toujours imprimé à leur composition leur droit à l'irrévérence frontale, voire à la subversion savoureuse. Aussi bien dans les sujets tendus que dans son orchestration âpre et inimitable parce que plurielle. Novateurs par la hardiesse du propos, leur propension pour la chanson osée n'a d'égal que leur plaisir à se produire en tout et partout, du bouge le plus sombre aux scènes les plus sophistiquées.
Ainsi, rarement le bonheur de chanter devant un public divers ne fut atteint avec autant de complicité, d'aisance et de professionnalisme. Inscrits dans cette perspective, les chanteurs de raï ne sont aucunement dans la trahison mais bel et bien dans la quintessence du moment. Chez ces artisans qui fabriquent leurs chansons à l'intuition provoquée par la rue avant l'école des codes, il s'agit moins d'une impertinence de style que d'une transposition franche de tranches de vie de tous ces gens qui souffrent plus de l'humiliation ambiante que de leur indigence matérielle, de tranches de ce quotidien qui empêchent pour beaucoup les gens de rêver.
Renouant symboliquement avec toutes les autres musiques populaires engagées qui disent le peuple tel qu'il est dans ses amours et ses désamours, le raï, qui très souvent vibre à la rage des exclus, assure à bien des égards une fonction de représentation auprès de toute une population longtemps mise à la marge, négligée. N'y a-t-il pas par hasard dans ce style, insolent par instinct, une conscience individualisée plus marquée ? En tout état de cause, le raï d'aujourd'hui, avec ses nouvelles têtes d'affiche et ses multiples déclinaisons instrumentales, s'est taillé la place la plus importante dans le goût du public national et international, tous âges et sexes confondus.
Un genre musical anticonformiste
Il est indéniablement perçu par beaucoup de jeunes d'ici et d'ailleurs comme l'emblème préféré de la contestation, car ils considèrent que c'est le genre national qui sait raconter le mieux leur blessure, la chanson qui sait le mieux brosser leurs états d'âme, les écouter. Sauvage et insoumise et surtout impliquée dans sa démarche à casser les moules, la chanson raï ne s'est jamais montrée tendre avec la société. Catalyseur de la critique sociale, muni uniquement de voix mordantes et de phrases tranchantes qui ne font pas injure à leur plaisir, le genre tresse ses mots du jour puisés de la vie de tous les jours, des mots grinçants tirés de la réalité ambiante, des mots non récupérables, des mots inadaptés aux modèles, inadaptables au carcan.
C'est à partir de ces mots soucieux du moment qu'il construit ses œuvres, en les enrichissant de trouvailles empruntées à d'autres musiques grâce aux brassages rendus possibles par l'ouverture au monde qu'il explore des nouveaux goûts. Ce sont ces mots en enfilades chahutées, rencontrés chez le jeune d'en face subissant la frustration, les repères chahutés et le malaise socioéconomique qui constituent sa première filiation esthétique, ses premiers ressorts de création contemporaine, ses crédos exaltés de la citadinité, ses normes à lui, qui, pour une grosse partie, est venu de la campagne et ses obtus censeurs. Sa voix exprime une sorte de journal intime qu'on sort à l'air libre, qu'on évente pour abattre les conventions qui étouffent les envies et les volontés.
Dans ses compositions collages dédiées à la liberté du corps et de l'esprit et ses couplets flottants, dont le rythme demeure la clé de voûte de toute son évolution, le raï a su très vite se réinventer et surtout trouver une réponse originale ou encore originelle au défi de la création par une création débridée. Une création iconoclaste, pour ne pas dire libertine, qui va à l'essentiel, qui va au dépouillement proche de l'essentiel, qui inaugure un style qui dit l'essentiel en deux ou trois mots, deux ou trois notes que les cuivres de Bellemou ont magistralement amplifiés en leur temps, que les guitares de Raïna Raï continuent d'embellir de leurs «khanates» électriques jusqu'à maintenant.
Né dans l'envie d'être partagé, de trouver immédiatement son autre moitié avant d'être dans la raideur de l'esthétisme hermétique et des joailleries inabordables parce que surveillées par les gardiens du temple de la pureté, le genre apparaît très vite comme une expression énergique qui répond parfaitement à l'air du temps, à une demande d'un moment intimement lié aux tribulations de ce même temps. Direct dans ses interpellations langagières et ses ardents arrangements musicaux injectés dans l'art traditionnel, il n'a pas à s'embarrasser des vieilles querelles de spécialistes parce que ses interprètes troubadours n'ont pas été formés pour faire les raisonneurs.
Leur mission première : chanter, faire danser, doper l'émotion et surtout créer de la convivialité. Et ils y arrivent à tous les coups et en toute circonstance. Benchenet est beaucoup plus à l'aise à lever la pâte inspiratrice de mots jusque-là dédaignés qu'en faisant de la rhétorique. Vivre se conjugue au présent et les chanteurs raï puisent leurs airs et leurs paroles de ce présent avec sa poésie et ses impasses. La preuve, ce qui frappe le plus dans ce genre iconoclaste, qui va de Cheikha Remitti, à cheb Kader Japonais, de Cheikha El Wachma à cheba Dalila, c'est son extraordinaire jeunesse. Ou mieux, son actualité. Le genre ne prend pas de rides parce qu'il continue de prêter sa sensibilité, sa voix et son oreille à tous ceux qui aspirent à exister pleinement, sans enclume et sans œillères de direction.
Le genre ne vieillit pas parce qu'il sait ranimer mieux que tous les vocables qui recèlent en eux du patrimoine ancien, du sens fougueux et de l'harmonie ardente, des vocables usés auxquels il donne une sève créatrice et une vertu pérenne. Le genre ne dépérit pas parce qu'il sait entretenir la subversion la plus farouche dans un univers constamment assiégé par les procès d'intention et les bûchers idiots. Avide de sons avant d'être respectueux d'une école musicale autoproclamée, il devient la référence obligée, le repère incontournable chez les producteurs de musiques, les distributeurs et les tourneurs de stars parce qu'il a su inaugurer un style conforme à son époque, un style qui sait parler aux gens, d'une musique qui se refuse de jouer aux larbins des systèmes de pensée, d'un art lyrique au tempo qui s'interdit les interdits confectionnés par ces âmes bien-pensantes et leurs pendants invariables, ces brideurs de goût en retard d'une révolution, en décalage mortel avec l'évolution.
Autrement rattaché au passé et à ses symboles, ce genre musical irrémédiablement infléchi vers l'irrespect des statues et puisant régulièrement son langage, ses audaces, son inspiration et sa verve débridée dans le milieu qui l'a vu naître, se revendique totalement de ce milieu qui lui signifie sa chaleureuse sympathie à chaque CD sorti, de toute cette lignée de ces sans voix et sans grade qui lui réitèrent leurs soutiens à chaque gala, lui suggèrent leurs histoires individuelles et leurs drames collectifs à chaque rencontre et sans protocole. Sa supposée ignorance de la norme constitue en fait sa norme préférée, lui qui a su, pour une fois, assurer avec maestria son passage de l'âge de la flûte à l'âge du synthétiseur. A la fin, ses chansons tour à tour déclinées en incantations tristes ou en flots de couplets impétueux ne sont que des cris d'amour authentiques au bout du compte. Leur condamnation par certains ne repose-t-elle pas sur un malentendu ? Espérons-le.


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