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Sidi Sémiane : Deux femmes, une souffrance, une aspiration
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Publié dans El Watan le 02 - 01 - 2014

En ces derniers jours du mois de décembre 2013, il était curieux pour nous de porter notre choix vers l'une des contrées lointaines, très peu fréquentées, de la wilaya de Tipasa, afin d'aller à la rencontre de ces familles rurales, de surcroît de ces femmes algériennes qui résistent à la dureté de leurs quotidiens dans la dignité pour survivre.
La commune rurale déshéritée de Sidi Sémiane (Cherchell) était notre destination. Il fallait « escalader » le sinueux chemin de wilaya qui relie la RN11 à cette petite localité rurale. Après plus de 12 kilomètres, sur un mur en béton érigé au bord du chemin de wilaya, nous pouvons lire le nombre de kilomètres qui restent à parcourir.
Le passé de cette région de la wilaya IV historique durant la guerre de libération nationale était très riche. Malheureusement, elle a été abandonnée juste après l'Indépendance. Les populations des 7 douars épars de cette commune étaient livrées à elles-mêmes. Impuissantes ; elles luttaient pour surmonter leurs problèmes. Au début des années 90 sanglantes,Sidi Sémiane devient par la suite le carrefour idéal emprunté par les groupes terroristes.
Les crimes étaient nombreux. Décapiter un citoyen était un acte banal à Sidi-Sémiane. Les citoyens souffraient et mouraient en silence, en raison de l'absence des services de sécurité.
Il n'y avait pas de casernes militaires, ni une brigade de gendarmerie nationale, ni une sûreté de police, et encore moins un détachement de la garde communale.
A ce jour, la gendarmerie nationale et la sûreté nationale ne se sont pas installées au chef lieu de la commune de Sidi Sémiane. Les habitants de ces espaces incrustés dans les montagnes avaient vécu la violence.
Alors pour atteindre cette commune rurale perchée sur les cimes, il fallait fendre le relief abrupt constitué d'une série de collines, rarement boisées sur plusieurs kilomètres. Le ciel gris ne cessait de descendre au fil des kilomètres escaladés.
La température frôlait le bas de l'échelle. Nous croisons très peu de petits véhicules de transport de voyageurs et des camionnettes. Même les deux plaques de signalisation qui indiquaient l'entrée et la sortie de la cité de Sidi Sémiane, avaient se sont volatilisées du décor chaotique de cet espace rurale.
L'artisane Yamina, née en 1962, n'est jamais partie à l'école. Elle est mère de 8 enfants. L'aîné de ses enfants est aujourd'hui âgé de 33 ans. Yamina a perdu son mari en 1990. Une vie cruelle l'accueille froidement dans la zone sud du village.
Ses enfants ne mangeaient pas à leurs faims. Yamina était obligée de fuir les lieux dangereux et quitter son gourbi avec ses petits enfants, pour ne pas devenir à son tour avec ses enfants les victimes innocentes de l'insécurité.
Son habitation précaire était plantée au milieu des montagnes inaccessibles. Yamina et ses enfants partent alors à l'aventure pour marquer une halte à proximité du marabout de Sidi Sémiane. Elle demeure jusqu'à aujourd'hui dans cet espace.
Brillant élève, son fils adolescent qui fréquentait le collège d'enseignement moyen à Cherchell abandonne subitement ses études, à l'issue de la perte tragique de son papa, pour subvenir aux besoins de sa maman, de ses 4 sœurs et de ses 3 frères. C'est le calvaire. Sauvegarder la vie de cet environnement impitoyable était primordiale.
Yamina est secouée dans son esprit. Elle se rappelle du métier de sa mère et de sa grand-mère. La poterie. Il s'agit de fabriquer des assiettes et des meubles à l'aide de l'argile et quelques outils rudimentaires. Il fallait s'approvisionner en matière première à partir d'un endroit situé à plus de 4 kms de son habitation précaire.
Elle commence ainsi à imiter sa mère, en produisant à l'aide de ses mains quelques objets. Sans le savoir, Yamina perdure la tradition artisanale berbère et préserve le patrimoine de sa région natale. La scolarité des enfants de Yamina devenait insupportable financièrement, en raison des conditions sociales dramatiques vécues par Yamina et ses enfants.
