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La grâce présidentielle : la grande fumisterie des prisons algériennes
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Publié dans El Watan le 15 - 08 - 2012

Lorsqu'elle n'est pas une école du crime, la prison ressemble davantage à un enfer. pour certains, elle pourrait jouer le rôle de purgatoire, et pour la majorité, elle n'est que l'issue d'une aventure qui a mal tourné.
Néanmoins, et assez bizarrement, elle est devenue pour beaucoup de délinquants une sorte de caravansérail, d'auberge, un site étrange qui se trouve à mi-chemin entre le secours populaire, l'armée du salut et une maison de retraite. Quels que soient les leçons et bénéfices que l'on puisse en tirer, ou les stigmates des geôles qui vous marquent à tout jamais, la prison n'a jamais protégé la société. Elle demeure, hélas, le seul instrument approximativement moderne, civilisé et humain qui nous donne l'impression de réagir contre une fatalité humaine face à laquelle nous resterons éternellement désarmés.
Si à certains égards l'humanisation des prisons a été une réussite totale, de sorte que vos prisons sont devenues des sites de villégiature pour certains détenus récalcitrants, voire des hôtels cinq étoiles(1), la réforme pénitentiaire proprement dite, telle qu'elle s'est instituée, n'a pas contribué à éradiquer la récidive et encore moins à inspirer cette crainte exemplaire qui concourt à l'intimidation collective. Tout le droit pénal depuis plus de deux siècles repose essentiellement sur ces deux concepts : la peine doit assurer à la fois la prévention spéciale (inciter le délinquant à ne pas récidiver) et la prévention générale (dissuader les tiers d'imiter le délinquant).
L'article 24 de la Constitution algérienne confie à l'Etat «la responsabilité de la sécurité des personnes et des biens». Ainsi, l'Etat a en permanence le devoir d'échafauder dans l'imminence toutes les formes de politique sécuritaire pour mettre fin à une délinquance terriblement exponentielle face à laquelle ni les services de l'ordre, ni la justice avec sa fermeté, ni la prison avec son laxisme ne semblent détenir une quelconque puissance probante à même de stabiliser, sinon de réduire, la violence qui terrorise les populations et remette sérieusement en cause l'autorité de l'Etat. Il est aisée pour tout citoyen lambda de déceler dans l'étiologie de cette délinquance incontrôlable l'étiolement inexorable de la violence légitime de l'Etat intrinsèquement si nécessaire pour la paix sociale. Ainsi, le manque de pugnacité des services de l'ordre, la grâce présidentielle, la complaisance des prisons algériennes en sont les signes flagrants.
Depuis 2006, chaque année, à l'occasion de la célébration de la Fête de l'indépendance, dans une ambiance mêlée de solennité et de burlesque, les prisons algériennes réinjectent prématurément dans la société des centaines de détenus en défalquant de leur peine initiale des années de prison. L'origine de cette incommensurable et folle mansuétude à l'égard de nos délinquants, c'est la grâce présidentielle. Elle est devenue cet alibi légal et constitutionnel qui permet aux prisons de se délester surtout d'un nombre impressionnant de pensionnaires qui, sans cette grâce, auraient rendu notre système carcéral l'un des premiers au monde à avoir un taux de remplissage astronomique, dévoilant par là toutes les insuffisances manifestes de cette pathétique prison algérienne qui s'échine à figurer parmi les archétypes des prisons modèles soucieuses des droits de l'homme. Cet impossible anoblissement que visent les architectes de cette réforme pénitentiaire est antinomique avec les fonctions essentielles de la prison. La plus importante de ces fonctions restera ad vitam aeternam la protection de la société.
La grâce présidentielle, ce droit régalien en usage depuis des siècles et qui conférait aux monarques un attribut quasi divin, n'avait hélas pas les allures d'une kermesse comme il nous est loisible de le constater en Algérie. On en usait jadis avec parcimonie et non pas à tire-larigot. Si Ponce Pilate avait été largement clément avec tous les criminels de Judée, Jésus aurait continué à déambuler tranquillement et avec lui Barabbas et les autres. Malheureusement, les graciés se comptaient sur les doigts d'une seule main. Nous aurions pu nous dispenser de gloser sur une des prérogatives du président de la République ou plutôt sur ce rituel annuel juridico-politique si la situation n'était pas aussi tragi-comique d'abord par le nombre effarant de criminels libérés et ensuite par le taux de récidive de ces mêmes énergumènes.
Toute loi et droit sont essentiellement au gré des conjonctures et impératifs divers soumises aux abrogations ou aux amendements par les mêmes constitutions qui les auraient institués. En France, cette même grâce collective, qui, pourtant, sans être aussi carnavalesque que celle que connaît notre pays et dont l'usage était systématique depuis 1991, a été supprimée par la révision constitutionnelle de 2008. Depuis lors, l'article 17 de la Constitution française prévoit que «le droit de grâce ne peut plus être exercé par le président de la République qu'à titre individuel.
La grâce collective lui est désormais impossible».Certes, tout chef d'Etat gracie spontanément par clémence sincère, simple mimétisme politique et parfois par caprice lorsque ses jugements ou plutôt ses humeurs sont sous l'emprise de sa mégalomanie, de sa démence ou de sa sénilité, néanmoins, il est éminemment plus imprudent, voire irresponsable et dangereux que d'autres institutions s'évertuent habilement à escamoter, à contrefaire, à falsifier la vérité et laisser le Président relâcher indistinctement, aveuglement et démesurément chaque année des centaines de délinquants sous le fallacieux prétexte que ces derniers ont montré des gages de bonne conduite, notamment lors des diplômes qu'ils auraient prétendument obtenus après avoir suivi un enseignement et une formation professionnelle.
