Les Iraniens ont choisi, vendredi, Hassan Rohani, le candidat conservateur modéré, au poste de président de la République. Il succède au président ultraconservateur Ahmed Ahmadinejad qui a cumulé deux mandats successifs avec le bilan peu reluisant que l'on sait tant au plan économique qu'à celui des libertés et des droits de l'homme. Avec un tel héritage qui a plombé le pays sur tous les plans, le fait que le président sortant, M. Ahmadinejad, ne soit pas candidat – la Constitution iranienne limite à deux le nombre de mandats présidentiels successifs – est déjà, pour de nombreux Iraniens, particulièrement la jeunesse et les femmes qui ont les plus souffert du règne totalitaire et ultraconservateur de l'ancien président, un signe d'espoir et de renouveau quel que soit le candidat qui sortira des urnes. Parmi la palette de candidats qui se sont présentés à cette élection où le courant ultraconservateur était fortement représenté, Hassan Rohani aura été, d'une certaine manière, le candidat «réformateur» par défaut. Cela, en l'absence d'un candidat attitré du courant réformateur de l'ancien président Mohammad Khatami, même si le nouveau président iranien n'est pas un réformateur de conviction, mais un conservateur modéré qui partage certains principes du projet de société porté par le courant réformateur. Les scènes de liesse qui ont envahi la capitale, Téhéran, et les autres grandes villes iraniennes après l'annonce des résultats illustrent cette volonté des Iraniens, notamment la jeunesse et les femmes, de s'affranchir de cette chape de plomb particulièrement pesante incarnée par le règne de Ahmed Ahmadinejad. Le changement promis sera toutefois un changement de degré et non pas de nature. Il devra se traduire par moins de dogmatisme et une certaine tolérance dans la vie en société sur les comportements vestimentaires et les libertés d'une manière générale. Mais pas plus. Sans incidence profonde sur la nature du régime. Ce sont d'ailleurs là les principaux mots d'ordre autour desquels M. Rohani a bâti sa campagne électorale, même s'il n'en a pas fait franchement un choix programmatique de ses promesses électorales orientées prioritairement sur la relance de l'économie à travers un travail de pédagogie politique pour desserrer l'étau des sanctions internationales qui ont imposé au pays le recours forcé à une économie de guerre aux conséquences désastreuses pour la population. Pour ce faire, M. Rohani, qui a fait ses études en Ecosse, devra donner des gages concrets aux pays occidentaux, notamment sur le dossier du nucléaire qu'il maîtrise parfaitement pour avoir été négociateur pour l'Iran entre 2003 et 2005. Le tout est de savoir quelle pourra être sa marge de manœuvre sur ce dossier stratégique pour le régime iranien ; un dossier érigé presque en dogme, autant que le régime islamique en vigueur depuis l'avènement de la Révolution islamique en 1979. Connaissant le poids et la place de l'institution présidentielle dans l'échiquier du régime théocratique iranien où la source du pouvoir reste le clergé incarné par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamanei, il ne fait pas l'ombre d'un doute que l'élection de M. Rohani ne changera fondamentalement rien au cours de l'histoire en Iran. Les quelques concessions contrôlées au plan sociétal qu'il pourra faire, avec l'assentiment du clergé, ne feront pas de l'Iran un pays plus respectueux des libertés et des droits de l'homme.