La commercialisation de ses articles de poterie ne fonctionnait pas. En reprenant le rôle de chef de famille, le fils aîné de Yamina décide d'interrompre la scolarité de ses sœurs et de ses frères. Il fallait se solidariser dans la petite famille pour recueillir des ressources à n'importe quel prix, au détriment de leur santé et de leur scolarité.
C'était inévitable pour les membres de cette famille. Quelques litres de l'huile d'olives sont récupérées des oliveraies lointaines et revendues par la suite au marché hebdomadaire des femmes au sein de la cour du marabout de Sidi Sémiane.
En regardant à présent dans son « rétroviseur » ; même si Yamina a été fragilisée durant des années ; grace à sa ténacité, la maman des 8 enfants a pu améliorer la qualité de son travail artisanal d'une part et d'autre part aider son fils aîné à se marier pour qu'à son tour, elle devient grand-mère.
Les conditions se sont légèrement améliorées. Yamina et ses enfants continuent à lutter pour vivre. D'ailleurs, elle vient de marier aussi sa fille. Une charge en moins pour Yamina. En cette fin de l'année 2013, elle nous accueille avec son léger et timide sourire. Elle est fière de son parcours, d'autant plus qu'elle est sollicitée. En dépit des conditions difficiles, elle ne se plaint pas.
« La dernière vague de froid a décimé mon petit cheptel de caprin nous dit-elle, j'ai tout fait pour sauver mes bêtes, en leur préparant le lait chaud, les tisanes chaudes et j'ai même alimenté les pauvres petites bêtes à l'aide du biberon, hélas pour nous et pour elles, elles sont toutes mortes, leur abri de fortune a volé en éclat à cause de la pluie, des averses de grêles et des vents ajoute-t-elle, nous étions tous impuissants, quand nos bêtes agonisaient avant de mourir enchaîne-t-elle, j'espère reconstituer mon petit cheptel, parce que je ne peux pas me passer de mes accompagnateurs », conclut-elle.
Son stock de poterie est épuisé. Yamina reprendra le travail artisanal dès que cessera la pluie et le soleil reprendra sa place. « C'est l'exigence de mon travail, je n'ai pas un atelier et le séchage de ma poterie s'effectue avec les rayons de soleil. », nous avoue-t-elle.
Avant de l'abandonner au seuil de son gourbi, Yamina nous offre 2 grenades, ce fruit à grains qui existe dans toutes les maisons rurales. Une lueur d'espoir se profile à l'horizon pour cette famille et ses voisins de Sidi-Sémiane.
Les administrés de cette commune rurale commencent à bénéficier de l'aide au logement rural, tandis que les signes du projet de branchement en gaz de ville au profit des maisons éparses et construites dans l'anarchie commencent à paraître.
Néanmoins ; un sentiment d'espoir se dégage des propos de la famille de l'artisane qui aspire à un avenir avec zéro souffrance, grace à la création des emplois promise par l'administration des forêts depuis 2009, au profit des habitants des douars de la commune de Sidi Sémiane d'abord et ensuite la réalisation d'autres équipements d'intérêt public.
Nous partons plus loin encore sous un ciel gris menaçant. Une trentaine de kilomètres, Ghardous, est une agglomération importante de la commune de Sidi Sémiane.
Djamila âgée de 48 ans, mère de 6 enfants âgés entre 11 ans et 24 ans vit depuis 1996 dans cet autre carrefour qui relie les chemins qui mènent à Cherchell, Menaceur et Sidi Sémiane. Djamila habite dans un studio du centre de santé de Ghardous.
Samir son époux était l'infirmier. Il est décédé depuis 18 mois. Il était venu de la wilaya de Blida pour s'installer courageusement au milieu de ce paysage lunaire en 1995. Un défi pour Samir le blidéen.
Ne pouvant plus supporter « la sècheresse » qui sévissait dans le centre de santé, l'infirmier Samir avait acheté de son propre argent (4000 DA, ndlr) un âne afin de lui servir de moyen de transport de l'eau et de pouvoir s'approvisionner en d'autres objets.