Il est utile de souligner que les maisons d'arrêt, pour faciliter le processus d'intensification de ces grâces qui feront libérer des masses de détenus soit chaque année soit progressivement ultérieurement choisissent délibérément des cycles de formation davantage déterminés et régulés en fonction du calendrier de la grâce présidentielle, peu importe que ceux-ci soient de piètre qualité, difformes, courts ou terriblement factices. La seule priorité de l'administration pénitentiaire est que tout ce remue-ménage finisse avant le mois de juillet, période de la grâce présidentielle qui est devenue hélas une nouvelle «kaâba» qui régulera les circumambulations sempiternelles de la délinquance.
Ces avatars de type d'enseignement et de formation professionnels bidouillés au sein des prisons s'effectuent en complète contradiction avec les impératifs pédagogiques inhérents à la législation de la formation professionnelle en vigueur.(2) Désormais, tous les délinquants s'agglutinent par contingents inimaginables dans des classes de fortune, dans l'unique espoir et avec préméditation de se soustraire par ces mesures de grâce (sur-institutionnalisées) à des sentences pénales conçues à l'origine pour correspondre de manière inflexible (sauf cas particuliers) à une infraction et un dommage réels causés à la société tout entière. Tout le monde peut hélas constater que la peine est vidée de ses sens et buts fondamentaux : rétribution et dissuasion.
La peine comme norme fondatrice et inviolable n'a plus aucune valeur dans la mesure où ses effets sont escamotés, dissous à travers ce genre de pratiques. Une duplicité tacite s'insinue entre le crime et l'institution chargée de le circonscrire. Le délinquant se met à programmer, ajuster et à anticiper son comportement délictueux en fonction de ce genre de réponse pénale complaisante, prévisible et dérisoirement dissuasive.
La peine et ses effets dissuasifs qui sont l'ossature du système pénal perdent leur sens. Le détenu se met à manipuler une administration pénitentiaire qui pense gérer l'évolution de sa peine, mais qui, dans ces cas, ne pourra jamais le faire selon les principes sacro-saints de toute pénologie bien claire et inviolable. Nous ne pourrons avoir dans les colonnes de ce journal l'espace nécessaire pour abonder exhaustivement dans la déconstruction des tartufferies et des mystifications ostentatoires déployées par les prisons algériennes sous l'effet des terribles injonctions qui les somment d'obtenir des résultats dont on ne pourrait en rêver nulle part ailleurs.
Le plus grand sacrilège, c'est que ces détenus qui récidivent seront autant de fois graciés pour peu qu'ils arrivent à obtenir un diplôme de pacotille qui leur sera d'ailleurs gracieusement offert, car il y va de la gloire et du prestige de l'administration pénitentiaire qui est terriblement aveuglée par cette surinflation de chiffres qu'elle arbore chaque année dans son bilan. C'est un peu l'histoire du serpent qui se mord la queue. En instrumentalisant cette politique surmédiatisée de statistiques par le biais de pirouettes aussi pernicieuses, elle ne fait que se discréditer, compromettre la magnanimité du président de la République et nuire à la société. Par ailleurs, quand bien même on s'amuserait à triturer la peine de manière à la rendre plus douce, à humaniser les prisons, pour reprendre un jargon galvaudé çà et là, la peine doit inconditionnellement conserver sa rigueur et sa dureté.
La peine doit non seulement être «juste et humaine», mais aussi «utile par sa sévérité» avérée qu'il nous est loisible de vérifier à travers son pouvoir de dissuasion. Primo : la peine «juste et humaine» a été consacrée par le droit pénal voilà plus de deux siècles, le juriste et philosophe Beccaria l'avait évoqué dans son œuvre Traité des délits et des peines (1764), l'ensemble des pénalistes avaient fait de ses travaux une panacée à suivre rigoureusement : «Punir pas plus qu'il n'est juste, pas plus qu'il n'est utile», voilà les garde-fous que le droit pénal observe méticuleusement en Europe depuis 1810.
Secundo : la peine : «Utile et sévère», celle-ci doit l'être davantage. Pour l'ensemble des pénologies, les châtiments ne doivent avoir pour but que d'empêcher le coupable de nuire à la société et de détourner ses concitoyens de la voie du crime.
(A suivre)
Notes de renvoi :
*1- Voir le décret n°99/77 du 11 avril 1999 portant organisation et sanction des formations, décret qui traite de la classification et de la détermination des niveaux de qualification qui s'échelonnent de 1 jusqu'à 5 (CFPS/CAP/CMP/BT/ BTS) avec des durées de formation qui vont de 12 à 36 mois. Jamais une formation diplômante efficiente ne s'est déroulée en un temps aussi record que celui qui est pratiqué au niveau de nos prisons.
Les conventions cadres du 17 novembre 1997 et celle du 8 mai 2006, (ministères de la Justice, de la Formation et celui de l'Emploi, notamment à travers les articles respectifs (art 6 pour la 1re convention et art 10 pour la 2e) précisent ce qui suit : «La durée de ces cycles de formation professionnelle doivent être conformes à la réglementation en vigueur et celle applicable aux centres de formation professionnelle.»
*2- Voir ouvrages suivants Des délits et des peines de Cesare Beccaria (1737-1974), juriste, philosophe, économiste et homme de lettres italien rattaché au courant des Lumières.
Son ouvrage fonde le droit pénal moderne et se signale notamment en développant la toute première argumentation contre la peine de mort. Théorie des peines et des récompenses de Jeremy Bentham (1748-1832), philosophe, jurisconsulte et réformateur britannique.


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