Le 26e anniversaire du printemps berbère est marqué par un hommage rendu au chanteur Matoub Lounès, qui reste l'un des repères de la lutte identitaire. Des activités, dont un tournoi sportif organisé hier au stade du 1er Novembre, ont été préparées et animées ces derniers jours à l'initiative de la fondation qui porte le nom du chanteur. Un dépôt de gerbe de fleurs est prévu aujourd'hui, sur le lieu de l'assassinat du chanteur à Tala Bounane et sur sa tombe à Taourirt Moussa. Une caravane culturelle sous le thème « Tamazight tehwadj lehna (tamazight a besoin de paix) », sillonne les chefs-lieux de daïras à la rencontre des jeunes. Ceux-ci ont été nombreux à affluer aux expositions, projections et conférences-débats qui étaient au programme. « Nous sommes là pour redonner espoir aux jeunes, car l'avenir leur appartient », a déclaré Malika Matoub, présidente de la fondation et sœur du chanteur. « Nous avons besoin de vous vivants. On ne veut plus de sacrifices. Construisons ensemble ce pays, cette région. Win idren at-idadren », a lancé la présidente de la fondation à l'adresse de l'assistance lors d'une conférence publique. Les assistants ont écouté Malika Matoub, qui a tenu un discours d'apaisement, appelant les jeunes à ne pas accepter la désolation qui gagne la scène locale et le désespoir. « Nous voulons faire de la fondation un carrefour pour les jeunes. La vérité sur l'assassinant de Lounès concerne ma mère et moi », a encore déclaré Malika Matoub, qui déplore la détérioration du climat politique local, où les protagonistes manquent d'humilité, refusant de se remettre en cause et ne tolérant ni la critique ni la coexistence. Le 26e anniversaire du printemps berbère ne déroge pas à la tradition malheureuse des luttes intestines entre différentes ailes se réclamant du mouvement culturel berbère. Il est rare de recevoir une déclaration dépourvue d'attaques voilées ou de mises en garde. Le commun des citoyens en arrive à se demander si les rendez-vous du printemps en Kabylie ne riment avec les règlements de compte et les déchirements. Compagnons d'hier, ennemis jurés d'aujourd'hui, les anciens acteurs du mouvement de protestation né en Kabylie en 1980 ne font plus enthousiasmer les jeunes. Les acquis sont pourtant importants et pourraient constituer un motif de satisfaction commune, mais les crispations politiques des uns et des autres minent toute dynamique pouvant stabiliser la scène locale et lui permettre de connaître enfin un essor économique au même titre que les autres régions du pays. Les archs, nés des événements du printemps noir de 2001, ayant fait naître un réel espoir d'un renouveau politique, tombent également à leur tour dans la guerre des tranchées qu'est devenue la scène politique locale. Certains des slogans ou déclarations des délégués sont extrêmement virulents lorsque, loin de cibler le pouvoir, sont au contraire dirigés contre une partie de la société civile. Les jeunes s'accrochent à la mémoire de Matoub, l'un des rares repères qui n'ont pas vacillé dans leur esprit. Inconsolables de la mort du Rebelle, les jeunes assistent avec détachement à l'explosion des invectives, essayant de se remémorer le message d'avril 1980. Déçus par l'évolution de la situation, ils se réfugient dans le passé. Comme ce jeune vendeur de cigarettes, qui écoute un étonnant flash d'information enregistré sur cassette : « ...Le ministre de la Santé s'est déplacé à l'hôpital de Tizi Ouzou où a été transféré le corps du chanteur Matoub Lounès... ». Pour ce jeune, le temps s'est arrêté le 25 juin 1998...