Les voisins du centre de santé utilisaient de temps à autre l'âne, un moyen précieux de locomotion dans une zone enclavée. Samir succombe à la suite d'un AVC. Son épouse, un bout de femme, continue le combat pour élever ses enfants dans la douleur.
Djamila qui avait raté son examen de baccalauréat série sciences en « 1985 », décide de le repasser l'examen en candidate libre en 2012. Elle s'est sacrifiée, en dépit de l'éloignement, des ressources financières insignifiantes et les difficultés inhérentes à l'éducation de ses enfants.
27 ans après, Djamila décroche son baccalauréat. Un soulagement pour elle. « Cette réussite m'a changée et m'a fait oubliée la misère », nous dit-elle.
Bachelière en série lettres, Djamila est inscrite au centre universitaire. Confiante de ses capacités intellectuelles et avec l'espoir de bénéficier un jour d'un soutien pédagogique des enseignants bénévoles pour la révision de ses leçons de mathématique et de physique surtout, Djamila décide de revenir à la charge afin de passer à nouveau l'examen du baccalauréat en série sciences au mois de juin 2014.
Ses 2 filles bénéficient de l'internat, étudient au CEM de Sidi Sémiane, tandis que l'un de ses 2 garçons est collégien externe à Sidi-Ghilès. Il se lève de très bonheur pour rejoindre (20 kms) son CEM.
Le second garçon « butine » dans les magasins pour recueillir quelques sous dans les localités de Cherchell et de Sidi Ghilès. Djamila est employée en qualité d'agent de service au centre de santé de Ghardous. Elle est forte de caractère. Une battante qui veut créer une association pour s'occuper des personnes âgées de la commune de Sidi Sémiane, oubliées dans leurs gourbis. Grâce à son petit salaire, elle bénéficie de l'assurance sociale.
Jusqu'à ce jour, le P/APC de Sidi Sémiane s'entête pour ne pas répondre à ses doléances. Le Chef de daïra de Cherchell insensible n'a pas réagi, pour alimenter le centre de santé de Ghardous en eau potable à partir de l'école primaire qui se trouve à un mètre de son studio.
Elle achète de l'eau pour boire d'une part et d'autre part elle accumule les eaux de pluie pour les utiliser dans le nettoyage de sa maison d'astreinte au centre de santé dans cette zone rurale. Djamila ne veut pas tend pas la main. Pourtant, elle n'arrive pas à rejoindre les 2 bouts durant le mois. Le mépris affiché par les autorités locales à son égard est criard. Etrange.
La situation de l'absence de l'AEP du centre de santé de Ghardous perdure, bien qu'il avait été signalé plusieurs mois auparavant. Djamila veut être un exemple pour ses enfants à tous les points de vue, afin de les épargner des souffrances.
« Je préfère me sacrifier pour assurer un avenir meilleur à mes enfants nous dit-elle afin qu'ils ne subissent pas les foudres de misère à l'avenir, j'ai assez vécu cette situation misérable, je ne cesse de leur inculquer dans leurs esprits que les études, la patience et la bonne éducation demeurent les piliers de la réussite ajoute-t-elle, donc j'apprend toute cette culture à mes enfants pour qu'ils ne dépensent pas inutilement leurs précieux temps, afin qu'ils préparent leur avenir dans la sérénité enchaîne-t-elle, bien nous vivons très loin de la ville, car si il y a bien une chose qui forge le caractère et l'esprit d'une personne, c'est bien les difficultés de la vie, et c'est notre cas, mais voyez-vous ce n'est pas une tare »,conclut-elle.
Les deux femmes de Sidi-Sémiane, Yamina et Djamila avaient perdu leurs maris dans des conditions différentes. Elles avaient continué à combattre contre les problèmes de leurs quotidiens respectifs au milieu des montagnes, afin de préserver la solidarité de leurs cellules familiales, en se fichant allègrement du regard hostile de leur environnement misogyne. Baignant dans cet univers de misère, il n'en demeure pas moins qu'elles gardent l'espoir de voire un jour, le soleil briller sur leurs maisons, après des décennies de labeur et de résistance dans une totale indifférence.


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