Dans une interview réalisée par Bouziane Ben Achour, publiée par El Watan, le 7 mars 2002, M'hamed Benguettaf avait parlé à cœur ouvert et même de manière prémonitoire. - Qu'a apporté de plus au 4e art Benguettaf par rapport à ses aînés fondateurs et précurseurs du théâtre algérien ?
Ecoutez, je n'ai pas la folie des grandeurs pour dire que j'ai apporté précisément ceci ou cela, en plus. Je dirai par contre que j'ai pris part à l'aventure artistique avec, il est vrai, de nouvelles préoccupations de la société à laquelle j'appartiens, de nouvelles techniques éventuellement, un nouveau regard peut-être. Disons que je m'inscris dans le parachèvement de l'œuvre en ajoutant ma «halqa» à moi dans cette série de questionnements de ce patrimoine qui nous est commun à tous. J'essaie d'être le continuateur à ma manière.
- Et si vous deviez nous donner votre appréciation sur le théâtre algérien de ces dix dernières années, que diriez-vous ?
Je n'aurais pas l'indécence de donner une appréciation exhaustive sur les pièces produites lors de cette décennie parce que, honnêtement, je ne le pourrai pas. Par ailleurs, il me semble qu'on n'a pas assez de recul aujourd'hui pour évaluer correctement la marche de ce théâtre dans les conditions épouvantables que le pays a vécues et que tout le monde connaît. La sphère de l'activité théâtrale subissait de plein fouet le drame au quotidien, et ça tout le monde le sait. Je dirai que le grand mérite de ce théâtre, c'est d'être resté debout malgré un environnement hostile et une déliquescence totale des circuits de production et surtout de diffusion. Et rester debout est loin d'être négligeable.
- Si vous deviez nous rappeler, du haut de vos quarante années de pratique théâtrale, les hommes et les femmes du théâtre algérien avec lesquels vous avez exercé votre talent d'artiste, quels sont les noms des premiers créateurs qui s'imposeraient à vous ?
Pour être franc avec vous, je dirai que j'ai été un homme chanceux parce que j'ai travaillé avec les plus grands, les plus talentueux, les plus généreux et les plus humbles. J'ai donné la réplique à Keltoum, Noria, Wahiba, Yasmina, Allel El Mouhib, Safiri, Sid-Ali Fernandel, Ouaniche, Ali Abdoun, Kasdarli, Taha El Amiri, Abdelhalim Raïs, Agoumi, Hadj Smaïn, Yahia Ben Mabrouk «l'apprenti», Sid Ali Kouiret, Tajer, Bougaci et j'en oublie, mais ce sont d'illustres et authentiques artistes. J'ai travaillé avec Mustapha Kateb, Rouiched, El Hachemi Noureddine, Abdelkader Alloula et d'autres grosses pointures tout aussi inspirées les unes que les autres.